Chapitre 30 (final)

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Ce n'est qu'en voyant le sourire mauvais du garçon au sol que je me rend compte que je n'ai toujours pas entendu sa balle retomber sur le parquet lorsqu'il m'a raté et que je me souviens que les prisonniers sont en droit de tirer à leur tour pour se libérer. Je n'ai pas le temps de me retourner que je sens un coup percuter ma tête de plein fouet. Je sens la pièce danser autour de moi avant de m'effondrer au sol, avec pour dernier souvenir le sourire satisfait de Drake.

Lorsque j'ouvre les yeux, je suis d'abord envahie par un sentiment de sérénité absolue. Les notes de piano accompagnées de violon qui me parviennent des couloirs y sont sûrement pour quelque chose. Il y a bien longtemps que je n'ai pas eu d'aussi agréable réveil. Très longtemps. Je me redresse dans mon lit en étirant mes bras loin devant moi mais suis arrêtée par une douleur sourde derrière la tête. Je ne me souviens pas m'être couchée. Je ne me souviens même pas être montée dans ma chambre. A vrai dire, je ne me souviens pas de grand chose. Et cette musique... une valse? A... à quelle heure, d'ailleurs? Je cherche des yeux l'horloge en bois au dessus de ma porte et lorsque je la trouve enfin, je suis déstabilisée par la grande aiguille qui pointe huit heure. Je n'ai pas pu dormir une journée entière. Il doit nécessairement être huit heure du matin. Je n'ai pas dû rater grand chose. A cette heure-ci tout le monde doit déjà être en cours depuis un moment. Je me lève difficilement en ignorant mon mal de crâne et me défait de mon drap, lorsque je suis stoppée dans mon mouvement. Mes yeux s'arrêtent brusquement à mes pieds. Une longue robe qui scintille sous la lumière tamisée de la chambre est délicatement posée sur mon couvre-lit. Je sors de mon lit en prenant soin de ne pas froisser l'étoffe fragile de la robe et me lève pour mieux l'admirer. Honnêtement, elle est absolument sublime. De loin l'une des plus impressionnantes qu'il m'ait été donné de voir. Son corsage bustier aux motifs appliqués de dentelle argentée est prolongé d'une longue jupe de taffetas couleur bronze, recouvert d'un tulle aux broderies au fil d'argent. Je ne peux m'empêcher de soulever délicatement la robe et de l'ajuster devant moi. Elle est pile à ma taille et le drapé de la robe se termine en une magnifique traîne d'un somptueux vieux rose. L'arrière du corsage est rehaussé de volants qui couronnent le tissu en une splendide robe Marquise. Lorsque je la repose délicatement sur le bord de mon lit, un petit papier attire mon attention. Je le saisi pour le voir de plus près et découvre un petit mot écrit soigneusement à l'encre noir. 

Aux plus ravissantes créatures les plus belles parures. 

Réserve-moi une danse. 

