Chapitre 13 - Partie III

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Roxane


Il est un peu plus de 21 heures. Je fixe la porte d'entrée de mon appartement. Les lourds battements de mon cœur résonnent dans ma poitrine et se mêlent au tintement métallique du trousseau de clés, que je fais inlassablement jouer entre mes doigts. J'ai la gorge sèche. Tout au long de la journée, mon esprit est resté plongé dans les tréfonds de ma conscience, à la recherche d'un scénario d'excuse plausible à présenter ce soir. Mais rien. À l'évidence, aucun mensonge ne saura me défendre contre les foudres de l'inquiétude invétérée de mon père qui, pendant toute la nuit dernière et la présente journée, s'est évertuée à torturer son cœur.

Après quelques secondes d'ultime appel, je prends une profonde inspiration et enfonce la clé dans la serrure. J'ai la nausée, le stress qui bout en moi fait des ravages sur mon cerveau et embrume mes idées. Une fois dans le hall, je repousse le lourd battant avec mon dos en pinçant les lèvres. Je ne peux plus reculer. Le son de petits pas précipités sur le marbre du sol se rapproche alors de moi, bientôt agrémenté de profonds soupirs de soulagement. Maggie se jette sur moi et me serre dans ses bras de toutes ses forces.

— Oh, Mademoiselle Roxane ! Vous êtes là ! Comme j'ai eu peur pour vous. J'étais terrorisée à l'idée de ne plus jamais vous revoir ! J'ai cru qu'il vous était arrivé quelque chose ! Dieu merci, vous êtes saine et sauve.

Je reste immobile, presque étouffée contre la poitrine de ma chère gouvernante, puis finis par l'étreindre à mon tour, en souriant.

— Je vais bien, Maggie. Ne t'en fais pas. Et puis, je ne suis partie qu'une seule nuit, tu sais...

Elle se redresse et me force à lui faire face. Sa poigne, à la fois ferme et délicate, reflète à la perfection ce qu'elle a toujours été pour moi.

— C'est bien assez long ! Vous ne vous rendez pas compte du souci que vous nous avez causé ! Votre père a même fini par appeler la police pour...

— Il a fait quoi ?!

Je me libère brusquement de l'emprise de Maggie et la dévisage avec inquiétude. Elle soupire, puis hoche la tête.

— Mademoiselle, mettez-vous à sa place. Il n'avait aucune idée d'où vous étiez. Votre père vient de passer la nuit la plus longue de toute sa vie. Vous ne vous en rendez pas compte, mais vous lui avez fait revivre la même angoisse qu'il a déjà vécue pour votre mère...

Je reste muette, incapable d'articuler un traitre mot. Mon sang fuse dans mes veines, propulsé par un cœur tiraillé entre la compréhension, la peur et la colère.

— Roxane... Viens ici tout de suite.

La voix qui s'élève de l'autre côté du salon me hérisse les poils et fait rater un nouveau battement à mon organe vital. Maggie baisse la tête, fait un pas en arrière et caresse affectueusement mon bras en signe d'encouragement. Je déglutis. Le silence qui règne à présent dans l'appartement est uniquement meublé par les tressauts de ma respiration tremblante. Je jette un autre regard à Maggie, qui s'éclipse dans l'ombre, avant de m'avancer lentement à travers le salon, jusqu'au bureau de mon père.

Ce dernier est installé sur son grand fauteuil, devant la large table en chêne. Derrière lui, les lumières de la ville scintillent dans l'obscurité de la nuit naissante. Son visage est penché sur son ordinateur, qui illumine d'un aura blafard, ses traits tirés par la fatigue et la peur. À côté de lui, un flacon en cristal, ancien écrin d'un whisky pur malt, se voit vidé de ses dernières gouttes d'eau-de-feu dans un verre déjà bien rempli.

Le Dernier Vol des Oiseaux de Sang | TERMINÉEWhere stories live. Discover now