Chapitre 16

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Les yeux rougis par les larmes, le regard cerné par la fatigue, Sanjay poussa la porte vitrée de la librairie de ses parents. Après le départ de Jules, il n'était pas parvenu à retrouver le sommeil, n'avait fait que ressasser la dernière conversation qu'il avait eue avec lui. Il regrettait ce qu'il lui avait dit et ne pouvait s'empêcher de penser à ce qu'ils auraient dû lui dire, à ce qu'il aurait dû faire pour le retenir.

— Ça ne va pas mon chéri ? demanda la voix inquiète de Margaret, en enfonça ses lunettes sur son nez, alors qu'elle chassait la poussière s'accumulant sur les étagères.
— C'est vrai, vous ne regardez pas la télé, ni les journaux... souffla-t-il en déposant ses affaires à côté du comptoir.
— Pourquoi perdre du temps avec des occupations aussi futiles, lorsque l'on peut lire quelques bijoux de la littérature, s'exclama Viraj en émergeant de la remise.
— Je... je vous avais parlé du garçon que je voyais ces derniers temps. Eh bien... ça c'est fini hier, expliqua-t-il en faisant mine de chercher un livre, pour ne pas affronter le regard de ses parents.

Sanjay lutta pour ne pas laisser ses larmes s'échapper de ses cils, il avait déjà trop pleuré.

— Je suis désolé, lui fit sa mère en posant sa main son épaule. Ça avait l'air de bien se passer pourtant, vous avez passé beaucoup de temps ensemble ses derniers jours.
— Oui, ça se passait très bien même. Je crois que j'avais jamais ressenti quelques choses d'aussi fort et aussi rapidement pour quelqu'un, mais... parfois on ne maîtrise pas tout.
— Je suis triste pour toi mon fils, mais je vois pas pourquoi tu voulais qu'on ait regardé les informations, lança son père.
— Pour rien, fit-il en étouffant un rire. J'ai dit ça juste comme ça.
— Tu sais, si tu veux prendre ton jour, je peux te remplacer à la caisse, lui dit Margaret.
— Non, je t'ai assez demandé de prendre ma place ces derniers temps. Puis ça me changera les idées d'attendre que des clients viennent.
— Comme tu veux, on va pas tarder à ouvrir.

***

Les pas de Jules, de Léon et d'Ariana frappaient le sol et résonnaient entre les épais murs de l'un des couloirs, sillonnant le château. Sur leur chemin vers la salle à manger, ils entendirent des paroles provenant du bureau de Victoria.

— Nous ne pouvons plus attendre, les médias et le peuple attendent une déclaration officielle de votre part ! fit la voix de monsieur Vaslot, l'un des conseillers de la Reine.
— Et qu'est-ce que vous me conseillez-vous de dire ? demanda Victoria.
— La décision la plus sage serait de nier, le peuple pourrait mal réagir si l'on venait à confirmer... cette information. C'est vrai, les photos sont de mauvaise qualité, le visage du prince n'est jamais formellement identifiable.

Entendant ses paroles, Jules ne put se retenir d'entrer dans la pièce.

— Il est hors de question que je cache qui je suis ! Que je vive dans le mensonge, enfermé derrière ses murs parce que vous pensez que le peuple ne m'acceptera pas comme je suis. S'ils ne sont pas capables de comprendre que je reste celui qu'ils ont vu grandir, alors je ne veux pas être leur prince.
— Jules a raison, s'il nie, il sera constamment épié par les paparazzis, commença Léon. Je ne veux pas que mon fils vive dans l'ombre, qu'il ai honte de lui-même. Je suis certain que notre peuple l'acceptera, nous devons avoir confiance en nos sujets.

Victoria posa son regard sur son petit-fils.
— Je suis très fière de toi, mon enfant. Tu as raison, il n'est pas question de mentir à notre peuple, ni à nous mêmes. Vous avez comprit monsieur Vaslot !
— C'est comprit, fit-il tout bas en baissant la tête. Je vais prévenir la presse que vous allez prendre la parole.

Le conseiller quitta la pièce en évitant les regards de chacun. Jules se tourna alors vers Victoria.

