Chapitre 6

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Il me prend le bras et je le vois accrocher à mon poignet un épais ruban doré avant de reprendre la parole, en hurlant cette fois-ci.

- Que la chasse commence!

Le professeur se retourne vers moi et appuie sur ce que je devine être un chronomètre.

- Tu as exactement 1 minute pour te cacher.

Je jette un coup d'œil vers Rachelle pour lui demander de l'aide et je remarque que tous les élèves s'étirent ou courent sur place, comme pour s'échauffer. Même Rachelle. Mes yeux noircissent. Je ne comprends pas ce qui se passe. Une chasse? Je sens que ça va mal finir...

- 50 secondes... 49. 48. 47.

Bon, en temps normal, j'aurai réclamé des explications, mais au risque de me répéter, je suis tout sauf suicidaire. Je jette un dernier regard vers Rachelle qui me regarde avec... pitié? C'est bien ce que je pensais, ça va mal finir.
Je prends une grande inspiration, et tourne le dos aux élèves. 1. 2. 3.
Je cours de toutes mes forces afin de m'éloigner le plus possible de ces psychopathes. Sérieusement, qu'est ce que c'est que cette école? Depuis quand la chasse à l'homme fait partie du programme de sport des internats? En plus de ça je ne peux même pas me cacher, il n'y a que des arbres à perte de vue. Même pas un petit buisson. Heureusement que le soleil n'est pas encore levé. Au moins ils auront du mal à se repérer.

Alors que je cherche vainement une cachette pour éviter de précipiter ma mort, un bruit de sifflet retenti. Ils arrivent. Ne voyant pas d'autres issues, je décide de grimper sur un arbre, mais je suis vite découragée. Ces arbres sont immenses! Bon, je crois que je n'ai pas d'autre choix que de courir.
J'essaie de maintenir un rythme régulier pour garder des forces au cas où je rencontrerai quelqu'un en chemin. Le seul problème, c'est que je n'ai aucune idée d'où je vais. Et la noirceur de la nuit ne m'aide pas non plus.
Je m'arrête un instant le temps de ralentir les battements de mon coeur. Ça doit faire plus d'une demi heure que je suis partie, quand j'entends une branche craquer derrière moi. Je me retourne immédiatement pour faire face à l'origine du bruit et tombe nez à nez avec un petit blondinet. Il doit faire une tête de moins que moi, et je dois avouer qu'il est mignon. Enfin, c'est ce que je pensais, jusqu'à qu'il sorte deux dagues de derrière son dos. Stop. Personne ne m'a prévenue qu'il y aurait des armes. Ça change tout!
Le garçon se tient maintenant les genoux fléchis, un sourire carnassier sur les lèvres, tel un fauve qui se prépare à attaquer sa proie. Le seul problème, c'est que la proie, c'est moi.
Les battements de mon coeur s'accélèrent tandis que je le vois s'avancer lentement vers moi.
Soudain je me souviens du couteau dans ma chaussure et je me félicite intérieurement pour ne pas avoir mis les baskets que Rachelle m'avait donné avec la tenue.
Je me baisse et tire l'arme blanche de ma botte sans quitter le garçon des yeux. Lorsqu'il comprend ce que je suis entrain de faire, il se lance sur moi à une vitesse presque inhumaine. Je m'acroupi instinctivement et lui assène un coup de pied au tibia. Il perd l'équilibre et tombe à la renverse, ce qui me laisse le temps de m'éloigner de quelques mètres.
En une fraction de seconde il est à nouveau sur ses pieds, et prêt à charger. Vu son regard meurtrier, le coup de la balayette ne lui a pas plu. Il fonce une nouvelle fois sur moi, toute dague sortie. Il lance un bras en avant mais je contre son attaque avec mon couteau. Nos lames s'entrechoquent dans un affreux bruit métallique. Soudain, je sens une douleur lancinante me vriller l'épaule gauche, et c'est à ce moment que je me souviens qu'il n'avait pas une mais deux dagues. Il me sourit d'un air triomphant et baisse les yeux sur mon poignet. Il perd instantanément son sourire et fixe un point derrière moi. J'appuie sur ma blessure pour éviter une hémorragie et me retourne. Rachelle se tient devant nous, essoufflée, mon ruban doré à la main.

