Chapitre 16 - Partie II

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Roxane


La main de Desmond qui enserre mon bras guide mes pas dans l'ombre. Les larmes ont déserté mes yeux et j'avance sans dire un mot, sans regarder où je vais. Je me contente de tenir debout.

Robin, lui et moi gravissons les marches des escaliers de secours dans un silence de mort. Finn est resté au rez-de-chaussée pour surveiller les éventuelles allées et venues.

Qu'est-ce que je fais ici?

Plus nous prenons de la hauteur dans cette tour de Manhattan, plus je m'enfonce dans les tréfonds d'un cauchemar que mon esprit, embrumé par la peur, ne parvient plus à lier au réel ou à l'onirique. Trop occupée à faire face aux démons qui peuplent les limbes de ma conscience, je ne réalise pas que nous avons déjà atteint l'étage où se situe l'appartement de Jordan. Ma main caresse lentement la paroi glacée de la cage d'escalier, comme pour tenter de rattacher mes idées confuses à quelque chose de concret, en vain.

Avant d'accéder au couloir, Robin se retourne vers nous et nous intime de ne plus faire un bruit. À pas feutrés, il se faufile ensuite dans le corridor noyé dans le noir infini et inspecte les lieux avec minutie, puis nous faire signe de le rejoindre. Desmond s'engouffre dans l'ouverture, puis m'invite à le suivre avant d'assister son chef, qui s'emploie dès lors à déverrouiller la porte d'entrée de l'appartement des Miller. Prise de nouveaux vertiges, je prends appui contre le mur du couloir. Desmond éclaire faiblement les gestes précis de Robin, qui crochète la serrure en quelques secondes. Une fois le battant ouvert, il se relève et se tourne vers moi. Mon cœur accélère la cadence au fur et à mesure qu'il se rapproche, jusqu'à se pencher à mon oreille :

— Selon mes sources, il n'y a personne ici ce soir. C'est vrai ?

Un éclair de lucidité traverse mon esprit. Le gala. Comme tout descendant de bonne famille new-yorkaise, il est fort probable que Jordan y ait été invité. Une fragile étincelle d'espoir se réveille en moi ; s'il n'est pas chez lui, il ne risquera rien et c'est tout ce qui m'importe dans l'immédiat. Les iris de glace, éclairés par la petite lueur que son acolyte braque sur nous, m'imposent de réagir à ces propos. Je secoue la tête en signe d'approbation et il s'écarte alors lentement de moi. Par instinct, je me réfugie aussitôt auprès d'un Desmond nerveux qui continue d'éclairer maladroitement les gestes de son patron.

À peine quelques secondes plus tard, Robin s'engouffre dans le hall d'entrée, sans un bruit, son sous-fifre à sa suite. Bravant les battements furibonds dans ma poitrine, je fais un pas dans la pénombre, puis un autre. Ma mâchoire tremble au même rythme que mon souffle. L'appartement paraît figé dans le temps. En quelques heures, le salon chaleureux et lumineux dans lequel je me trouvais semble maintenant s'être paré du plus sinistre des éclats. À l'heure où les ténèbres prennent possession de la terre, les rayons de la lune se frayent un chemin à travers les grandes fenêtres et illuminent faiblement les meubles, dont les ombres graciles ressemblent maintenant davantage à des spectres morbides. Je m'immobilise à l'entrée du salon, de peur de souiller un peu plus les souvenirs heureux et les éclats de rire qui imprègnent encore ces murs.

Desmond hésite un instant, puis commence à fouiller le mobilier, sans un bruit, sans trahir l'enseignement de son cher maître. De mon cher maître. Au même instant, Robin se glisse dans mon dos et pose délicatement une main sur ma hanche. Son souffle effleure ma nuque et je me raidis, secouée par une cascade de frissons d'effroi. Je tente de m'évincer par la droite, mais son emprise se resserre un peu plus et me ramène au plus près de lui. Ma respiration tremble quand ses lèvres frôlent mon oreille :

Le Dernier Vol des Oiseaux de Sang | TERMINÉEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant