Chapitre 7

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Les pas de Margaret faisaient craquer le bois des escaliers menant de son appartement à la librairie située juste en dessous. Elle vivait là avec son mari, lorsqu'ils n'étaient pas en voyage à la recherche de livres rares pour leurs clients. Elle traversa la remise de la boutique et s'avança vers son fils qui rangeait ses affaires derrière le comptoir.

— Tu m'as demandé de venir, fit-elle en arrivant face à Sanjay.
— Oui, je dois y aller, est-ce que tu pourrais me remplacer à la caisse ? demanda-t-il en regardant sa mère de ses beaux yeux noirs en amande.
— Tu dois aller travailler à l'hôtel ?
— Non, euh... en fait j'ai démissionné. Mon patron était un con, j'en pouvais plus...
— Tu as démissionné ! Tu sais qu'on n'a pas les moyens de te payer plus que maintenant, les affaires ne vont pas bien ces derniers temps, tu le sais.
— Je suis sûr que ça va reprendre maman, il faut juste être patient. Donc c'est bon, tu me remplaces ? Tu seras pas beaucoup déranger, personne ne vient après 16 heures, enfaite personne ne vient de la journée.

La femme de cinquante ans à la peau claire et aux cheveux roux coiffés en un élégant chignon posa son doux regard bleu sur son fils.

— Tu sais bien que je ne peux rien te refuser, fit-elle en retrouvant son sourire. Mais dis-moi, si tu ne vas pas travailler, où est-ce que tu t'en vas comme ça ? poursuivit Margaret le regard rieur.
— Eh bien, j'ai rendez-vous avec un garçon, répondit-il le visage illuminé d'un sourire.
— Un rendez-vous ! Et je le connais ce garçon.
— Je l'ai rencontré que récemment...
— Et comment il s'appelle ? questionna-t-elle curieuse.
— Maman ! Je suis plus un enfant, répondit-il faussement vexer.
— Je sais, mais ça n'empêche pas que je m'inquiète pour toi ! J'espère que tu te protèges au moins.
— Maman ! lança-t-il en mimant de se boucher les oreilles. Je suis en retard, j'y vais.

Sanjay se saisit d'un sac à dos en cuir, paré de quelques pièces de tissus au motif pieds-de-poule, contenant ses quelques affaires et s'élança vers la sortie.

— Je t'aime mon chéri, lui cria-t-elle alors qu'il ouvrait la porte vitré.
— Moi aussi, fit-il avant de s'engouffrer dans la rue.

***

L'objectif de l'appareil photo d'Hubert Lork guettait la sortie du Prince Jules du Palais Royal. Il attendait déjà depuis plus d'une heure dans l'air glacé de la grande place, lorsque les cloches de l'immense tour de l'horloge sonnèrent seize heures. La vaste esplanade, décorée pour les fêtes, étaient bondées de touriste, ce qui rendait son travail difficile, mais son regard rivé sur l'écran de son appareil, devina la silhouette longiligne du prince. Il le reconnut aisément malgré la casquette noire enfoncée sur sa tête, les lunettes de soleil aux verres opaques et la longue écharpe en laine enroulée autour de son cou.

Gardant ses distances, le paparazzi suivit le jeune homme dans les larges avenues de la ville. Le grand parc Aaron King s'étendait au bout de la rue. Mais soudain, alors que Jules n'était plus qu'à quelques mètres du portail en fer forgé donnant sur l'oasis de nature, il se stoppa. Hubert mitraillait le jeune homme de son appareil photo, lorsqu'il réalisa que celui-ci faisait demi-tour. Il hâta pour le suivre de nouveau, mais perdit sa trace dans la foule.

— Et merde, jura-t-il en frappant du pied sur le sol.

***

Les grilles métalliques de l'entrée du parc Aaron King se dessinaient sous le regard de Jules. Ses pas ralentirent d'eux-mêmes. Ses mains tremblèrent, son cœur se serra dans sa poitrine. Toutes ses peurs, toutes ses craintes se réveillaient et l'assaillaient. Il ne pouvait pas, il ne pouvait plus y aller, c'était trop dur.

