Chapitre 10

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Le soleil matinal projetait ses doux rayons dorés dans la grande chambre de Jules. Il s'était levé tôt ce jour-là pour se préparer à aller voir Sanjay. Il s'en voulait de l'avoir laissé tomber la veille et avait peur d'être rejeté. Il fixait son reflet dans le miroir la salle de bain, cherchant à se donner la force de vaincre ses craintes et d'aller le revoir. Il terminait de dompter sa chevelure châtain clair lorsqu'il entendit quelqu'un frapper à la porte. Jules s'empressa d'ouvrir la porte, espérant que ce soit son père.

— Bonjour Jules, lui dit Josephine d'une petite voix. J'espère que je ne te dérange pas.
— Joséphine ! s'exclama-t-il étonné, mais pas déçu. Bien sûr, tu ne me dérange pas, ma porte est toujours ouverte pour toi, lui répondit le jeune homme en remarquant ses yeux rougit.

Il l'invita à entrer et lui fit signe de s'installer sur les fauteuils formant un petit dans un coin de sa chambre.
— Il y'a un problème avec Andrew ? demanda-t-il alors que la jeune femme passait une main tremblante dans ses longs cheveux noirs.
— Non, tout va bien avec Andrew, il est génial, souffla-t-elle en esquissant un sourire, en prononçant le prénom de son fiancé. Je voulais te parler d'hier. Ta sincérité et ton courage m'ont renvoyé à des choses de mon passé. Je n'en avais jamais parlé à personne, même pas à ton frère...

Elle s'arrêta un instant, quelques larmes ruisselantes sur ses joues. Jules lui tendit un mouchoir et posa sa main sur épaule.
— Merci, dit-elle tout bas en séchant ses larmes. Il y'a huit ans maintenant, ma sœur, ma grande sœur s'est suicidé...

Le mouchoir s'imbiba de larmes.
— Mes parents et moi... on a été dévasté. On ne comprenait pas son geste, pourquoi elle avait fait une telle chose alors qu'elle avait toujours été si joyeuse, si généreuse et gentille. Quelques mois avant, elle avait commencé à se renfermer sur elle-même. Mes parents ont voulu lui parler, savoir s'il se passait quelques choses à son lycée, mais elle n'a jamais rien voulut dire... Après sa mort, on a découvert qu'elle était tombée amoureuse de sa meilleure amie, mais ce n'était pas réciproque. On ne sait pas comment, mais les gens de son lycée l'ont su et l'ont harcelées parce qu'elle était différente. Elle recevait des centaines de messages homophobes et racistes tous les jours ! Elle ne nous avait même pas dit qu'elle aimait les filles, elle ne nous avait jamais dit qu'elle subissait toute cette haine...

— C'est inhumain de faire ça ! Ils sont idiots ou juste cruels, s'écria Jules qui n'avait pas d'autre de mot.

Les larmes lui montaient aux yeux. Il ne put se retenir de serrer Joséphine dans ses bras.

— Si seulement elle nous en avait parlé, si seulement on avait remarqué ce qui se passait, si on avait insisté pour qu'elle se confie à nous, on aurait peut-être pu l'aider... souffla-t-elle. C'est pour ça que tu m'as touché hier. C'est trop tard pour ma sœur, mais pas pour toi et tous les autres. Tu dois vivre ta vie comme tu l'entends, va voir ce jeune homme dont tu parlais hier, sort avec lui, fait tout ce que ton cœur veut.

— Josephine, je... je sais pas quoi te dire... dit-il en se rasseyant à sa place.
— Tu n'as rien à dire, je voulais juste te raconter mon histoire. On en parle pas avec ma famille, c'est trop dur, mais j'avais besoin de me confier à toi.
— Merci, ça me touche vraiment.
— Je te laisse finir de te préparer, Andrew m'attend pour aller à une inauguration.

Les deux jeunes gens s'enlacèrent pour se dire au revoir. Jules regarda Joséphine partir avant de s'allonger sur son lit. Il avait besoin de temps pour se remettre de cette histoire.

***

Le nez plongé dans la lecture d'une édition originale des contes du grotesque et de l'arabesque d'Edgar Allan Poe, la tête de Sanjay se leva vers l'entrée de la boutique à l'entente du son cristallin qu'émettait la cloche, les rares fois où un client entrait. Ses beaux yeux sombres en amande se posèrent sur la svelte silhouette du prince Jules, portant un gros sac en bandoulière et deux tasses de café Starbucks fumantes dans les mains.

