Regarde-moi.

Chapitre 28

Morgane saute sans demander son reste et je n'ai même pas le courage de regarder sa chute.

J'entends déjà une troupe d'agents approcher en hurlant des ordres.

Je n'ai plus le choix.

J'attrape les deux côtés de la vitre et recule de quelques pas pour prendre mon élan.

Un. Deux. Tr...

- Arrêtez vous!

La voix d'un agent me parvient au moment même où je m'élance du bâtiment. Je ferme les yeux et retiens mon souffle en attendant le choc de mon corps au contact du sol mais au lieu de sentir le vent me fouetter le visage sur plusieurs mètres comme j'aurais du, mon bras est violemment tiré en arrière. Mon corps percute bruyamment la baie vitrée du dessous et en une fraction de seconde je me retrouve suspendue par le bras, six étages au dessus du sol.

- Je la tiens!

L'agent qui me retient par le bras préviens ses coéquipiers qui le rejoignent aussitôt. Non, non, non... ce n'était pas censé se passer comme ça... si jamais ils m'arrêtent... je ne préfère même pas y penser!

- Aidez-moi à la remonter.

Surtout pas! Je baisse la tête dans l'espoir d'apercevoir le corps et pas le cadavre de Morgane mais je ne peux voir ni l'un ni l'autre. Rien à la ronde. Je m'empresse de détourner le regard du vide. M'évanouir de vertige dans un moment pareil serait... embêtant.

- A trois on la remonte!

Tout mais pas ça... je me mets à gigoter dans tous les sens en espérant les empêcher de me hisser mais mon bras est fermement retenu par les hommes.

- Un...

Vite, il faut que je trouve une échappatoire... ça ne peut pas se terminer ainsi!

- Deux...

Et si...

- Trois!

Je me balance en arrière en prenant de l'élan et alors que je me sens remontée je plis les genoux et joins mes deux pieds que je lance devant moi en y mettant toute ma force. Comme prévue la vitre du dessous se brise en mille morceaux et je profite de l'effet de surprise pour dégager mon bras des agents et atterrir à l'étage du dessous en évitant une chute libre de justesse. J'amortis le choc en me mettant en boule et en me protégeant le visage du tapis de verre qui recouvre le carrelage et roule sur plusieurs mètres. J'essaye de me relever tant bien que mal malgré la douleur fulgurante qui se propage dans tout mon corps. Je peux sentir les dizaines de bris de verre enfoncés dans la peau de mes bras qui me torturent à chaque mouvement. C'est déjà mieux qu'une chute du sixième étage... Soudain je me souviens de Morgane qui elle a bel et bien sauté. J'avance vers la vitre cassée et essaye de déceler un mouvement dans la pénombre. Rien, pas une mouche. Le quartier d'affaire entier est anormalement calme. Morgane a intérêt d'être en vie. Elle ne peut pas mourir. Pas maintenant. Pas sans répondre aux milliers de questions qu'elle a déclenché dans ma tête. Et puis, elle l'a dit elle même, elle a déjà connu pire. Plus vite je sortirai de ce maudit immeuble et plus vite je pourrai la rejoindre et on pourra enfin se casser d'ici.

J'époussette ma robe dont il ne reste que des lambeaux et retire mes talons que je tiens dans chaque main en guise d'arme. Qu'est-ce qu'on dit déjà... ah, oui, le ridicule ne tue pas. J'avance lentement en tentant de faire le moins de bruit possible et d'éviter les morceaux de verre par la même occasion. Je me dirige vers les premiers escaliers que je vois et m'y engage après avoir vérifié qu'aucun agent ne m'y attend arme en main. Je dévale les marches tellement vite que je me retiens de tomber en avant plus d'une fois. Mais ralentir n'est pas une option. Le temps m'est compté plus que jamais et je dois absolument envisager toutes les options. Y compris être la seule survivante de la mission. Et dans ce cas là, je dois à mon tour me battre jusqu'au bout.