Aimée et un cerveau qui ne veut pas d'elle.

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L'histoire se rejoue. Aimée laisse ses jambes pendre dans le vide sous la digue, elle laisse ses pensées s'éparpiller. Vers des vieux films qu'elle a regardé, ou bien des tableaux aux coins abîmés. Elle est comme un chien qui court après des voitures : que fera-t-elle après avoir atteint son objectif ? Que faire des levers du jour ?
Elle glisse sa main dans sa poche, retrouve le contact glacé rassurant de son couteau. Elle se voit déjà faire les gestes décisifs, comme lorsqu'elle est en voiture et qu'elle se voit ouvrir la portière et sauter sur la route défilant à grande allure, ou bien lorsqu'elle se sent arracher chacune des toiles du musée par la pensée. Des images noires, marquantes, indissociables du Vrai. Elle aurait dû en parler, en être débarrassée, peut-être en augmentant ses doses ou en restant hospitalisée de force. Mais elle se rappelle de la chambre d'isolement, des murs blancs qui n'arrêtent jamais de vous regarder, du lit en fer que vous aimeriez vous exploser sur le crâne jusqu'à faire taire vos idées noires. Les images dansent, celles du hublot sur la porte déformé par des coups, celles de chacune des lignes du carrelage qu'elle aurait pu compter jusqu'à sa fin.
Mieux vaut se taire, faire exploser les images de sa tête, ne plus rien ressentir hormis l'hiver qui n'arrête jamais sa course avant d'avoir atteint le cœur de la machine humanité. Aimée peut tenir, elle peut tenir.
Trente mètres sous elle, le couteau finit par se noyer. Sa poche est vide, enfin. Elle a l'impression de s'être arraché la moitié de son cerveau, d'être débarrassé de tout ça, de toute cette merde qui l'empêche de sortir la tête d'un océan rempli de pétrole. Aimée n'a jamais su nager.
Les bombes finissent toujours par exploser.

l'effet merWhere stories live. Discover now