85. Mariam

847 137 6
                                    

J'ai le cœur qui bat à mille à l'heure. Je sens que je suis proche de connaître la vérité. Ce gars a des informations. J'en suis profondément convaincue. Je vais lui parler. Il va comprendre combien il est important que toutes les langues se délient, y compris la sienne, et que, même si son activité est illégale et qu'être découvert va lui amener quelques soucis, admettons-le, il doit aider. Et s'il est responsable de quoi que ce soit, il doit avouer. Je ne laisserai plus les gens se taire. Ça a déjà trop duré.

Je dévale les marches de l'escalier en quatrième vitesse. Dans l'entrée, j'enfile mes chaussures en deux temps trois mouvements. Je glisse mon portable dans ma poche et j'attrape mon trousseau de clés posé dans le vide-poches sur la console. Mon regard s'arrête sur un autre trousseau. Celui du scooter. J'en ai besoin. J'attrape les clés et je vais récupérer le casque.

Alors que j'ouvre la porte d'entrée, je tombe nez à nez avec Leo. Franchement étonnée de le trouver devant chez moi, je reste figée une seconde. Leo me sourit.

— Qu'est-ce que tu fais là ? je lui demande, une fois ma surprise passée.

Il remonte l'anse de son sac à dos sur son épaule, puis se frotte le front, l'air gêné.

— Je suis venu prendre de tes nouvelles. Tu n'avais vraiment pas l'air bien ce matin, quand tu as quitté le lycée. Je... je m'inquiétais.

— C'est gentil. Tu aurais pu appeler, tu sais !

Il enfonce ses mains dans les poches de son manteau, courbe un peu le dos. Je me demande s'il ne rougit pas légèrement.

— Je voulais le faire à l'ancienne, comme toi. Ça a son charme. Plus que le téléphone !

Je lui réponds par un sourire. Comme ragaillardi, Leo se redresse.

— En tout cas, content de voir que tu vas mieux. Est-ce que tu retournes au lycée ? On peut y aller ensemble.

Il remarque alors le casque que je tiens à la main. Il fronce les sourcils.

— Où est-ce que tu vas ?

Silence radio. Au lieu de lui répondre, j'enfile le casque.

— Tu es pressée ?

Cette question là, je vais y répondre, et très succinctement :

— Oui.

— Je peux t'aider ?

— Il ne vaut mieux pas.

Il a alors l'air inquiet et curieux à la fois.

— Mariam, qu'est-ce que tu vas faire ?

Je m'avance sur le perron et claque la porte derrière moi.

— Quelque chose d'important, c'est tout ce que tu as besoin de savoir.

Leo recule de quelques pas pour me libérer le passage.

— C'est en rapport avec la cabane ?

Nouvelle question laissée sans réponse.

— Mariam...

Oh non ! Pas de « Mariam » qui vaille. Je ne suis pas une enfant ni une ado décérébrée. J'en suis même aux antipodes. Je fais ce qui me semble être juste et je prends peut-être des risques, mais ils sont proportionnés. Et si je ne les prends pas, qui les prendra ? Certainement pas la police. Donc, non, j'insiste, pas de « Mariam » qui vaille !

— Je sais ce que je fais, je me contente de répondre à Leo.

J'avance en direction du scooter. Leo me suit.

— Je n'ai pas dit que tu ne le savais pas. Je pense juste que je peux être utile. Du moins, je l'espère.

Je m'arrête, Leo manque de me rentrer dedans. Je me retourne et lui fais face. Il lève les mains en l'air.

— Désolé !

Il a cet air cool et détendu qu'il arbore toujours.

— Est-ce que tu es vraiment si sympathique ?

Ma question l'étonne. Il est si surpris qu'il parvient seulement à balbutier :

— Comment ça ?

J'arque un sourcil suspicieux.

— Mon adresse, comment tu l'as eue ?

— Je suis allé la demander à ton ami, Antonin.

— Il n'a pas hésité à te la donner ?

— Je crois qu'il a compris que je m'inquiétais, un peu comme lui, donc ça l'a convaincu.

— Il n'en a pas profité pour venir avec toi ?

Leo me fait signe que non.

— Il m'a dit vouloir te rejoindre quelque part. Je suppose que c'est là où tu vas te rendre.

Je le dévisage un instant. Très sympa. Extra sympa. Trop sympa. Je n'arrive toujours pas à me faire une idée précise sur lui. Je l'apprécie. Je l'apprécie même beaucoup. De plus en plus. Et ça, ça m'effraie horriblement, je dois avouer. Car je me méfie des gens. Et si lui m'a apporté son aide depuis le début, je ne suis pas dans sa tête. Je ne connais pas ses motivations. Je serais blessée et déçue qu'elles soient mauvaises.

— J'espère vraiment, vraiment, vraiment, que tu es quelqu'un de bien et que tu n'as pas été aussi soutenant depuis la disparition de Juliette parce que tu caches un sombre secret.

Leo me fixe une fraction de seconde avant de s'esclaffer.

— Je t'assure que je n'ai pas de sombre secret ! Ni de squelettes dans le placard ! s'exclame-t-il en reprenant mes mots du terrain de tennis.

S'il joue la comédie, il la joue bien. Mais les acteurs talentueux sont nombreux, Leo peut très bien en être un. Je croise fortement les doigts pour que ce ne soit pas le cas !

Mon téléphone ne fait que vibrer dans ma poche. Sans même voir le nom qui s'affiche sur l'écran, je sais pertinemment de qui il s'agit. C'est encore Antonin qui m'appelle. Il ne se lasse pas. Il n'abandonne pas.

Je l'envoie sur répondeur, passe mon téléphone en mode avion, puis l'envoie valdinguer dans le fond de mon sac. Je sais qu'Antonin ne va pas me laisser tranquille. Et j'ai tout sauf envie qu'on me prenne la tête, là. Qu'il me rejoigne, s'il veut. On verra bien.

Je vais droit sur mon scooter.

— Tu as un deuxième casque ? m'interroge Leo.

— Pourquoi faire ? je lui demande, par-dessus mon épaule.

— Pour que je t'accompagne là où tu vas, évidemment.

Je pivote légèrement la tête et lui adresse un petit sourire.

— Bien tenté mais non.

Je grimpe sur le scooter et le démarre.

— Je te raconterai plus tard...

— Mariam, attends !

Je l'ignore et file à toute allure.


Keep It QuietWhere stories live. Discover now