Regarde-moi.

Chapitre 4

- Une dernière chose. Des lunettes, ce n'est pas très discret.

Et pour la première fois, je vois les coins de sa bouche se relever en un demi sourire.

Mon coeur rate un battement. Est-elle réellement au courant pour mes yeux? Aiden n'aurait jamais risqué de dévoiler notre secret. Mes yeux noircissent instantanément de peur. Et si elle contactait les Z? Et si elle faisait partit des Z? Bon, peut être que rester cachée pendant plus de dix-sept ans m'a rendu un petit peu paranoïaque. Je chasse toute pensée négative de ma tête, même si certaines persistent.
Ce n'est qu'en faisant un pas en avant que je me rends compte que Mrs. Clinton ne m'a pas indiqué le chemin de ma chambre. Intéressant. Peut être qu'elle pense que je suis télépathe. Ne voulant pas me retrouver une fois de plus seule avec la directrice, je décide de chercher par moi même et me dirige vers les premiers escaliers que je vois. Je remarque qu'un petit ruban est attaché à ma clé, et j'essaie d'y lire la gravure dorée. 1.7
Le 1 doit sûrement faire référence à l'étage et le 7, à la chambre. On verra bien.
Je monte au premier étage et prie pour ne pas me tromper. J'arrive enfin devant un interminable couloir qui s'éclaire automatiquement. Je m'y engage silencieusement pour éviter de réveiller qui que ce soit. Je ne voudrai pas m'attirer les foudres des élèves dès le premier jour. Ou plutôt, la première nuit. En y repensant, je suis vraiment épuisée. La journée a été longue.
Soudain, les éléments de la soirée me reviennent en mémoire et je repense à mon frère. Je n'arrive toujours pas à y croire. C'était le plus fort de nous deux, le plus intelligent. S'ils ont réussi à l'attraper, lui, alors ma mort n'est plus qu'une question de temps.

Je parcours des yeux les portes de chambres numérotées tout en pensant à mon frère quand je tombe enfin sur la numéro 7. Ma chambre. Enfin, je crois. Je rentre la clé dans la serrure et tourne une fois. Bingo! J'ouvre la porte et entre. À peine ai-je mis un pieds à l'intérieur que je suis projetée au sol. Je sens la pointe d'une lame se poser sur ma nuque mais le poids sur mon dos est tellement lourd que je ne peux pas me lever, ni même bouger un bras. Je sens quelque chose remuer sur moi et je comprends que le poids est en fait une personne. Quelques secondes s'écoulent avant que je sois retournée sur le dos et qu'on me braque une lampe torche sur le visage. Je ferme les yeux sous la puissance du faisceau de lumière qui me brûle les yeux à travers mes lunettes de soleil. Je suis enfin libérée par mon ravisseur mais je reste au sol, trop épuisée pour réagir.
Mais ils sont complètement singlés dans cette école!!!
J'ouvre les yeux en entendent un gloussement mais il fait toujours aussi noir. J'entends la personne se diriger vers la porte et la chambre est enfin éclairée.

- Désolée, je t'ai prise pour quelqu'un d'autre.

Je reste bouche bée en découvrant le visage de mon agresseur. Une fille d'à peu près mon âge et de moins d'1m55 se tient devant moi, un grand sourire sur le visage. Ses yeux tirés révèlent ses origines asiatiques et ses cheveux rouges écarlate contrastent avec la blancheur de son visage pâle.

- Tu dois être Elynda la nouvelle. Moi c'est Rachelle. Je suis la seule au courant de ton arrivée. Parmi les élèves je veux dire. Non par ce que les profs, eux, te connaissent tous. Enfin, pas personnellement bien sur, je veux dire qu'ils savaient que tu arrivais. Je...

Je la coupe, voyant qu'elle ne compte pas s'arrêter d'elle même. Je me demande si elle respire entre ses phrases.

- Tu faisais quoi dans ma chambre? je demande.

Elle me regarde d'un air confus, comme si j'avais posé la question la plus bête qui soit puis me répond du même ton qu'on prends quand on essaie d'expliquer quelque chose à un enfant.

- Je suis ta camarade de chambre, dit-elle en articulant chaque mot.

Une camarde de chambre?! C'est une blague?! Apparement personne n'a ressenti le besoin de m'en informer. Qui sait ce qu'on me réserve la prochaine fois. Je n'en peux vraiment plus de cette journée! Ma montre indique qu'il est 3h du matin. J'estime que c'est une raison suffisante pour mettre fin à notre conversation. Je me dirige donc vers le lit de droite qui ne semble pas avoir été touché et m'y affale après avoir enlevé mes bottes.

- Qu'est-ce que tu fais?

Cette fille commence vraiment à m'agacer!

- Je vais dormir, il est 3h du matin et j'ai pas fermé l'œil depuis la nuit dernière, dis-je, un tout petit peu plus agressivement que ce que j'avais prévu.

Elle ne semble pas du tout vexée. Au contraire, elle sourit en coin, comme si je venais de dire quelque chose de drôle et qu'elle était la seule à l'avoir compris. OK.
Je l'ignore et lui tourne le dos. Quelques secondes s'écoulent et je sens toujours son regard sur mon dos. Ne résistant plus, je me retourne d'un coup sec.

- Quoi?!

- Tu comptes dormir avec tes lunettes? me demande-t-elle innocemment.

Réalisant que je les porte toujours, je me lève, éteins l'interrupteur, et me recouche en prenant soin de poser mes lunettes sur la table de nuit à côté de moi tandis que Rachelle glousse. J'ai l'air de beaucoup l'amuser apparemment.
Je rabbat le drap sur moi, et ferme les yeux. Moins d'une minute plus tard, je sens les battements de mon coeur s'apaiser et ma respiration devenir régulière. Mes paupières s'alourdissent de plus en plus, et je ne résiste plus. Je laisse le sommeil m'emporter, quand tout à coup, une alarme assourdissante me vrille les tympans.
Je crois que mon sommeil va devoir attendre...