77. Mariam

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Au petit matin, mes sœurs se faufilent dans ma chambre alors que je suis encore endormie. C'est d'abord le grincement de la porte, puis leurs chuchotements et l'affaissement du matelas quand elles grimpent sur mon lit qui me tirent du sommeil.

J'entrouvre un œil. La lumière du couloir éclaire faiblement la pièce. Je découvre Aminata et Kadiatou, assises en tailleur côte à côte sur la couette, la mine sombre et l'air solennel. Je crains une mauvaise nouvelle.

— Qu'est-ce qui se passe ? je balbutie, la voix rauque et enrouée.

— Il faut qu'on te parle, me dit Aminata à mi-voix.

Je plisse des yeux et m'éclaircis la gorge.

— Est-ce que c'est grave ?

Ma sœur secoue la tête.

Me voilà en partie soulagée. Même si j'attends avec impatience le moment où on va venir me dire qu'on a retrouvé Juliette, ça me fait peur. Car cela signifiera que je saurais enfin si elle est en bonne santé ou non.

Au plus profond de moi, j'espère pouvoir faire face à ma meilleure amie, la prendre dans mes bras, la serrer contre moi jusqu'à nous en faire mal et l'engueuler ensuite pour la frayeur qu'elle nous aura faite en s'enfuyant à nouveau, et cette fois-ci, sans me prévenir. Je croise les doigts de toutes mes forces pour que ce scénario soit le bon. Pour que l'issue de toute cette histoire soit favorable. Rester optimiste, c'est ce que je me répète tous les matins lorsque je pose un pied au sol en sortant du lit.

— C'est... intéressant, me répond Aminata, toujours sur le même ton.

— Pourquoi tu chuchotes ? Je suis réveillée, tu peux parler plus fort.

— OK, dit Aminata, en reprenant aussitôt son ton de voix normal.

Les yeux dans le vague, je baille à m'en décrocher la mâchoire. Cette nuit a été courte. Très courte en matière de dodo et très longue en recherches. J'en ai passé la majeure partie assise sur mon lit, les doigts serrés autour de mon téléphone, ma chambre faiblement éclairée par le seul halo lumineux de l'écran, à fouiller le net, à écumer les comptes des uns et des autres à la recherche d'informations sur cette fichue cabane. Après la publication de l'article dans le Petit Antis hier, je ne pouvais penser à rien d'autre. J'en ai fait défiler des articles de journaux et de blogs pour ne rien trouver qui me satisfasse !

Que cache cette fichue cabane hormis des fêtes arrosées et des viols de mineurs ? Cette pensée me fait frémir. Je n'ai pas réussi à savoir si d'autres victimes avaient porté plainte ou non. Petite ville, beaucoup de mensonges. Petite ville, réputations à protéger. Personne n'a envie de voir ses vilains petits secrets révélés au grand jour, étalés sur les pages du journal local ou sur les réseaux sociaux des uns et des autres. Ça me dégoûte.

Le cœur au bord des lèvres, je me frotte les yeux et me redresse lentement dans mon lit, en m'appuyant sur les coudes.

— On a entendu parler de LasCabane.

Kadiatou prononce le nom de la cabane avec un accent hispanique. LasCabane. Je trouve ce surnom tellement ridicule. Rien que de l'entendre me fait détester cet endroit. En sachant ce que Juliette y a vécu, je le hais même profondément.

— Au collège, hier, on racontait un tas d'histoires sur cet endroit.

— Il paraît qu'elle serait maudite. Une vieille âme serait bloquée dans cette cabane.

Je lève les yeux au ciel.

— N'écoutez pas toutes les bêtises qui sont dites.

Kadiatou souffle.

Keep It QuietWhere stories live. Discover now