La signature me laisse toute aussi perplexe que le contenu. S. Comme dans Shawn. Qui d'autre? Mais cela ne justifie en rien le mot. Ni la robe. Lui réserver une... danse. Sur le rythme d'une valse. Comme dans un bal. Durant lequel on porte une robe. Mais c'est impossible. Le bal ne devait avoir lieu que demain. A moins que... Mes souvenirs me frappent soudainement de plein fouet. Je me souviens brusquement de la partie de balle au prisonniers. Des balles qui doublaient de poids à chaque nouveaux coup de sifflet. Et de du sourire de Drake avant que le noir complet m'envahisse. Il m'a assommé par surprise. Mes yeux s'écarquillent lorsque je me rends compte que j'ai dormi quasiment deux jours complets. Il n'est pas huit heure du matin mais huit du soir. Et le bal a commencé depuis une heure et demi. L'ouvrage! J'étais censée rejoindre Shawn après l'épreuve physique pour planifier le vol de l'ouvrage. Merde. Je me précipite vers la porte de la chambre mais m'arrête subitement avant de tourner la poignée. Tant qu'à faire... Je reviens sur mes pas et me tiens face à mon lit. Je soulève la robe dans mes bras avec soin en tenant d'une main la paire de souliers assortis que je trouve près de mon lit avant de me diriger vers la salle de bain. Je rentre sans plus attendre sous la douche après avoir relevé mes cheveux sur ma tête pour ne pas les mouiller et laisse couler l'eau chaude sur ma peau. Quelques minutes plus tard je m'enveloppe dans une serviette posée sur une étagère et me frictionne le corps. Après avoir retiré la serviette et enfilé le fond de robe satiné j'entreprends de revêtir la robe. Contre toute attente, le tissu glisse parfaitement sur moi et je suis surprise par la douceur du tulle au contact de ma peau. Je remonte aisément la fermeture du corsage dans mon dos avant de me placer face à la glace. Le corsage près du corps découvre divinement mon cou et mes épaules, laissant ma peau briller sous l'éclairage de la salle de bain. Je défais mon chignon et regarde mes cheveux retomber sur mes épaules jusqu'au bas de mon dos. J'ajuste quelques mèches près de mon visage en prenant soin de recouvrir mon épaule gauche afin de cacher la cicatrice de ma première blessure à l'Elite Academy ,puis reste un moment à fixer mon reflet, immobile. Difficile de croire ce que je vois quand tout ce que j'ai porté depuis mes quatre ans se résume à des pantalons et des vestes assorties. J'aurais tellement aimé avoir l'avis d'Aiden aujourd'hui. Ou celui de ma mère. Est-ce qu'elle aurait pleuré en me voyant dans cette robe, comme le font les mères normales en voyant leur fille dans leur première robe de bal? Mes yeux se teintent doucement de gris clair, avant qu'une larme vienne perler au coin de ma paupière. Les notes de musiques qui raisonnent au loin me tire de mes pensées juste avant que la larme ne coule sur ma joue et je m'empresse de la faire disparaître du revers de la main en reprenant mes esprits. Je prends une grande inspiration en faisant retrouver à mes yeux un bleu pâle. Assez de larmes. Je détourne les yeux de la glace et enfile mes chaussures avant de sortir de la salle de bain. Nul besoin de connaître le chemin de la salle de bal. L'orchestre porte tellement qu'on peut aisément suivre les notes de musique jusqu'à destination. Je marche le long des couloirs sinueux qui semblent sans fin. Mes talons raisonnent plus fort à chaque pas et je ne peux m'empêcher d'appréhender les événements qui vont suivre. Premièrement, je n'ai jamais assisté à un bal. Je n'ai aucune idée de comment je dois agir, et pire encore, je ne sais pas danser. Aiden m'a tout appris, du maniement des armes à l'espionnage, mais aucun pas de danse n'a fait parti de son programme de survie. Après tout, quand on est poursuivi par des truands qui veulent nos yeux... je ne vois pas l'intérêt d'apprendre à danser. Mais avec un peu de chance, je suis sûre que je pourrais y échapper. Personne ne peut me forcer à danser. Même pas Shawn. Et puis, deuxièmement, le bal a commencé il y a maintenant plus d'une heure et demi et je ne sais absolument pas si Shawn est parvenu à voler l'ouvrage des fondateurs. On était censé procéder à deux mais le destin - qui semble avoir fait un pacte avec Drake- s'est dressé devant nous. J'espère sincèrement qu'il y est arrivé. Autrement je devrai attendre jusqu'à l'an prochain pour déchiffrer le code. Inutile de préciser que cette option est impensable. J'accélère le pas en soulevant les pans de mon jupon pour éviter une catastrophe comme je sais si bien les provoquer et continue de suivre la musique. Je marche depuis quelques minutes déjà et je peux en déduire que je ne suis plus très loin en me fiant au volume de la musique qui augmente à mesure que je m'en approche. Une petite boule se forme progressivement au niveau de mon ventre, m'empêchant de respirer profondément. Tous les regards vont probablement converger vers moi à l'instant même où je mettrai un pied dans la salle et je redeviendrait la nouvelle assez intrigante pour l'observer de loin mais trop bizarre pour s'en approcher. Et le fait que la totalité des élèves de toute l'Elite Academy seront présents joue bien évidemment un rôle important dans mon stress. Ce qui ne m'aide pas à contrôler ma respiration. Et encore moins le changement de couleur de mes yeux, qui deviennent bientôt noir de jais. En venant à bout des escaliers qui s'offrent à moi, l'orchestre est à son comble. Deux immenses portes de bois comme je n'en ai jamais vu auparavant me font face. Les arabesques gravées et les poignées d'or qui ornent le bois  dépassent de loin tout ce que l'Elite Academy a pu m'offrir à voir jusqu'ici. Ces portes sont tellement intimidantes que je n'ai plus du tout envie de les ouvrir tout d'un coup. Mais je ne peux pas non plus rester plantée là comme une idiote. Je prends donc une grande inspiration, et essaie de redonner à mes yeux le bleu le plus naturel possible tout en expirant. Il est temps de faire mon entrée. Et tant pis pour les regards. J'avance tout près des portes avant de poser une main sur chacune d'elle et les pousser. Lorsque je relève la tête, je suis bouche bée. Du sol en marbre au plafond orné d'arabesques la salle de bal est majestueuse. Les buffets s'étendent à perte de vue, et les rideaux semblent avoir été brodé au fil d'or. Aucun détail n'a été laissé au hasard, si bien que l'éclairage des lustres luxueux se marie parfaitement aux murs aux tapisseries anciennes. La salle est à couper le souffle, à un détail près. Elle est vide. Ni Mrs. Clinton, ni aucun élève, ni même l'orchestre s'y trouve. La pièce est absolument déserte. Pourtant la musique provient bien de là. La pièce est si grande que les notes de piano raisonnent deux fois plus fort que dans les couloirs. J'avance vers le centre toujours aussi choquée, lorsque la musique cesse soudainement. Mes bras se recouvrent immédiatement de chair de poule. L'atmosphère s'alourdit d'un coup et la température semble chuter de plusieurs degrés. Quelque chose ne va pas. L'école est trop silencieuse. A cette heure-ci, les élèves ne devraient pas être couchés. Encore moins le jour du bal. 

Regarde-moi.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant