44. La Cavalerie Spatiale

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Une longue conversation commença dans l'obscurité ambiante, accompagnée du ronronnement distant des réacteurs à fusion.

— Quelle journée ! tu nous as fait une belle frayeur, soupira la fille en s'adressant à son ancien instructeur, devenu son chef de patrouille à présent.

— C'est vrai, j'ai perdu la main. Cela faisait bien trop longtemps que nous n'avions plus mis notre cul à bord de nos chasseurs. J'aurais dû avorter la manœuvre !

— Ne t'en fais pas. Comme l'a dit le Second : aujourd'hui c'était toi, et demain ce sera un autre d'entre nous qui aura son instant de faiblesse, reprit l'un des deux garçons.

— Un ou une rajouta celle qui avait entamé la conversation. Il va falloir que nous nous entraidions de façon constante et efficace. Notre équipage est plus important que nous, il doit être notre priorité absolue !

— Bleus... Un pour tous, tous pour un, pas vrai ? rétorqua l'indiscipliné. Comme on nous l'a appris dans la pyramide ! C'est déjà bien loin tout ça... J'ai l'impression d'être ici depuis toujours. Je ne me souviens même plus à quoi ressemblait notre vie à l'école de pilotage.

— Tu as raison, acquiesça le deuxième garçon. J'ai complètement oublié les autres membres de notre promotion. C'est comme s'il n'y avait eu que vous...

— Vous n'allez pas vous mettre à pleurnicher, répondit leur aîné, se sentant légèrement mis à l'écart. Votre promotion est de loin la meilleure que j'ai connue depuis longtemps. Seul un élève pilote que j'ai eu l'occasion de côtoyer auparavant serait arrivé à vous égaler... et même plus !

— Ah bon. Et de qui s'agit-il ? demanda la fille. S'il était si doué, il devrait être parmi nous !

— C'était la plus grande tête brûlée que l'école ait jamais connue. Il a poussé le panache jusqu'à ramener un jour à la base son chasseur, sérieusement endommagé, étant lui-même entièrement couvert de sang. Il avait perdu sa verrière au court d'un combat singulier contre un ptérodactyle... qu'il venait de décapiter !

— Mais cela n'est pas permis, personne n'a le droit d'entrer en contact avec les dinosaures, reprit l'indiscipliné.

— Il en fut sévèrement réprimandé. Mais ce n'était pas vraiment de sa faute. Le volatile défendait son nid, son territoire, il s'était attaqué à lui sans avoir vraiment été provoqué.

— À quel équipage  a-t-il été assigné, ce surhomme ? demanda à nouveau la fille.

— Aucun. Il fut affecté au transport des Indésirables sur un des nombreux vaisseaux cargo de la classe TXL.

— Comme celui que nous sommes en train de poursuivre ? demanda à son tour le quatrième.

— Quelle punition ! reprit la fille. Pourquoi n'a-t-il pas été affecté à une de nos frégates s'il était si doué ?

— Je ne sais pas... Ses résultats ne furent plus très brillants une fois qu'il réintégra la pyramide pour l'entrainement au pilotage des plus gros vaisseaux spatiaux. Il devait avoir perdu le feu sacré...

— Dommage, reprit-elle. J'aurais bien aimé voler à ses côtés !

— Arrête de rêver Princesse, s'exclama l'indiscipliné. La Fédération a déjà dû te le trouver, ton prince charmant ! Il doit sans doute t'attendre sur ses bancs d'école dans une des pyramides.

— Tu sembles avoir oublié que nous sommes embarqués dans un voyage d'une trentaine années, si pas soixante, répondit-elle ironiquement ! Pas de rencontre romantique organisée par le Conseil Suprême pour nous, les enfants. Et à voir la proportion de garçons et de filles à bord de notre vaisseau, c'est plutôt pour vous que la nouvelle s'annonce amère ! Bonne nuit les gars. Faites de beaux rêves...

C'est sur cette remarque, plus que pertinente, que le silence s'installa dans leur cabine.

Les journées d'entraînement se succédèrent à un rythme effréné, ce qui eut pour effet de mettre le moral de l'ensemble de l'équipage au zénith. Ce ne furent pas que les pilotes qui profitèrent de ce relent d'activité. Les techniciens, contrôleurs, mécanos, armuriers et même jusqu'au chef coq, sentirent naître en eux l'immense fierté d'avoir été choisis afin d'exécuter cette mission essentielle à l'avenir de leur société !

Le professeur responsable des recherches destinées à effectuer le saut temporel n'était plus sorti de son laboratoire depuis longtemps. La plupart des membres de l'équipage semblaient l'avoir complètement oublié, n'accordant que très peu d'attention à l'évolution de ses travaux.

Il avait pourtant continué d'observer discrètement ses quatre futurs cobayes avec beaucoup d'intérêt. Dans le but, sans doute, de mieux connaître leurs personnalités respectives. Il voulait être à même de prévoir leurs réactions dans les situations extrêmes auxquelles ils seraient bientôt confrontés.

Le premier test qu'ils allaient avoir à subir était celui de l'aspect physiologique et psychologique du saut temporel. Le corps humain n'avait certainement pas été conçu pour les énormes facteurs de charge, engendrés par les chasseurs FXS. Mais encore bien moins pour des excursions dans l'espace-temps !

Le jeune savant avait transformé, au sein de son laboratoire, une des petites sphères de réalité virtuelle, destinée à la détente de l'équipage, en la rendant capable de se déplacer dans le temps. Il projetait d'y envoyer ses quatre cobayes faire des bonds de plus en plus importants. Et cela dans l'avenir uniquement, vu les multiples dangers accompagnant les sauts dans la direction opposée.

Ceux-ci impliquaient l'éventualité d'un dérapage temporel risquant d'altérer le déroulement des événements. Le fait de revenir dans le temps présentait la création possible d'une nouvelle réalité, qui entrerait alors en conflit avec celle qui existait avant elle. C'est ce que l'on avait, depuis toujours, appelé dans le jargon des scientifiques : le « paradoxe temporel ».

Il s'agissait, par exemple, de provoquer une situation ambigüe où un enfant viendrait accidentellement à tuer l'un de ses propres parents avant même d'être né... les empêchant ainsi de l'engendrer. Ce qui entraînerait irrémédiablement sa disparition de cette ligne temporelle ! Problème ne se posant pas dans le cas des bonds dans le futur.

Dès que son invention eut été testée avec succès sur des échantillons de vie animale, il convoqua ses quatre nouveaux cobayes humains. Ceux-ci se présentèrent à son laboratoire en tenue de vol, comme ils en avaient reçu l'ordre.

Lorsqu'il leur demanda lequel d'entre eux désirait être le premier à faire l'essai d'un petit saut temporel, de cinq minutes à peine dans l'avenir, la fille leva immédiatement le bras en disant :

— Pas de problème ! Cela ne pourra que me rajeunir par rapport à vous lorsque l'on se retrouvera de l'autre côté du saut ! Je suis partante...

— Et si ça foire, tu seras transformée en vapeur spatio-temporelle, s'exclama l'ancien du groupe, ayant pris cette dernière réflexion de façon plus personnelle que ses compagnons. À toi l'honneur... Princesse !

— Arrêtez de m'appeler Princesse les gars ! Ce n'est pas poli de mettre des étiquettes aux gens. Comme si j'étais différente de vous...

— Pas mal du tout, belle personnalité, conclut le savant. Entre dans cette petite magnétosphère de réalité virtuelle et prends-y place sur l'un de ses deux sièges. Ils ressemblent comme deux gouttes d'eau à ceux de vos chasseurs... question de ne pas trop vous dépayser !

— Une minute, répondit-elle avant d'obtempérer. C'est bien beau tout ça. Mais, d'après le peu que j'en sache, comment allez-vous arriver à me faire voyager dans le temps sans que ma petite bulle atteigne la vitesse de la lumière ?

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En effet ? Comment est-il possible de se déplacer dans le temps ?

Homo Sum 1 : l'éveil de l'humanité (Episode 1 : Fédération)Where stories live. Discover now