Jules s'arrêta d'un coup au milieu du trottoir de l'avenue. Les passants poursuivaient leurs déambulations sans se soucier de lui. Il baissa la tête et courut dans le sens inverse avant de s'engouffrer dans une petite ruelle déserte pour échapper à la foule d'inconnu le dévisageant.

Il s'avança lentement dans le sombre passage crasseux. D'un coup, il retira ses lunettes de soleil recouvrant ses yeux humides, laissa tomber sa casquette de ses doux cheveux châtain clair léchés de mèches blondes, dénoua son écharpe. Ses lèvres s'ouvrirent, laissant résonner sa douce voix entre les murs de briques noircies par le temps.

🎶 You know I want you
Even if it's a secret I try to hide
I know I want you
So deeply in my head and heart
But I can't have you
Everything is keeping us apart

If only we could rewrite the stars
And bonded our skins and hearts
If only we could rewrite the stars
And enjoy the warn of our arms 🎶

(Zac Efron, Zendaya - Rewrite the stars)

Jules passa une main dans ses cheveux, sécha ses yeux vert sombre et regagna la rue. Il n'avait pas fait deux pas lorsqu'il heurta l'épaule d'un passant.

— Jules ! s'écria celui-ci en tournant son regard vers lui.
— Bilal ! le reconnut le jeune prince.
— Attends, c'est Jules ? Le prince ! Tu connais le Prince et même pas tu m'en parles ! lança Johann, un jeune homme qui se tenait aux côtés du choriste d'Ariana.
— Je ne suis pas obligé de te raconter chaque seconde de ma vie ! lui répondit-il.
— Rencontrer un prince c'est quand même un événement !
— C'est Ariana qui nous a présentés il y a quelques jours, j'allais t'en parler j'ai juste oublié.

Johann leva les yeux au ciel avant de tendre sa main vers Jules pour le saluer.
— Désolé Jules, je te présente Johann, mon meilleur ami.
— Enchanté de te rencontrer, souffla-t-il en lui serrant la main, retrouvant le sourire un instant.

Le regard du prince se posa sur les deux jeunes hommes, aux yeux cerclés de maquillage tandis que Bilal portait une perruque de longs cheveux blonds. Jules les admirait tellement. Ils s'acceptaient tels qu'ils étaient, vivaient leur vie pour être heureux, pas pour les autres. Si seulement il avait la force de faire la même chose.

— T'abuse vraiment ! Tu passes ton temps à parler de tes cheveux, mais quand tu rencontres le parti le plus en vue de la planète, pas un mot.
— Arrête, tu nous fais honte devant le prince, lui lança Bilal en lui donnant un léger coup de coude dans le bras.

— Comment vous faites, souffla Jules mettant fin à la petite dispute.
— Comment on fait quoi ? demanda Bilal en fixant le jeune homme derrière les verres de ses lunettes.
— Pour être vous ! Pour suivre votre cœur sans vous soucier de ce que les autres pensent.
— Tu sais Jules, ce n'est pas parce qu'on le montre pas, que leurs remarques ne nous blessent pas, répondit-il plus sérieusement.
— Mais on fait le choix de ne pas s'empêcher de vivre sous prétexte que l'on ne plaît pas à certaine personne. Il y aura toujours des gens qui n'ont rien d'autre à faire que de nous critiquer, mais l'amour que l'on peut recevoir est bien plus fort que leur haine, poursuivit Johann.
— Merci, vous m'avez plus aidé que vous ne pouvez imaginer. Je dois rentrer, mais je suis ravi de vous avoir rencontré, dit Jules en repartant vers le château.

— Tu l'as fait fuir ! lui reprocha Bilal en regardant le jeune homme s'éloigner dans la large avenue bondée.
— C'est toi l'as fait fuir avec ton crâne de merde ! rétorqua Johann.

The Gay PrinceWo Geschichten leben. Entdecke jetzt