Méfiance, méfiance...

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DÉCEMBRE 2017


- Exceptionnellement, aujourd'hui, nous mélangerons les filles et les garçons. Attention ! J'insiste sur le fait que les garçons doivent bien faire attention à leur lancé. Je ne veux pas que vous blessiez de filles, elles ont moins de force que vous alors...

Il lève les mains, siffle et nous ordonne de nous mettre par équipe de deux.

Waouw, il a osé. Heureusement, les filles n'ont pas l'air d'avoir entendu ce que vient de déblatérer notre professeur de sport, ou alors, elles ne sont pas si féministes que ça et acceptent l'infériorité. Je suis tout de même choqué.

Blasé, j'attrape un ballon de basket et le fait tournoyer entre mes mains, attendant un ou une coéquipière. Lorsqu'entre deux passe à moi-même, je capte le regard de Pauline vers moi, la balle m'échappe des mains et rebondit sur mon nez. Ça fait vachement mal. Elle en rit.

- Tu m'évites ?

Oui.

- Non, dis-je en frottant l'arrête de mon nez.

- Alors, on fait équipe ?

Non.

- Je...

- Il fait équipe avec moi.

Sauvé.

Une petite brune se tient à mes côtés, les bras croisés contre sa poitrine, mitraillant Pauline du regard. Cette dernière roule des yeux, amusée et pas moins impressionnée par Anaïs, faisant demi-tour pour rejoindre ses amies.

- Je suis censé te remercier ? je lui souris.

- Oui.

- Je savais très bien refuser moi-même, je n'avais pas besoin de ton aide.

- Tu n'avais pas l'air de vouloir le faire, me dit-elle furieusement.

- Bien sûr que si. Camille m'a plus ou moins expliqué pour Max, je ne savais pas.

- Elle te l'a dit ?

Anaïs semble réellement surprise, le ballon que nous sommes censés nous lancer pour, je cite, perfectionner nos passes, n'a toujours pas bougé.

- Elle m'en a vite fait parlé, rien de plus, dis-je en lui lançant prudemment la balle.

- Vous êtes proches au point de vous confier des petits secrets, mh ?

Les sourcils froncés, Anaïs me renvoie la passe.

- Ne t'en fais pas, je garderai les tiens jusque dans ma tombe, je ris.

- Quoi ? Qu'est-ce qu'elle t'a dit ?

Hystérique, elle se rapproche de moi et je me défends, hilare, en tenant le ballon droit devant moi pour qu'elle ne puisse pas me toucher.

- Tout doux, tout doux ! Je plaisantais, me moqué-je. Elle ne m'a rien dit. Pas encore, rajouté-je en m'esclaffant.

- Elle ne te dira rien, soupire la brune en reprenant sa position initiale.

- J'aimerais savoir quelque chose, moi, dis-je plus sérieusement.

- Quoi ?

Elle me lance l'objet avec rage, sans que je ne sache pourquoi. Est-elle fâchée que l'on se rapproche, sa meilleure amie et moi ? Peut-être a-t-elle peur de la perdre.

- Où est-elle ?

- Qui ça ?

- Qui ça ? l'imité-je. Camille, tiens.

Elle ne me répond pas, rompt notre contact visuel pour lorgner la salle du regard, comme à la recherche de son amie. Pourtant, je sais qu'elle est au courant, elle ne semble jamais surprise par ses absences qui, soit dit en passant, sont de plus en plus régulières.

- Anaïs, insisté-je en fronçant les sourcils.

- Julian ! Anaïs ! intervient notre professeur. On ne s'arrête pas, c'est trop lent !

Je renvoie le ballon en soupirant, pas du tout motivé. Mes yeux ne cessent de fixer mon amie qui me renvoie calmement mes passes, elle n'a pas envie de parler. Très bien.

- Ce n'est pas à moi de t'en parler, Julian, me dit-elle doucement. Elle a beaucoup de rendez-vous, c'est tout ce que je peux te dire.

- Est-ce que c'est grave ? demandé-je, inquiet.

- Qu'est-ce que tu racontes ?

- Parle-moi ! insisté-je, furieux. Je n'en peux plus de ne rien savoir.

- Peut-être qu'elle n'a juste pas envie de te parler de ça, se défend Anaïs.

- J'ai le droit de savoir !

- Ah oui ? Quel droit ?

À présent énervée, la jeune brune se tient devant moi tel un chien de garde. Ridicule. Elle est toute petite, ses mains serrent nerveusement le ballon de basket en me le mitraillant de coup sur le torse.

- Arrête, dis-je assez fort pour qu'elle sursaute. Tu l'as dit toi-même ! Camille et moi sommes proches, tout le monde l'a bien remarqué ! J'ai. Le. Droit. De. Savoir, insisté-je en articulant.

- Je ne te dirai rien sans son autorisation.

Ses yeux soutiennent les miens, elle ne lâche pas l'affaire.

Et je ne le ferai pas non plus.


***


Lorsque le cours se termine enfin, je suis toujours énervé. Anaïs est une bonne amie, je comprends tout à fait qu'elle veuille protéger Camille. Après tout, il ne s'agit peut-être que d'une bêtise, oui, mais elle ne réagirait pas de cette manière si ce n'était pas si important. J'en suis persuadé.

- Tu vas bien ? me demande Jules.

Assis sur le banc des vestiaires, je décide de ne pas me changer, trop pudique pour ça. De plus, nous avons fini notre journée, je ne veux qu'une seule chose ; rentrer chez moi, me doucher et dormir.

- Ouais, ça va.

- Max propose que l'on se voit ce soir, t'es partant ?

- Nan, je suis crevé. On se voit demain.

Je me lève en évitant de croiser son regard, il comprendrait que quelque chose ne va pas, si ce n'est déjà fait. En sortant du vestiaire, je croise Maxence qui secoue ses cheveux mouillés vers moi, ça ne m'atteint pas.

Je pousse les portes du lycée en prenant une grande bouffée d'air, je ne me rendais pas compte que j'étouffais, mon cœur s'emballe soudainement en repensant à Camille. Et je m'inquiète. Cependant, je n'ai aucune envie de m'écraser, j'ai besoin de savoir, je veux comprendre les raisons qui font qu'elle n'est pas souvent là, surtout que ça devient récurrent.

Il n'y pas vraiment de tension entre nous malgré l'épisode du marché de Noël, peut-être était-ce trop tôt pour elle, peut-être veut-elle prendre son temps, peut-être a-t-elle simplement peur. Alors j'ai compris, j'ai accepté et nous n'en avons plus parlé, parce qu'il s'agit de Camille.

Près de toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant