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MAI 2025


Debout, les bras tendus et les mains légèrement croisées devant le bas de mon costume, je compte les minutes qui passent, silencieux. Les chuchotements de mes amis derrière moi me donnent envie de leur crier de se taire mais je n'en fais rien, bien trop tétanisé de ce que je m'apprête à faire. L'envie est là, mais cette fois-ci, je sais qu'il n'y aura pas de retour en arrière, ce sera officiel, il s'agit d'un cap à passer. Non ?

Cependant, je doute qu'elle soit dans le même état que moi, elle qui rêvait de ce mariage, elle ne peut être que pressée d'arriver. Mais le temps qui passe me fou un putain de doute... Et si elle avait changé d'avis ? Et si elle avait déjà fait demi-tour et ne voulait plus de moi ? De nous.

- P'pa ?

Les grands yeux ronds de mon fils sont embués de larmes, il tend ses bras vers moi et je fronce les sourcils, inquiet. Je suis superstitieux, j'ai l'impression d'être dans un mauvais rêve, que tout ce que j'observe est négatif et qu'il ne présage rien de bon. Et si Clément ressentait le départ de sa mère ? S'il essayait de me le faire comprendre ?

N'importe quoi, Julian. Ferme-la et rassure ton fils.

- Qu'est-ce qu'il y a mon grand ?

- Je veux maman...

- Elle va arriver mon ange. Elle va arriver... murmuré-je en le serrant contre moi, mes lèvres sur son crâne.

Je ne sais pas qui est-ce que j'essaie de rassurer. Lui ou moi.  Ses petites mains s'accrochent à mon costume mais je n'ai pas la force de lui demander d'éviter pour ne pas le froisser, mon fils a tous les droits et s'il faut qu'il abîme ma veste pour qu'il aille mieux, qu'il le fasse.

- Mamaaaaan ! s'écrie soudainement le petit aux cheveux bruns.

Mes yeux s'attardent sur lui jusqu'à ce que je me redresse, droit comme un I. Dans mon élan, mon regard balaie la salle puis se pose sur la plus belle femme du monde. Vêtue de sa longue robe blanche, traînant derrière elle, je vois mon fils courir vers elle les bras ouverts, sous les rires complices des invités. Doucement, elle le réceptionne sans pour autant le porter et lui glisse un mot à l'oreille. Il opine, se déplace derrière sa mère puis s'abaisse pour porter le plus de tissu possible, fier de marcher derrière elle et son grand-père pour fermer la danse.

Sur un rythme lent et tout aussi mélodieux que le mien, la jeune femme s'avance au bras de son papa, souriante et émue, je le vois d'ici. Elle est sublime dans cette robe blanche, son voile cache partiellement son visage mais je distingue tout de même son énorme sourire ainsi que ses yeux que j'ai toujours aimé regarder.

Elle est heureuse.

Je me sens plus léger, comme l'impression de pouvoir accomplir de nombreuses choses à présent. Je me sens Homme.

Lorsque son papa la laisse en lui embrassant la main, il m'offre un clin d'œil qui m'a tout l'air d'un « je te passe le relais, ne fais pas de connerie ». Son regard aurait pu me faire penser qu'il terminerait sa phrase par un « enfoiré de Julian » mais pas cette fois. Il était inhabituellement doux.

Sa fille arrive à ma hauteur et, sans jeu de mot, ses talons font que nos tailles sont quasiment identiques. Je doute même qu'elle me dépasse. Je lui souris, ému. De quoi ai-je l'air à ces côtés ? Mon costume beige est classe, je le sais, mais je n'arrive pas à la hauteur de ma future femme. J'ai beau la trouver belle dans n'importe quelle circonstance ; en petite robe d'été, en jean, enceinte ou en peignoir, je ne l'ai encore jamais trouvée aussi magnifique qu'à cet instant.

- Incroyable, lui articulé-je en me rapprochant d'elle, avant que la cérémonie ne commence.

Ses joues se teintent de rose, elle baisse le regard mais se reprend rapidement en jouant avec le bouquet de fleurs qu'elle tient entre ses mains.

- Sexy, murmure-t-elle en me regardant de haut en bas.

Je lui mime un rapide bisou avec mes lèvres avant que le prêtre ne demande le silence. Clément court doucement pour rejoindre mes amis derrière moi pendant que les demoiselles d'honneur de ma fiancée s'installent derrière elle. Cette dernière me jette un dernier regard avant de porter toute son attention sur l'homme qui se tient devant nous. Je ne peux détourner mes yeux d'elle, sur son bronzage qu'elle garde de nos vacances en Italie, sur ses cheveux blonds qui ont légèrement éclaircis au soleil et ses magnifiques yeux qui me cherchent de temps en temps.

Plus de place au doute, je l'aime.

Éperdument. 

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