5. Le départ

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Quelques mois plus tard, dès les premières lueurs de l'aube au sein du dôme numéro 1, de nombreux véhicules entamèrent leur trajet vers les villages alentour. L'un d'eux était en route vers celui du jeune garçon. Il se dirigeait à grande vitesse le long de la voie suspendue qui reliait l'énorme métropole au minuscule groupe d'habitations, si frêles comparées au gigantisme des édifices de la cité.

Un de ses deux occupants consultait les données affichées sur l'hologramme que projetait, en face de lui, un petit assistant virtuel. Ce dernier épousait exactement les formes de son avant-bras, auquel il était fixé à l'aide d'une lanière élastique. Il s'agissait d'une liste d'adresses d'enfants... qui venaient juste d'avoir douze ans !

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Ce matin-là, je restai seul à la maison avec ma mère ; mes frères et sœurs étant soit à l'école, soit chez des amis en train de jouer. Rien d'inhabituel... jusqu'à ce qu'elle vienne me rejoindre dans ma chambre afin de m'aider à remplir une petite valise.

Deux hommes, habillés d'un uniforme gris argenté, se présentèrent à notre porte. J'avais le pressentiment que quelque chose d'inhabituel allait m'arriver. J'en avais peur. Je ne voulais pas les voir ! Ma mère, ne se souciant guère de mes états d'âme, les laissa entrer.

Ils m'expliquèrent qu'ils allaient m'emmener dans une des pyramides du « Système Préparatoire ». Je n'en avais encore jamais entendu parler, ni par mes proches, ni lors des cours que l'on nous donnait à l'école de notre village. Peut-être mes parents n'avaient-ils pas osé aborder ce sujet ? Ou bien n'en avaient-ils tout simplement pas reçu la permission ? Je me retrouvai subitement arraché aux rêveries de mon enfance. J'avais l'impression d'être littéralement projeté dans le vide !

Tout cela expliquait-il les disparitions de mes aînés ?

Ma mère me sourit gentiment en affichant une expression qui ressemblait bien plus à de la pitié qu'à de la joie. Mon père était revenu tout spécialement pour être présent le jour de mon départ ; sans doute savait-il à quel point je m'étais attaché à lui. Lorsque je lui demandai ce qui allait m'arriver, il me répondit tout simplement :

— Nous passons tous par là, mon garçon. Tu vas devenir un homme, comme moi, à présent !

La révolte qui grondait dans mon cœur, à cet instant précis, me donna enfin le courage de soulever ce sujet tabou qui semblait effrayer tout le monde :

— Pourquoi n'avoir rien dit ? Pourquoi ne pas m'avoir préparé à ce qui allait m'arriver ?

— À quoi cela t'aurait-il servi ? rétorqua-t-il d'un ton sévère, auquel il ne m'avait pas habitué. Tu veux vraiment tout savoir à l'avance... Et bien, sache qu'un jour tu vas disparaître, comme chacun d'entre nous ! Te sens-tu mieux, maintenant ? Regarde les animaux que nous élevons dans nos champs. Crois-tu qu'ils profiteraient plus de leur courte vie s'ils savaient qu'ils finiraient irrémédiablement dans nos assiettes ? Nous les laissons paisiblement paître ici, tant qu'ils en ont la possibilité. Et c'est, en quelque sorte, ce que nous faisons avec vous également. Ne t'en fais pas. Ces deux hommes ne vont pas te conduire aux abattoirs. Mais ton existence va changer. Fini de jouer dans les champs avec tes amis ! Il va falloir apprendre à travailler, à te rendre utile. Notre silence t'aura au moins permis de profiter, jusqu'au bout, de ton enfance insouciante. Comme je viens de te le dire : il est temps pour toi de grandir !

Ma mère l'interrompit, sur un ton plus doux, mais toujours aussi ferme. Sa voix était grave et teintée de cynisme :

— S'il te plaît. Arrête de te poser trop de questions à propos de ton avenir. Tu ne pourras jamais rien y changer. Accepte le sort que la Fédération choisira pour toi ; tu sais que ce sera pour le bien de tous, et donc pour le tien également...

Homo Sum 1 : l'éveil de l'humanité (Episode 1 : Fédération)जहाँ कहानियाँ रहती हैं। अभी खोजें