— Je ne pensais plus te revoir, lança Sanjay en reportant son regard sur son livre pour dissimuler sa joie de le revoir.
— Je suis désolé pour hier, j'étais en chemin, mais j'ai paniqué... J'avais des choses à régler de mon côté avant de pouvoir me lancer dans quoi que ce soit, s'excusa le jeune homme en s'avançant vers le comptoir. Je t'ai amené un café pour me faire pardonner.
— C'est mon préféré ! Comment tu as su ?
— J'ai vu une tasse Starbucks sur le comptoir quand je suis venue hier, je me suis douté que tu y allais régulièrement et donc qu'ils connaissaient tes goûts.
— Waw ! Tu t'es donné du mal, mais c'est aussi un peu flippant ! lança-t-il avec un large sourire. Non je plaisante, tu mérites bien une chance de t'expliquer. Viens, on va s'installer au fond, de toute façon y'a jamais de clients.

Jules suivit le jeune homme jusqu'à une petite table encombrée de livres et entourée de deux vieilles chaises de bois poussiéreuses. Sanjay débarrassa le meuble et fit signe au prince de s'assoir.

— Est-ce que tu m'en veux pour hier ?
— D'un côté un peu, répondit-il tout en souriant, dévoilant ses belles dents blanches. J'ai quand même attendu une heure comme un con dans le froid ! s'exclama-t-il. Mais d'un autre côté, je pourrais dire à mes petits-enfants qu'un prince m'a posé un lapin, continua-t-il, provoquant un éclat de rire chez Jules. Puis, je... je comprends, reprit-il plus sérieusement. Ça n'a pas été facile pour moi non plus d'annoncer à mes parents que j'aimais les hommes. Ils ont mis un peu de temps à l'accepter, mais maintenant tout va bien.
— Merci, souffla Jules en prenant une gorgée de son café bouillant. Ma famille m'a soutenu, mais mon père est parti et il m'évite depuis.
— Je te dirais bien qu'il lui faut du temps, mais on ne sait pas vraiment, commença-t-il gravement posant sa main sur l'épaule de Jules. Il aurait préféré que tu sois avec Ariana je suppose ? continua-t-il les yeux rieurs pour détendre l'atmosphère.
— Tu as lu les journaux... répondit le jeune homme, le rouge lui montant aux joues. Ils disent n'importe quoi, Ariana est une très bonne amie, mais rien de plus et je pense que tu sais pourquoi.
— J'ai une petite idée en effet, ria-t-il.
— Donc tu es libraire la journée et serveur la nuit ? fit Jules. C'est pas banal !
— Je l'étais, comme tu l'as remarqué, il n'y a pas foule dans la boutique. Si nous sommes encore ouvert c'est grâce aux quelques collectionneurs de livre rare, mais il n'y en a pas suffisamment pour permettre à mon père de me verser un salaire digne de ce nom, alors j'ai eu besoin de prendre un deuxième travail. Mais j'ai démissionné, c'est ici que j'ai envie d'être, c'est entouré de tous ces livres plus vieux que moi pour la plupart que je me sens bien.
— Ce serait vraiment dommage que cette librairie ferme, le plaisir d'entrer dans un lieu comme celui-ci, de sentir l'odeur de l'encre des livres, c'est bien plus enivrant que de commander sur internet, s'exclama Jules en laissant son regard se balader dans les rayons.
— Je suis bien d'accord avec toi.
— Tu as eu beaucoup de mec dans ta vie ? demanda Jules en se mordant les lèvres gêné lui-même par sa question sortie de nulle part.
— Euh, je dirais pas beaucoup, mais quelques-uns. Je suppose que toi tu n'en as jamais eu.
— Tu es très perspicace, sourit le jeune homme.
— On me le dit souvent, ria-t-il. Mais tu sais, il n'y a aucune honte à avoir, on a tous un rythme différent.

Jules détourna son regard du beau jeune homme qui lui faisait face pour le poser sur ses mains un instant.
— Je... j'ai un cadeau pour toi ! bafouilla-t-il.

The Gay PrinceWhere stories live. Discover now