Tentation II

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NOVEMBRE 2017


- Évite de commencer par « Tout d'abord », on dirait un gamin de six ans.

Pauline roule des yeux en me rendant ma feuille sur laquelle je n'ai gribouillé que quelques phrases.

- T'as l'air vachement sûre de toi, montre-moi ce que tu as fait, toi.

Elle me montre son cahier de notes, tourne la première page pour me montrer, fière d'elle, qu'elle a déjà bien avancé.

- Bon, dis-je simplement en fixant mon écriture.

Le claquement de son bouquin contre la table ne m'interpelle pas plus que ça, elle pose ses mains sur la table ronde et s'appuie sur ses coudes pour me fixer de ses grands yeux bruns.

- À qui veux-tu écrire, Julian ?

- Aucune idée.

- Et bien tu vas en trouver des idées. Lequel des trois sentiments te donne le plus d'inspiration ?

- Le temps, peut-être.

- C'est déjà un bon début, me sourit Pauline. Qu'est-ce que tu aimerais lui dire ?

- Je ne sais pas...

- Fais un effort, s'il te plaît, je t'assure que ça viendra, une fois que tu seras lancé, les idées se bousculeront. Alors ?

Cette fille a de la patience, en plus de sa gentillesse, elle ne me brusque pas et essaie de m'aider alors que je n'ai rien demandé.

Merveilleux.

- Qu'il ne passe pas assez vite ? Que j'aimerais qu'il accélère ? Bien que parfois j'aimerais le contraire...

Je hausse les épaules, ce qui fait rire Pauline.

- C'est déjà un bon début.

Elle approche sa chaise de la mienne dans un silence remarquable, laissant les autres étudiants travailler en paix. Son regard ne me lâche pas, elle doit remarquer à mon expression que je ne comprends pas sa démarche. Dans la poche de mon jean, je sens mon portable vibrer mais je n'y fais pas attention, trop absorbé par la jeune femme.

- Qu'est-ce que tu...

- Chuuuuuut, sourit Pauline en posant son indexe sur mes lèvres.

Celles-ci sont entrouvertes, ma respiration devient irrégulière lorsqu'elle se rapproche plus près de moi en me montrant les quelques personnes qui travaillent au loin.

- Ils sont concentrés.

- On devrait s'y remettre, murmuré-je en fronçant les sourcils.

- On a le temps, déclare la blonde près de mon oreille.

Elle vient coller son buste près de mon épaule pour venir me murmurer ces petits mots qui me font l'effet d'une bombe. Des frissons s'installent sur chaque parcelle de mon corps et je ferme les yeux pour tenter de me maitriser. Mon portable ne cesse de vibrer dans ma poche, ce qui a le don de m'énerver parce que ce n'est pas du tout le moment.

- Je peux te donner plus d'inspiration que ça, qu'est-ce que tu en dis ? susurre toujours Pauline.

- Je...

Elle s'éloigne légèrement pour pouvoir me regarder dans les yeux et je les soutiens sans faille. Ils s'aventurent sur mes lèvres puis fixent mes cheveux avant qu'elle ne passe sa main dans ceux-ci pour les arranger.

- Tu es si beau.

Je vais craquer, je le sens, elle est beaucoup trop attirante. Bien que je puisse me retenir, que je pense beaucoup trop à une autre fille en ce moment, je pense que ça me ferait du bien d'embrasser une fille à nouveau. Pas que je l'ai fait énormément de fois, mais c'est déjà arrivé et ce n'était pas génial.

Alors pourquoi ne pas tenter ?

Mon regard se baisse jusqu'à ses lèvres pour les observer un peu trop longtemps. Sans me rendre compte, j'humidifie les miennes avec envie juste avant qu'une ombre passe derrière Pauline, ce qui me fait relever les yeux.

- Camille ?

Mon pouls s'accélère, Anaïs, Camille et Maxence se trouvent tous les trois devant nous, nous dévisageant avec... dégoût ? Je ne sais pas, seulement que Pauline est frustrée et mes amis fâchés.

Merveilleux.

- Salut, je... qu'est-ce que vous faites là ?

- Oh... on te dérange peut-être ? sourit Anaïs. Tu sais, c'est une bibliothèque publique... nous n'avons pas besoin de ton autorisation pour y entrer.

- Ouais, t'aurais regarder les messages, tu l'aurais su. Bon, on a du boulot, nous, insiste Maxence sur le dernier mot.

Les lèvres pincées, je passe doucement ma main dans mes cheveux, contrarié de la situation. Pourquoi est-ce que Maxence est si froid avec moi depuis quelques jours ? Et pourquoi est-ce qu'ils semblent si énervés de me voir proche de Pauline ? Après tout, qu'est-ce que ça peut bien leur faire ?

Camille semble hésiter à suivre ses amis, ses yeux bleus me parlent mais, encore une fois, je ne les comprends pas. Elle soutient mon regard et je soutiens le sien. Ses mains serrent ses fardes contre sa poitrine, si je ne la connaissais pas, je parierais sur le fait qu'elle est triste en ce moment-même. Mais il s'agit de Camille et on ne sait jamais ce que Camille ressent.

- Bon, on continue ? soupire Pauline, agacée.

La jeune étudiante toujours debout semble prendre cette phrase pour une invitation à partir, elle tourne les talons sans un bruit et rejoint le duo installé trois tables plus loin.

- Des vrais pots de colle, souffle Pauline.

Ensuite, nous travaillons pour de bon, j'essaie de trouver des phrases correctes pendant que Pauline m'aide à les formuler. Elle reste assez proche de moi, tactile et j'essaie de ne pas en tenir compte. Quelques fois, je tente un regard vers mes amis, assis à quelques mètres, seule Camille semble me voir. Nos regards se croisent souvent. Très souvent, même quelques secondes. Je vois d'ici sa jambe sautiller sur place, ses dents mâchouiller son stylo alors je me demande ce qui peut la rendre si nerveuse.

- Tu m'écoutes ? s'énerve Pauline en me jetant une boule de papier à la figure.

- Ouais. Ouais, bien sûr.

- Qu'est-ce que je disais ?

- Je... j'en sais rien, je ris.

Elle roule des yeux, vexée et reprend son travail. Moi, je fais semblant de bosser en matant du coin de l'œil ma blonde préférée.

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