Chapitre 24 - Partie I

435 55 57
                                    


Roxane


Le soleil décroît maintenant dans le ciel de Manhattan et les ombres que le crépuscule dessine dans la salle d'audience me provoquent de longs frissons d'effroi. Mon estomac gargouille encore de son mal et la nausée ne me quitte pas d'une semelle. Installée à notre table, je prends une profonde inspiration pour tenter de calmer l'angoisse qui s'immisce un peu plus en moi à chaque seconde qui passe.

Mes yeux contemplent cette scène comme si c'était la dernière. Le public et les Jurés sont déjà là, et patientent dans un silence presque religieux. À mes côtés, Maître Patterson se contente de fixer le vide devant lui en faisant jouer un stylo entre ses doigts, trahissant son inquiétude croissante. À la table de l'accusation, le Procureur classe plusieurs documents dans ses dossiers, l'air serein.

Soudain, une drôle de sensation sur ma main meurtrie attire mon attention. Je baisse lentement la tête et retiens un petit soupir de surprise. Un magnifique papillon aux ailes aussi noires que la nuit vient de se poser sur mon doigt blessé. J'entrouvre les lèvres, incrédule ; comment est-il entré ici ? Je n'en ai pas la moindre idée. D'un geste tremblant, je déplace les chaînes de mes menottes et le rapproche un peu plus de mon cœur. Il ne s'envole pas, indifférent à mon mouvement. Ses ailes s'ouvrent et se ferment délicatement. Il reste là, inébranlable, et je souris alors timidement.

— Tu es là...

Mon souffle l'effleure, il s'agite. Ses petites pattes arpentent à présent les monts rougis de ma main jusqu'à le mener au creux de ma paume. Sa présence si rare et si précieuse me rassure et m'apaise. Pendant quelques brèves secondes, je ne suis plus prisonnière de cette société injuste. Je ne suis plus le pantin d'une sinistre exhibition médiatique ni le souffre-douleur des mains du droit et du devoir. Je sens le vent du soir qui effleure mon visage et la douceur du soleil couchant sur mes lèvres...

Pendant quelques brèves secondes, je suis libre.

Face à moi, la Juge termine de lire le verdict des Jurés. Je prends alors une profonde inspiration et ferme les paupières, profitant de ces ultimes moments de paix avant que le destin ne m'inflige une énième sentence sous le joug d'une justice humaine aussi imparfaite que ses créateurs.

— Bien. Roxane Amanda Preston, compte tenu du fait que vous avez plaidé coupable d'homicide involontaire sur la personne de Monsieur Lawson, mais que vous avez refusé de livrer les noms de vos complices, voici le jugement que la Cour a rendu.

Le papillon fait encore quelques pas jusqu'à mon poignet. Mon souffle tremble, je n'ose pas ouvrir les yeux.

— A la question, Roxane Preston est elle rattachée à une organisation criminelle, la réponse, à l'unanimité, est « oui ». À la question, Roxane Preston est-elle la chef de l'organisation criminelle à laquelle elle est affiliée, la réponse, à l'unanimité, est « non ».

Mon cœur martèle dans ma poitrine. Les premières réactions du public dans mon dos me parviennent en écho. Je pince les lèvres et tente de focaliser toute mon attention sur la douceur des pas du papillon sur ma peau.

— En revanche, vous avez été reconnue coupable des meurtres au premier degré de Edward Harrison, Zara Fletcher, Robin J. Lane et Henri Preston, avec, pour ce dernier, la circonstance aggravante de parricide. Vous avez également été jugée coupable pour les trois chefs d'accusation suivants : recel, vol à l'étalage et complicité de blanchiment d'argent.

Le destin abat sur moi son couperet de glace en même temps qu'une larme s'échappe de sous ma paupière.

— Par conséquent, la cour vous condamne à la prison à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de trente ans et sans possibilité de libération conditionnelle. Merci à tous. L'audience est levée !

Le Dernier Vol des Oiseaux de Sang | TERMINÉEWhere stories live. Discover now