Chapitre 22 - Partie II

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Shane


Je serre les dents. À m'en démettre la mâchoire, à m'en faire exploser la boîte crânienne. Je serre les dents.

Mon cœur cogne de toute la rage, toute la colère et toute la peine que j'ai trop longtemps gardées enfouies au plus profond de mon être. Un poison de violence acide s'écoule de mes yeux et brûle mon visage. Mon ventre bouillonne du chao que je porte au sein de mon âme.

Robin ricane devant moi puis se redresse avant de se diriger vers Roxane, la démarche indolente. Je braque mon regard vers le sol, tentant difficilement de reprendre le contrôle de mon souffle saccadé. Mon esprit est un champ de ruine, en proie aux affres d'une guerre apocalyptique entre mes sentiments et la réalité de la situation.

Le Rouge-Gorge observe encore la dernière des Preston pendant quelques courts instants, puis la défait de l'emprise de Desmond, un large sourire ancré sur les lèvres. Il s'adresse ensuite à son sbire avec froideur :

— Desmond, garde-moi ce sale petit traître à vue, le temps que je termine ce que j'ai à faire. J'en ai pas tout à fait fini avec lui. Quant à toi, ma belle, tu vas venir avec moi. Où est la toile de Klimt ?

Figée au milieu de la pièce, Roxane ouvre lentement les yeux sur Robin. Aucun son ne parvient à s'échapper de ses lèvres écorchées. Son regard fuyant trahit son état second et son silence mortuaire ne fait qu'amplifier l'impatience du chef, qui sort alors de ses gonds. Il s'empare de son bras et la secoue avec violence en fulminant :

— Tu vas répondre, oui ?

— Lâche-la. Si quelqu'un doit payer quelque chose ici, c'est moi. Pas elle. La toile est dans le bureau de son père, derrière toi.

Ma voix est marquée par une vibration infernale, fruit de l'union sordide de la mort et de l'amour. L'écho d'une haine sans borne qui consume un peu plus mon âme à chaque nouvelle seconde qui passe. Robin déporte son regard noir sur moi et crache encore son venin :

— Je ne t'ai rien demandé, espèce d'ordure. Ne crois pas que vous vous en sortirez plus facilement en jouant les héros. Tu ne fais qu'empirer les choses.

Il pointe alors son arme dans le dos de Roxane, toujours amorphe. Je fais un pas précipité dans leur direction, mais Desmond m'arrête net en me braquant du pistolet en sa possession. Je me fige, lui lance un regard lourd de ressentiment, puis tente de me focaliser à nouveau sur Robin et son otage. Le Rouge-Gorge s'éloigne prestement vers le bureau et Rox suit son mouvement, sans opposer de résistance. Il ouvre ensuite les doubles battants et jette un rapide coup d'œil à l'intérieur de la pièce avant d'afficher un large sourire carnassier.

— Te voilà, enfin.

Je serre les poings. Mes yeux scrutent le moindre geste de Robin qui maintient fermement ma Roxane contre sa poitrine. Desmond me tient toujours en joue. Le léger tremblement de sa main ne fait que me rappeler la faible assurance du sbire de Reese, le soir où ma vie a basculé, dans cette ruelle de Manhattan.

Le chef propulse alors la maîtresse des lieux dans le bureau et referme aussitôt les deux battants derrière lui. Mon cœur se fige dans ma poitrine et dès lors, je sais que plus que jamais, le temps nous est compté.

Je me retrouve seul. Seul face à celui que je pensais être mon ami. Seul face à celui qui aura causé notre perte, à tous. Je prends une profonde inspiration et plante mes yeux dans les siens. Son regard fuit le mien dans une vaine tentative de dissimuler tout ce que sa conscience de traître supporte difficilement depuis plusieurs minutes. Desmond a voulu se hisser à la hauteur du Rouge-Gorge, sans pleinement réaliser le lourd tribut de sang qu'il allait devoir payer. Écœuré par la vision de cette ambition meurtrière, je lui lance alors avec dégoût :

Le Dernier Vol des Oiseaux de Sang | TERMINÉEOnde as histórias ganham vida. Descobre agora