CHAPITRE QUATRE

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A X E L

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A X E L

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 Samedi. Samedi. Samedi.

Le répéter, encore et encore. L'écrire, le réécrire sur trois feuilles différentes. Je n'ai pas le pouvoir de rapprocher la date, mais y penser réduit l'attente. Ce n'est qu'une impression, je le sais, pourtant ça me donne de la force pour continuer ma semaine.

Mardi, mercredi, jeudi, vendredi s'égrènent avec la même lenteur que des grains de sable s'écoulant d'un sablier. Et enfin, samedi arrive. C'est presque trop beau pour être vrai.

Je trouve ça étrange à quel point on se focalise sur un point précis. On fait de ce point un objectif à atteindre mais on oublie de vivre le reste. Et c'est tristement tragique. Au fond, l'humanité n'est qu'une tragédie Shakespearienne qui se joue et se rejoue, se menant elle-même à sa chute funeste.

Surtout que maintenant qu'on est samedi, c'est à peine si je n'ai pas oublié dans quoi résidait mon enthousiasme. Doublement tragique. Enfin, jusqu'à ce que je descende l'escalier de l'appartement pour pénétrer dans la boutique de grand-mère.

Je profite de mes week-ends pour l'aider au magasin. Elle a beau prétendre qu'elle gère très bien toute seule, ça ne l'empêche pas de prendre de l'âge. Le temps ne semble pas avoir de pouvoir sur sa vivacité toujours intacte, mais ça ne me rend pas moins inquiet. Je sais que si elle essayait, elle me battrait à la course avec son trop-plein d'énergie. Et pour preuve, neuf heures n'ont pas encore sonné et elle s'agite déjà dans sa boutique pleine de clients.

Je suis heureux que son business marche toujours aussi bien après toutes ces années. Sa boutique, c'est devenu son bijou, sa raison de vivre, sa bouffée d'air. A tel point qu'elle oublie parfois de respirer autre chose que des fleurs. Elle les aime tellement que si elle pouvait décider de sa mort, elle choisirait de se noyer dans ses plantes.

— Bonjour, grand-mère.

— Axel, mon garçon, tu tombes à pic ! Peux-tu aider Mme LeBlanc avec son pot de fleurs ? J'ai manqué de me faire un lumbago en voulant le pousser jusqu'à sa voiture, me demande-t-elle en guise de salut.

— Grand-mère, je t'ai déjà dit de m'appeler ! Regarde comme tu es courbée maintenant !

— Hep hep hep, n'en profite pas pour m'insulter ! J'ai peut-être mal au dos mais je ne suis pas sourde !

— Pas sourde et affamée, oui. Je t'ai descendu ton thé et tes biscuits, ils étaient restés dans la cuisine.

— Ohlala, mon garçon est le meilleur des êtres humains de cette terre ! Pas vrai, Gertrude ?

Je n'écope pas à un ébouriffage de cheveux quand je m'approche pour l'embrasser. Mon grognement a pour seul effet de renforcer son rire et l'encourager à emprisonner mon nez dans ses mains rugueuses. Même si je déteste quand elle fait ça, je la laisse parce que j'aime la voir épanouie. Pas facile d'être un petit-fils exemplaire tous les jours.

LE CHEF-D'OEUVRE DES ÂMES ABÎMÉESWhere stories live. Discover now