— Merci de me soutenir grand-mère, souffla-t-il en serrant son aïeul dans ses bras.
— C'est bien normal, lui répondit-t-elle tout bas.

***

Le rideau grillagé de fer noir, se releva en vrombissant sur la devanture de la librairie.
Sanjay, le nez plongé dans l'une des nouvelles trouvailles de son père, remarqua soudain une affluence inhabituelle dans la rue Vélone, passant devant la boutique. Il leva la tête. Des groupes d'hommes et de femmes s'amoncelaient devant les fenêtres et prenaient des photos de la facade avec leur portables. Après plusieurs minutes, une jeune femme se décida à entrer. Elle s'avança entre les rayons, faisant mine de chercher un livre, mais ne faisait que de fixer le beau jeune homme, derrière le comptoir. Elle prit un ouvrage au hasard et se dirigea vers la caisse.

— Bonjour, très bon choix, lui fit Sanjay en prenant le billet qu'elle lui tendait.
— Euh... Est-ce que c'est vrai, est-ce que c'est vous qui sortez avec le prince Jules ? demanda-t-elle tremblante d'excitation.
— Pardon ?
— Aux informations, ils ont montré une photo de vous deux devant votre boutique. Je peux prendre une photo avec vous ?

Le jeune homme tourna la tête, des dizaines d'autres personnes s'approchaient de l'entrée de la boutique.
— Je dois y aller ! s'exclama-t-il en rendant la monnaie à la jeune femme, avant de disparaître dans la remise.

— Il y'a un problème ? s'enquit Margaret.
— Maman... Je ne t'ai pas tout dit, lança-t-il, aussi essoufflé que s'il avait courut un marathon. Ce garçon que je voyais, c'était Jules, le prince. Mais un paparazzi nous a pris en photo ensemble et à diffuser les photos dans la presse et à la télé.
— Oh non..., souffla-t-elle. Mon chéri, il faut que tu respire, prends une grande inspiration.
— Il y'a une photo qui montre la librairie, y'a plein de gens qui sont venu pour...
— Passe par la porte de derrière et rentre chez toi te reposer. Je m'occupe de tout.

***

Victoria frappa un coup à la porte de son petit-fils, avant d'entrer dans la grande chambre du jeune prince.
— Tu m'as demandé de passer ? fit-elle en fermant la porte derrière elle.

Jules se leva du fauteuil dans lequel il était assit. Il fit signe à Ariana de rester à sa place et s'approcha de sa grand-mère.

— Oui, je... je voulais te remercier encore une fois de me soutenir et de faire cette déclaration pour que je puisse vivre sans avoir à me cacher.
— Tu n'as pas à me remercier, je suis très fier que tu assumes ce que tu es aux yeux de tous. Cela va aider beaucoup de personnes dans le royaume et même le monde.
— J'ai un cadeau pour toi, souffla-t-il tentant de laisser un sourire se dessiner sur ses lèvres.

Jules se tourna vers son lit. Il tira une mallette noire et la tendit à sa grand-mère. Victoria posa la mallette sur l'un des commode de la chambre et l'ouvrit délicatement.

— Jules, c'est... c'est un livre magnifique. Merci beaucoup, fit-elle en le serrant dans ses bras.
— Je l'avais acheté il y'a quelques jours, mais avec tout ce qu'il c'est passé, j'ai pas eu le temps de te le donner.
— Tu l'as acheté à la librairie de Sanjay, c'est ça.

Le jeune homme ne pu répondre, il se contenta de hocher la tête et de baisser les yeux.
— Merci beaucoup pour ce cadeau, je vais le ranger dans ma collection, reprit la souveraine en déposant un baiser sur le front de son petit fils.

La porte se referma derrière Victoria. Ariana se leva de son siège et s'approcha de Jules qui se laissait tomber sur son lit.

— Tu ressens encore quelque chose pour lui n'est-ce pas, souffla-t-elle en s'allongeant à côté de lui.
Il n'eu pas besoin de lui répondre, la jeune femme le lisait dans ses yeux.

The Gay PrinceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant