18. Les coupoles

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La navette se détacha du sas, de façon tout à fait automatique, pour entamer son vol plané vers la surface. Un long hublot situé à l'avant du vaisseau permit aux cadets de la voir lentement s'éloigner d'eux. Ils furent ensuite guidés par leur nouvel hôte à travers un méandre de couloirs étroits jusqu'à la zone gravitationnelle contenue dans un gigantesque cylindre rotatif réparti en plusieurs zones de travail ou d'exercice. La force centrifuge y créait une pesanteur à l'intensité réglable en fonction des besoins de ses occupants.

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Nous éprouvâmes énormément de plaisir à découvrir réellement – et non plus virtuellement – notre nouvel environnement. Mais les impératifs de la mission nous imposaient de ne pas perdre de temps. Chacun d'entre nous rejoignit son poste, sans plus attendre, afin d'exécuter notre prochaine manœuvre. Nous programmâmes, comme prévu, la trajectoire destinée à nous mener vers l'astroport numéro 1.

Personne n'aurait pu empêcher le pincement au cœur que je ressentais à cet instant précis, pas même la toute puissante Fédération et ses nombreux mystères !

Après nous être déconnectés des amarres de la station, nous nous dirigeâmes, comme prévu, vers l'anneau planétaire qui nous attendait en orbite géostationnaire au-dessus de l'Équateur.

Nous vîmes lentement grandir, en face de nous, l'astroport semblable à une petite excroissance de l'anneau. Le faisceau électromagnétique, qui le reliait au dôme numéro 1, acheminait les fameuses coupoles destinées au transport des Indésirables jusqu'ici. Nous les aperçûmes enfin devant nous, après nous en être suffisamment rapprochés. Il devait bien y en avoir une vingtaine, attachées les unes aux autres ; telle une gigantesque grappe de raisins fixée à l'un de ses docks.

Elles mesuraient chacune près de deux cents mètres de diamètre. Un arceau circulaire orienté perpendiculairement par rapport à leur base entourait leur magnétosphère transparente. Ce dernier était, entre autres, destiné à les connecter aux vaisseaux qui les transporteraient. Mais sa fonction principale consistait à reproduire les conditions environnementales de notre planète d'origine, grâce à deux énormes phares.

Le premier, très puissant, était supposé reproduire l'éclat de notre soleil. Le deuxième, moins intense, remplaçait notre lune en fournissant un minimum de visibilité durant les nuits ainsi recréées. Ces deux sources de lumière circulaient aux antipodes l'une de l'autre le long de l'arceau. Ce cycle journalier était nécessaire à la survie des nombreuses espèces végétales embarquées.

Ces petits dômes contenaient, en effet, une importante flore complètement autonome. Les champs, destinés à nourrir leurs occupants, étaient irrigués par des conduites d'eau souterraines. Entourant ces espaces cultivables, des forêts génératrices d'oxygène allaient également procurer les matériaux nécessaires à la construction des futures habitations de leurs malheureux passagers.

La photosynthèse, générée par les deux phares, avait pour but d'assurer l'équilibre de ce biotope complexe. Il s'agissait de véritables chaloupes de survie écologique, assistées par un système informatisé de contrôle environnemental. Elles faisaient appel à la technologie biorégénératrice, capable de créer un environnement autosuffisant au sein de chacune d'elles.

Les conditions nécessaires à la vie y étaient maintenues indéfiniment en cultivant certaines plantes qui régénéraient l'atmosphère par évapotranspiration. De nombreuses algues embarquées pouvaient également digérer les eaux sales en les purifiant, aidant ainsi à irriguer les forêts et les champs de façon continue.

Les quatre coupoles que nous allions transporter étaient destinées à héberger nos passagers pour la durée entière de leur exil, qui se prolongerait probablement jusqu'à leur mort. Car, à ma connaissance, aucun indésirable n'était jamais revenu vers sa colonie d'origine !

L'état d'apesanteur qui y régnait avait forcé leurs concepteurs à stocker l'eau nécessaire à ce petit monde sous la surface. Celle-ci abritait une véritable toile d'araignée de canalisations, accessibles en certains endroits par des puits d'alimentation. Une partie de cette eau était, de temps à autre, vaporisée dans l'atmosphère afin d'y ajuster le taux d'humidité, à l'aide d'énormes geysers artificiels. Elle était ensuite aspirée par des filtres et enfin recyclée, tout comme cela se passait sur notre planète d'origine.

Chaque coupole possédait également sa propre source d'énergie sous forme d'un petit réacteur à fusion. Celui-ci leur permettrait également, une fois larguées, de se diriger de façon totalement autonome vers leur mystérieuse destination.

Quatre d'entre elles se détachèrent de leur grappe pour venir se fixer à notre tige centrale, juste à côté du miroir protecteur de nos réacteurs, par l'entremise des connexions prévues à cet effet. Nous étions enfin prêts à entamer notre long voyage...

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Les cadets eurent l'occasion d'admirer l'astroport dans toute sa splendeur, lorsqu'ils le frôlèrent. Sa structure parsemée de hublots de différentes tailles leur permettait d'apercevoir la multitude de personnes qui s'y affairaient.

Certaines conversaient, dans des salles de travail, d'autres attendaient d'embarquer dans une des navettes en destination des colonies. On distinguait également les passagers et matériaux qui allaient être ramenés vers la surface, en empruntant l'une des nacelles effectuant un va-et-vient incessant le long du faisceau.

Semblable à une énorme colonne d'énergie bleutée, celui-ci descendait dans l'obscurité, vers les lumières du dôme duquel il émanait. Il s'agissait précisément de celui qui avait accueilli les dix jeunes cadets, au sein de sa pyramide, six ans plus tôt. Ils arrivèrent à distinguer les différents villages qui y étaient connectés par de longues voies éclairées dans la pénombre. Chacun tenta brièvement de deviner lequel d'entre eux pouvait bien avoir été le sien.

Mais il leur fallut bien vite rejoindre leurs postes respectifs afin d'effectuer la prochaine manœuvre qui les propulserait bientôt vers leur lointaine destination.

Celle-ci serait entièrement contrôlée par l'ordinateur de bord, car elle risquait de faire perdre connaissance aux faibles tas de chair et d'os qui composaient son équipage !

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Le voyage vers la sixième planète va commencer.
L'équipage du TXL1138 va bientôt découvrir qui sont ces Indésirables qu'ils vont devoir convoyer vers leur mystérieuse destination...

Homo Sum 1 : l'éveil de l'humanité (Episode 1 : Fédération)Where stories live. Discover now