6. Les Territoires Interdits

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Je pus enfin voir, de mes propres yeux, quelques-uns de ces fameux dinosaures cachés sous les feuillages épais de la jungle qui nous entourait. Je reconnus certains d'entre eux pour les avoir étudiés à l'école. Les longs cous d'une meute de diplodocus s'élevaient à une vingtaine de mètres de haut, bien au-dessus de la cime des arbres. Ils ruminaient calmement, tout en nous observant.

Un archéoptéryx, effrayé par le bruit de notre véhicule, prit son envol lorsque nous passâmes tout près de lui. Il avait l'allure d'un vautour géant, mais sa tête chauve ressemblait toujours à celle d'un lézard. Ses ailes, recouvertes de plumes, lui permettaient d'évoluer dans les airs de façon bien plus élégante que les énormes ptérodactyles qui nous observaient de bien plus haut. Je n'avais encore jamais eu l'occasion de voir de tels volatiles !

En remarquant mon étonnement, un de nos convoyeurs m'expliqua qu'en plus de sa barrière électrifiée, notre village était entouré d'émetteurs à ultrasons destinés à décourager ces terribles prédateurs de s'approcher de nos habitations.

La forêt vierge fit lentement place à une savane parsemée de petites collines. J'y aperçus quelques allosaures en quête de proies, ainsi qu'une meute de vélociraptors, plus petits, mais bien plus dangereux que la plupart des grands carnivores. Ces chasseurs voraces s'élancèrent soudain, comme animés par une seule et même conscience, vers un endroit où les herbes s'étaient mises à bouger.

Un éléphant isolé, sans doute malade, fut la cible de leur attaque foudroyante. Ces redoutables prédateurs mesuraient à peine plus d'un mètre de haut lorsqu'ils se tenaient à quatre pattes, mais ils arrivaient aisément à scruter les plaines de la savane en se dressant sur leurs membres postérieurs. Ils étaient aussi rusés qu'intelligents et ne pesaient guère plus d'une bonne cinquantaine de kilos. Leurs longues jambes, leurs griffes acérées ainsi que leur formidable dentition ne laissaient que peu de chance à leurs malheureuses victimes, quelle que soit leur taille !

Une meute de lions les observait tout en gardant prudemment leur distance. Ils attendaient que les raptors aient fini de déchiqueter leur proie qui s'avérait bien trop grosse pour être entièrement dévorée par ces petits lézards, bien plus excités par la chasse et la mise à mort que par la source de nourriture dont ils venaient de s'emparer.

Nous pénétrâmes, pour quelques instants, une brume épaisse qui ne m'était pas étrangère ; comme un souvenir intense enfoui au plus profond de moi... Des immeubles en ruine sortaient, çà et là, de ce mystérieux brouillard. Une dense végétation les recouvrait, illustrant l'insignifiance de notre espèce par rapport à la force suprême de la nature. Pour souligner cet état de fait, quelques tyrannosaures et autres animaux sauvages rôdaient dans les ruelles étroites, en quête d'une proie.

Lorsque nous sortîmes de cette cité fantôme, nous pûmes entrevoir, au loin, les détails de la gigantesque métropole qu'abritait notre dôme. Elle avait été bâtie sur une presqu'île, au milieu d'une large étendue d'eau. Je pus vaguement y distinguer les silhouettes immergées d'énormes mammifères marins.

Une fois traversée la membrane transparente du dôme, nous fûmes entourés d'énormes bâtiments, de formes et de couleurs diverses, séparés par des allées suspendues identiques à celle que nous empruntions. De nombreux véhicules s'y déplaçaient à grande vitesse. La surface du sol grouillait d'une multitude de petites silhouettes circulant entre les édifices, semblables à des milliers d'insectes emportés par le courant d'une véritable marée humaine. Qui étaient les habitants de cette énorme fourmilière, et que pouvaient-ils bien y faire ?

Il se mit à pleuvoir légèrement. C'était comme si, tombées du ciel, ces petites larmes provenaient directement de mes compagnes les étoiles. Elles qui m'avaient tant fait rêver par le passé ! La pluie vint s'écraser sur la membrane translucide qui recouvrait la cité. Les gouttelettes ruisselèrent quelques instants, avant de se dissiper dans l'étendue d'eau qui nous entourait.

Homo Sum 1 : l'éveil de l'humanité (Episode 1 : Fédération)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant