43. Mariam

1.7K 189 5
                                    

Les volontaires sont au rendez-vous. Des jeunes arrivent de tous les côtés sans discontinuer. Il n'est pas encore dix-sept heures et on est déjà une bonne quarantaine à patienter devant la mairie.

— Je ne pensais pas qu'il y aurait autant de monde, me dit Antonin.

Il est si pâle que je crains qu'il ne tourne de l'œil. Cette battue, ça le remue bien plus qu'il n'ose l'avouer.

— Pas mal d'élèves du lycée m'ont assuré qu'ils viendraient, je lui réponds avec un sourire.

— Les gens ont tenu parole, c'est super.

Nous ne sommes pas entourés que par des lycéens, mais aussi par des adultes, voisins, amis ou collègues des parents de Juliette, et également des collégiens, comme mes petites sœurs qui n'ont pas hésité une seule seconde tant il était inenvisageable pour elles de ne pas être présentes. Elles discutent avec les frères d'Antonin, droites comme des i, mâchoires crispées et visages fermés.

Tous ont l'air grave de ceux qui ne sont pas là pour s'amuser – ce qui ne m'étonnerait pas concernant d'autres qui se marrent franchement à quelques mètres d'Antonin et moi – mais pour aider du mieux qu'ils peuvent.

Je promène le regard autour de nous et des sentiments contradictoires m'animent. Je suis heureuse de voir que de nombreux volontaires se sont présentés pour participer à cette battue. Mais en dehors des gens qui semblent être là par pure curiosité, qui viennent là comme ils iraient au spectacle, et qui m'attriste profondément, je suis aussi agacée, parce que j'imagine bien qu'il y a parmi eux des invités de la soirée chez Leo qui sont au courant de quelque chose. Juliette n'a pas pu disparaître sans que personne n'ait rien vu. Que ce soit son heure de départ de la soirée ou si elle était seule ou accompagnée. Que Juliette ait disparu volontairement ou non, quelqu'un a forcément vu quelque chose.

— J'espère qu'on trouvera des indices. Le moindre petit indice qui pourrait nous renseigner sur ce qui s'est passé serait plus que le bienvenu.

Je tourne la tête vers Antonin. On échange un regard. Je sais qu'on pense la même chose, on veut trouver Juliette mais si cette battue permet de le faire, on a peur que ce ne soit pas une bonne nouvelle. On craint de ne pas trouver Juliette en bonne santé. Saine et sauve. C'est pour ça que des indices pourraient être préférables à Juliette elle-même. Je l'espère loin d'ici. Comme la dernière fois.

— Je suis heureux qu'on puisse être là, ensemble. Excuse-moi encore de ne pas t'avoir tout raconté tout de suite. J'avais honte de m'être mis dans un état pareil et d'avoir réagi comme je l'ai fait quand Juliette m'a recalé.

— J'accepte tes excuses. Dans un moment comme celui qu'on vit, on a besoin d'être soudés. C'est indispensable qu'on se soutienne.

Antonin hoche vigoureusement la tête, en signe de total accord avec ce que je dis.

— J'espère juste que tu ne me caches plus rien. Je ne supporterai pas d'autres cachotteries.

Antonin me fixe droit dans les yeux avec une expression sincère.

— Je te jure que je t'ai tout dit et à la police aussi.

Il esquisse un signe de tête en direction des agents postés à quelques mètres de nous. Agents présents pour organiser la battue.

De nouvelles personnes arrivent sur le parvis, devant la mairie. Parmi elles, je repère les parents et la petite sœur de Juliette. Je les salue de loin en secouant la main en l'air. Sa mère me voit, elle me répond en inclinant la tête avant de se diriger dans ma direction. Suivie de son mari et de sa fille, elle se fraye un passage parmi les jeunes jusqu'à nous. Ils ont tous les trois le visage fatigué et tourmenté de ceux qui ne dorment pas et angoissent un peu plus chaque jour.

