Chapitre 15

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La police se tenait devant l'hôpital, entraînant Mme Miker et les trois autres médecins. Ceux-ci nous avaient jeté des regards noirs à en glacer le sang tant ils étaient haineux. J'étais debout, blottie contre Bruno en chemisette, papa parlant à la police. La chaleur de mon ami me réchauffe. Celui-ci me regarde et nous nous asseyons sur un banc. Il me regarde de ses yeux verts profonds et me tend une fiole dont le liquide est violet. J'écarquille les yeux.

- Un chien est venu me voir, m'explique Bruno. Il tenait ça dans la gueule. Il me l'a donnée et m'a conduit à l'hôpital. Je pense qu'il voulait te la donner...

- Oui !

Précipitamment, je la lui arrache des mains. Voyant son air choqué, je le réconforte d'un mouvement de bras et range la fiole dans une des petites poches de ma chemisette.

- Cébren, tu ne me dis pas tout... s'agace Bruno en voyant que je me relève.

Je me pince les lèvres.

- De quoi ? fais-je.

- Ce chien, cette fiole... C'est étrange hein ? Puis toi, te voilà à m'arracher ce flacon de mes mains... Écoute, je suis tout à toi...

- Il n'y a rien à dire, le coupé-je d'une voix tremblante. Je suis juste... Fatiguée.

Mon dernier mot est dur et cassant. Un jour, il finira par découvrir la vérité, mais je ne veux pas. Je ne veux pas qu'il se retrouve au milieu de mes soucis, en sachant que je vais sans doute devoir garder ce lourd secret longtemps. Hope est un chien bizarre et monstre. Je ne veux pas qu'il meurt parce qu'il se mêle de tout.

- Je sais très bien qu'il y a quelque chose, soupire Bruno. Mais je n'abandonnerai pas aussi facilement.

De nouveau, rongée par la culpabilité, je me pince les lèvres et m'en vais vers mon père. Au moment où j'arrive, il termine sa discussion et me regarde. Ses yeux trahissent sa peur. Il me prend la main et tous deux marchons jusqu'à la maison.

- Comment m'as-tu retrouvée ? le questionné-je après un long moment de silence.

- Je devais signer que tu allais bien te faire opéré, m'explique papa. J'ai regardé les radios et j'en ai parlé à Mr Town. Il m'a dit que tu étais en parfaite santé et qu'il ne comprenait pas pourquoi on devait t'opérer. Alors il a regardé sa carte et t'as trouvée dans la salle de simulation. En parlant de simulation...

Il s'arrête brusquement et se tourne vers moi et dit :

- Je sais ce que c'est... De quoi as-tu... Pensé ?

Je me fige. Arrêtez de vous préoccuper de ma vie ! Mais papa fait partit de ma vie.

Mais je ne peux pas.

Je ne suis pas prête. Alors je souffle :

- De... Rien. C'était noir.

Papa plisse les yeux, hausse les épaules et rentrons.

##

Après cette mésaventure, je suis engourdie. Alex est mort pour moi. Mort. Cette idée me reste bloquée dans le crâne. Pourquoi ? Pourquoi moi ?

Tout tourne et je tangue. Je tombe dans mon lit et m'endors.

En me réveillant, il est cinq heures du matin. Demain est la rentrée des classes. Mais avant, j'avais une chose à faire. Je sors du tiroir le petit flacon violet. Sans hésiter, j'ouvre le bouchon mais m'arrête dans mon geste. Et si ça me tuait ? Mes yeux deviennent rouges. Je ne peux pas. C'est Hope qui lui a donné le flacon. Hope qui bousille ma vie. Hope qui est un monstre. Je ne peux pas.

Je repose délicatement le flacon dans le tiroir et me tire de ma chambre. Je descends prendre un verre de lait. Un frisson me parcourt le dos à mi-chemin. Je revois encore ce monstre sans jambe...

Je remonte à toute allure dans ma chambre et m'enfouit dans mes draps. Je vais attendre le lever du jour.

##

Toujours réveillée, je me relève pour aller à l'école. Je fais ma toilette, mange, et sort. En sortant, l'air humide se lève petit à petit quand je marche. Y aller seule me fait bizarre. Où est Bruno ? D'habitude, ce dernier l'accompagnait toujours. Cela avait commencé quand j'étais petite, j'y allais avec papa et Bruno nous accompagnait toujours. Toujours. Il ne ratait jamais une occasion de me voir. Depuis, papa me laisse seule avec Bruno tout en nous faisant confiance. Arrivée à l'école, je vois mon meilleur ami, assis sur un banc, mangeant une pomme. Je commence à m'approcher de lui lorsque ça me frappe soudain. On s'était disputé ! Oh non... Alors que je m'apprêtais à faire demi-tour, Bruno lance dans mon dos :

- Alors ? Le flacon ?

Je ferme lentement les yeux et me tourne vers lui, presque en colère.

- Ça ne te re... Regarde pas. Désolée.

- Oh, je vois...

Il baisse la tête et croque dans sa pomme.

- Tu préfères le dire à une infirmière terrible plutôt que de te confier à ton meilleur ami ? lâche-t-il.

- Non ! Enfin... Je...

Qu'est ce que j'ai fais pour mériter de garder ce lourd secret ? Je ne pensais pas que ce serait si difficile !

- C'est ça... -il se lève et s'approche lentement de moi. Je peux sentir son souffle chaud-.

Il me toise durement.

- Et après tu vas me dire que le président est mort, ricane-t-il. -j'ouvre la bouche mais il continue- Tu es compliquée, Cébren. Trop compliquée.

Sur ce, la sonnerie retentit et nous nous mettons en rang, Bruno s'éloignant le plus de moi possible, vers les garçons les plus stupides de la classe.

Je suis en colère, mais en même temps triste. Très triste.

Je venais de perdre une amitié trop précieuse.

Je venais de perdre Bruno.

- Bien, demain, vous me faites les calculs de la table deux jusqu'à la huitième. Bonne journée les enfants ! déclare ma maîtresse en tapant dans ses mains.

Tout le monde se précipite dehors, joyeux de sortir de l'école. Certains prennent le bus. Mais moi, je rentre à pieds.

Toute une journée s'était écroulée depuis ma dispute ce matin avec Bruno. Le soleil était toujours haut dans le ciel, laissant ses rayons lumineux à travers les nuages gris. Je marche tranquillement, puis sens des gouttes tomber. Génial. Après une journée bien pourrie, me voilà sous la flotte. Je me mets à courir, mon cartable sur la tête pour me protéger de la pluie.

Arrivée devant le portail de la maison, j'entends papa au téléphone, criant derrière celui-ci. Sa voix tremblait. Je n'entendais pas ses paroles, trop préoccupée par le flacon.

Si je brise l'amitié entre Bruno et moi pour toujours, ce sera ma faute. Mais elle est brisée. Il ne me mérite pas. Je ne suis qu'une folle.

Quatre à quatre, je monte les escaliers, hurlant de rage. Mes sœurs ne sont toujours pas rentrée, Aloyse au collège et Blanche au lycée. Des larmes coulent le long de mes joues pour s'écraser sur le parquet de ma chambre. Ce ne sont pas des larmes de tristesse, mais de colère. Furieuse contre moi-même.

Je tire le tiroir, ouvre le flacon et boit.

Temps pis. Il ne me mérite pas.

Je venais de brisée notre amitié.

Je venais de perdre Bruno.

Les HooperWhere stories live. Discover now