Chapitre 9

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Un long silence s'était installé dans le petit salon à la fin de sa phrase. Sa famille, posait sur lui de grands yeux, mais ne disait pas le moindre mot.

— Dites quelque chose, implora Jules écrasé par le poids de leur mutismes et de leur regards.

Soudain, Josephine se leva du canapé les yeux brillants. Elle s'avança vers Jules et le serra dans ses bras.
— Tu es un jeune homme très courageux Jules, lui souffla-t-elle à l'oreille. Tu as toute mon admiration et mon soutien absolu.
— Merci, répondit-il en serrant sa belle-sœur contre lui.

— Mon chéri, fit Anna tout bas en se joignant à eux dans cette étreinte.

L'héritière du trône fut rapidement imitée par les autres membres de la famille royale. Seul Léon ne les rejoignit pas. Il resta à sa place quelques instants, le regard ne témoignant d'aucune expression, avant de se lever de son siège. Le visage fermé, il quitta la pièce sans prononcer la moindre parole.

Des larmes, scintillantes sous la lumière du lustre trônant au plafond du petit salon, ruisselèrent sur les joues de Jules.

— Ton père a juste besoin d'un peu de temps mon chéri, tenta de le rassurer sa mère, sans que cela ne l'apaise vraiment. Il comprendra que cela ne fait pas de toi quelqu'un de différent, il comprendra que tu es toujours notre petit garçon.
— J'avais si peur de votre réaction, lança le jeune homme serrant sa famille dans ses bras.
— Rien ne nous empêchera de t'aimer, souffla Victoria.

Après de longs instants d'étreintes, chacun sécha ses larmes et retrouva sa place sur les fauteuils.
— Est-ce que tu as un petit ami ? demanda alors Andrew.
— Non, mais j'ai rencontré quelqu'un il y a quelques jours... répondit-il, gêné de tout d'un coup parler de cela à sa famille, alors qu'il avait passé toute sa vie à le cacher.
— Tu es amoureux ? fit Anna tout bas encore quelques larmes perlantes sur ses joues.
— Je ne dirais pas que je suis amoureux, il est encore trop tôt pour le dire, mais je ressens quelque chose pour lui.
— J'ai hâte que tu nous le présente, s'exclama Joséphine.
— Je sais pas si ça arrivera un jour, j'ai peur d'avoir tout fait foirer avec lui... On avait rendez-vous cet après-midi, mais j'ai paniqué et je n'ai pas eu la force d'y aller...
— Je suis sûr que si tu lui expliques, il comprendra, le réconforta son grand frère avant de poser son regard sur sa montre. On va devoir y aller, on a un dîner en ville, poursuivit Andrew en voyant l'heure tournée.

Il enlaça un à un, tous les membres de sa famille, tout comme le fit Joséphine et quittèrent le palais tous les deux.

— Jules, j'aimerais te parler en tête à tête, si tu veux bien venir avec moi, lui demanda Victoria en se levant et lui proposant son bras.
— Bien sûr ! répondit le prince en prenant le bras de sa grand-mère. Est-ce que tu m'acceptes comme je suis ? souffla-t-il alors qu'ils quittaient la pièce.
— Évidemment, je t'accepte. Tu es mon petit-fils et je t'aime. La seule chose importante pour moi est que tu sois heureux, que ce soit avec une fille ou un garçon importe peu.

Un sourire ému se dessina sur son visage. L'accueil de sa famille à cette nouvelle n'aurait pas pu être meilleure, bien que la réaction de son père, l'attristait et assombrissait ce tableau.

— Où allons-nous ? demanda-t-il gardant tout de même le sourire.
— Pas très loin je te rassure, commença-t-elle. Voici la galerie des sages, reprit-elle après quelques mètres en poussant deux grandes portes donnant sur un immense corridor. Tous ne méritent pas ce nom, mais dans ce couloir sont exposés les portraits de chacun de nos ancêtres dans l'ordre chronologique de leur règne. Tu y seras peut-être, qui sait, ajouta-t-elle en souriant.
— C'est peu probable que je monte sur le trône, Andrew est l'aîné.
— Il n'y a pas que des rois et des reines sur ses murs, il y a aussi des membres de notre famille qui ont marqué leur époque d'une manière ou d'une autre. Suis-moi, continua-t-elle.

La souveraine l'entraîna vers l'un des derniers portraits peint, les suivants étant des photographies.
— Tu la connais ? lui demanda Victoria en lui montrant le portrait d'une belle femme aux longs cheveux noirs et aux grands yeux vert.
— La reine Opale ? Tout le monde la connaît, c'est celle dont le bébé a été enlevé, la plongeant elle, ainsi que le royaume dans un long hiver.
— C'est la raison pour laquelle nous nous souvenons d'elle, en effet, mais il y a autre chose que personne n'a jamais sue hors des murs de ce château. Si tu te souviens bien, à l'école on vous apprend que le mari d'Opale est mort, quelques mois après l'annonce de la grossesse de la reine et qu'elle n'a jamais retrouvé l'amour de sa vie.
— Oui, mais je ne vois pas où tu veux en venir.
— Et bien cela est faux. Opale est tombée amoureuse, elle s'est même remariée en cachette dans les dernières années de sa vie...
— Et donc ?
— Elle s'est unie à une femme du nom d'Angela Rose. C'était une femme exceptionnelle, une ancienne domestique à la peau noire, dont la bravoure lui a permis d'être anoblie.
— Je ne savais pas... ces deux femmes devaient être merveilleuses.
— Seuls ses proches étaient au courant, mais c'était pour te dire que notre famille a toujours été ouverte d'esprit.
— Pas tout le monde...
— Ton père a besoin de temps, il est issu d'une famille très conservatrice, mais il t'aime, il reviendra à la raison.
— Merci grand-mère, souffla Jules en serrant son ancêtre dans ses bras. 

***

Alors que les silhouettes de Jules et Victoria disparaissaient dans le couloir, Anna se leva de son siège et se dirigea vers ses appartements privés. En ouvrant la porte de sa chambre, elle trouva Léon, assit dans le noir, un verre de whisky tournant entre ses doigts.

— Qu'est-ce qui t'as pris de partir comme ça, lui lança-t-elle sans dissimuler sa colère. Tu ne te rends pas compte de la peine que tu as fait à notre fils !
— Et ma peine à moi, on en fait quoi ! s'écria-t-il.
— Comment ça ta peine ? Ce n'est pas de ta vie dont ton parle, mais de celle de Jules ! Tu crois qu'il a choisi d'être différent, non, il est juste lui-même et il a le courage de l'accepter ! Vas t'excuser auprès de ton fils.
— Je... je ne peux pas... lâcha-t-il dans un souffle.
— Alors tu n'as plus ta place dans cette maison, je te laisse faire tes valises, répondit-elle sèchement en se tournant vers la porte. J'espère qu'un jour, tu comprendras ton erreur... reprit-elle avant de s'engouffrer dans le couloir.

***

Quittant l'enceinte du château royale, le conseiller de la reine, Monsieur Vaslot sortie son téléphone portable et composa un numéro. Il n'avait pas raté une miette de la déclaration de Jules à sa famille, ni de l'anecdote de Victoria sur leur ancêtre.

— Allo, fit la voix Hubert Lork. Pourquoi m'appelez-vous ?
— J'ai de nouvelles informations sur le prince Jules, qui vont vous intéresser j'en sûr ! s'exclama-t-il un large sourire aux lèvres.

The Gay PrinceWhere stories live. Discover now