Ambre vient se coller contre moi pour faire un câlin. Elle pleure en appelant sa sœur. Ça me fait mal au cœur. Je sens ma poitrine se comprimer.

— Tu sais vraiment pas où est Juliette ? me demande-t-elle de sa toute petite voix.

Ça me donne envie de fondre en larmes.

— On va faire notre maximum pour la trouver, d'accord ? On n'arrêtera pas de la chercher tant qu'on n'aura pas réussi à la faire rentrer à la maison. Je te le promets.

Ambre acquiesce d'un minuscule mouvement de tête.

— Elle réclame sans cesse sa sœur, tu sais, m'explique Géraldine à voix basse.

Paul fixe les policiers du regard.

— Ils ont interrogé beaucoup de monde, vous croyez ? Je n'ai pas l'impression que jusqu'ici, il y a eu beaucoup de témoignages intéressants.

Je me contente d'opiner. Je vais pas lui dire le fond de ma pensée : que je trouve que la police prend la disparition de Juliette à la légère. À mon sens, il y a encore bien trop de gens présents à la soirée qui n'ont pas été interrogé. Et ils le seront sûrement, du moins j'ose l'espérer, mais après combien de jours ? Depuis combien de temps Juliette aura-t-elle disparu quand tous les invités auront été entendus ?

Antonin, de son côté, baisse légèrement le menton et promène son regard sur le sol. Évidemment, les parents de Juliette ignorent ce qu'il s'est passé entre leur fille et Antonin, le soir de la fête. Mais si Antonin n'a pas menti, il ne sait rien sur la disparition de notre amie, donc il est inutile de leur raconter cela. Et pour Antonin, ça remuerait le couteau dans la plaie. La dernière fois qu'il a vu la fille dont il est fou amoureux, il s'est disputé avec elle. On est suffisamment puni pour le moment.

L'inspecteur de police qui nous avait reçu pour déclarer la disparition de Juliette est là, il nous rejoint et demande à s'entretenir avec Géraldine et Paul. Ce dernier lui sourit, le regard plein d'espoir.

— Est-ce qu'il y a du nouveau dans l'enquête ?

— Non, désolé. Cela concerne des formalités.

— Des formalités ? répète Géraldine.

— Administratives, complète le policier.

Tandis qu'un silence suit, je le dévisage, outrée. Est-ce vraiment le moment pour des « formalités » ?

— On pourra voir ça plus tard, ce n'est pas urgent.

— Contrairement au fait de retrouver ma fille, lui rétorque abruptement Géraldine.

Paul la saisit par la taille et la serre contre lui. Le policier enchaîne :

— Je vais prendre la parole et annoncer comment les recherches vont s'organiser.

Après lui avoir jeté un bref regard, Paul se contente de lui répondre sèchement :

— OK.

— Je m'adresserai aux gens présents ensuite, prévient Géraldine avant de tourner le dos au policier.

Celui-ci n'en prend pas ombrage. Le visage impassible, il remercie les parents de Juliette et part rejoindre ses collègues. Après avoir échangé quelques mots avec eux, il demande l'attention de tous.

— Bonjour. Merci de participer à cette opération de recherche. Nous sommes là pour tenter de retrouver Juliette dont nous n'avons plus de nouvelles depuis la fin de la soirée de vendredi. Nous avons défini des secteurs à couvrir. Nous y concentrons nos recherches pour plus d'efficacité. La neige ne nous facilite pas la tâche, il y a de nombreux endroits inaccessibles. Il n'est pas question que qui que ce soit se mette en danger, donc respectez bien les consignes qui vont vous être données. Nous allons fouiller les zone par équipes. Mes agents vont venir à votre rencontre pour faire des groupes de cinq.

Les policiers se dispersent parmi la cinquantaine de personnes présentes.

— Je passe la parole aux proches de Juliette, conclut le policier. 

Keep It QuietWhere stories live. Discover now