32. Mariam

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À l'heure du déjeuner, je me dépêche de rejoindre la cantine. Vu ce qu'on nous y sert, j'y vais rarement avec enthousiasme. J'y mange même très rarement. Avec Juliette et Antonin, on essaye au maximum d'apporter nos propres déjeuners, sinon on s'achète des sandwichs ou des salades qu'on mange sur un banc ou assis dans un couloir.

Là, c'est la perspective d'y retrouver Leo et qu'il puisse, je l'espère !, m'apprendre l'identité de ce fameux garçon avec qui discutait Juliette qui me motive.

Je pénètre dans le vaste réfectoire où règne le vacarme habituel. Une fois mon plateau garni, je balaye l'espace du regard. J'avance lentement jusqu'à repérer Leo installé avec deux gars à une table près de la grande vitre qui donne sur la cour.

Quand je débarque à leur table, les deux gars ont les yeux braqués sur Leo et les trois amis sont en plein fou rire. Leo semble à deux doigts de s'étrangler avec sa bouchée.

— Désolée de vous déranger.

Leo saisit son verre d'eau et boit un peu pour avaler tant bien que mal ce qu'il a dans la bouche.

— Tu ne nous déranges pas, parvient-il ensuite à articuler entre deux quintes de toux.

Ses yeux se posent sur mon plateau.

— Tu veux te joindre à nous ?

Il me fait signe de m'asseoir avec eux.

— Tu es la bienvenue.

Parfait. C'est exactement ce que j'avais en tête. Je m'installe face à Leo. Il me présente à ses deux voisins, Lorenzo et Mathis. Tous deux étaient à la soirée de Leo, mais aucun n'a d'information à me donner. Ils ont aperçu Juliette mais ni l'un ni l'autre ne lui ont parlé. Et Mathis ne savait même pas que Juliette était Juliette avant d'entendre parler de sa disparition et que Leo lui montre une photo d'elle.

Tandis que Lorenzo et Mathis se mettent à parler entre eux, Leo me demande :

— Les filles ont pu te renseigner, alors ?

— Oui, en partie. Disons que je sais ce que Ju a fait quand je suis partie, mais je n'en suis pas encore au point de savoir comment, quand et éventuellement avec qui elle, elle est partie.

— Ça viendra, j'en suis sûr, m'assure-t-il avec un sourire encourageant.

— Je vais faire ce qu'il faut pour !

— Est-ce qu'il faut t'appeler enquêtrice Mariam, désormais ?

Sa question me ferait presque rire si la situation n'était pas aussi grave. Son ton est trop léger, son air trop désinvolte. On dirait qu'il prend tout ça avec détachement, mais on parle de ma meilleure amie. De la disparition de ma meilleure amie. Une jeune fille de quinze ans qui n'a plus donné signe de vie depuis quasiment trois jours et ce, depuis une fête donnée chez lui.

— Je ne fais pas ça pour le plaisir, tu sais, je lâche plus sèchement que je ne l'aurais voulu.

Leo se raidit, surpris par mon ton.

— Oui, je me doute, excuse-moi.

Je m'en veux aussitôt. Depuis qu'il est au courant pour Juliette, il n'a fait qu'essayer de m'aider. Je ne suis pas très juste, là.

— Non, excuse-moi. Tu ne fais que m'apporter ton aide depuis samedi, je ne devrais pas passer mes nerfs sur toi. C'est que je suis à fleur de peau.

— C'est normal. Je le serais aussi à ta place.

Il plante sa fourchette dans son morceau de pomme de terre dégoulinant d'huile. Je jette un coup d'œil à mon assiette. Les haricots cuits à l'eau et la soupe dont l'odeur et la couleur ne m'inspirent pas confiance ne m'attirent pas plus que le contenu du plateau de Leo. Je vais être claire, je ne toucherai pas aux aliments sous mon nez. Au delà de leurs aspects peu ragoutants, je n'ai aucun appétit. Je pose mes couverts et croise les bras sur la table.

— Charlotte m'a dit que Juliette discutait avec un mec la dernière fois qu'elle l'a vue.

Leo mâche lentement, l'air pensif et le sourcil arqué.

— Quel mec ?

— Je n'ai pas son nom mais j'ai vu une photo du gars en question.

— Montre.

Leo engloutit un nouveau morceau de pomme de terre. Je sors mon téléphone et pars à la recherche du cliché où le garçon apparaît. Puis je plante mon portable sous le nez de Leo. Il ouvre grand les yeux.

— C'est Baptiste !

— Un de tes amis ?

Leo opine vigoureusement.

— Ami et coéquipier. Il est dans l'équipe de tennis.

— Eh bien, il serait cool que ton ami puisse nous dire, et particulièrement à la police, de quoi il causait avec Juliette ce soir-là.

— Il le fera. Baptiste est un super gars. Il est clean, j'en suis sûr.

— Ce n'est pas que je ne veux pas te croire sur paroles, mais tant que je ne saurais pas où est mon amie et pourquoi elle est aux abonnés absents, personne n'est super, pour moi. Et encore moins clean.




Keep It QuietWhere stories live. Discover now