- Il fallait que j'arrête ce massacre, dit-elle en pointant mon épaule blessée.

J'entends le garçon jurer dans sa barbe puis disparaître aussi vite qu'il n'est apparu. Un poids s'enlève  de ma poitrine et je tombe à genoux. Je vois Rachelle s'approcher de moi mais je l'arrête.

- Non... je ne te parlerai plus tant que tu ne m'explique pas ce qui vient de se passer.

Elle s'accroupi à son tour pour être à ma hauteur et cherche mon regard.

- Écoute, commence-t-elle d'un air hésitant, je... je te dirai tout ce que tu veux savoir, mais avant il faut qu'on t'emmène à l'infirmerie. Tu pourrais avoir une infection. 

Je n'ai pas la force de lui tenir tête alors je me contente de me relever et de la suivre. Aucune de nous ne parle. Je cherche toujours des explications à ce qui vient de se passer mais je n'en trouve aucune plausible. Et surtout, existe-t-il un lien entre cette école et Aiden?

Après quelques minutes de marche, nous arrivons au lieu de départ, où le professeur et quelques autres élèves nous attendent. Rachelle me laisse, le temps de rendre le ruban doré au professeur qui la félicite et souffle dans son sifflet pour annoncer la fin de la séance. Les élèves arrivent petit à petit, par groupes de deux ou trois, et posent leurs armes au sol. Lorsque je vois les sabres, les fouets, les arcs ou encore les faux tomber à terre, un frisson me parcourt l'échine. Et dire que j'aurai pu tomber sur n'importe lequel d'entre eux. Ça me donne presque envie d'aller embrasser le petit blond de tout à l'heure. Je dis bien, presque. Ma douleur fulgurante à l'épaule est bien la preuve qu'il n'est pas aussi innofencif qu'il ne laisse paraître.
Alors que je continue d'observer les élèves qui reviennent, je remarque une grande fille qui dépose son arbalète au sol avant de se retourner vers moi. Elle dégage un charisme et une élégance jamais vus. Même après avoir couru pendant une demi-heure ou plus, ses cheveux auburn tombent dans son dos en une parfaite cascade de boucles. Mon petit doigts me dit que c'est la fameuse Morgane dont Rachelle m'a parlé. Si c'est le cas, elle n'as absolument rien à m'envier. Mes cheveux blonds, bien que très longs ne rivalisent pas avec sa coiffure de star, et mon mètre 62 n'arrive pas non plus à la cheville de son mètre 80.
Lorsque son regard croise le mien, elle me regarde de haut en bas, avant de me tourner le dos et de se diriger vers le professeur en se déhanchant. Je n'ai jamais vu un regard aussi chargé de mépris. Ou plutôt de haine, je ne sais pas.
Quelques secondes plus tard je suis tirée de mes pensées par la voix de Rachelle qui m'interpelle.

- Elynda!

Je vais dans sa direction et elle me prend par le bras.

- Le professeur m'autorise à t'accompagner à l'infirmerie, m'annonce-t-elle en me secouant.

Je grimace de douleur, et se rendant compte qu'elle appuie sur mon épaule elle me relâche en bafouillant des excuses.
De retour à l'intérieur du bâtiment, je suis Rachelle à travers les couloirs jusqu'à ce qu'elle s'arrête devant une grande porte en bois, avec Chambre de guérison gravé dessus. Je me retiens de rire. Une chambre de guérison, sérieusement?
Rachelle tape une fois sur la porte avant que celle-ci s'ouvre. Seule, bien évidemment. J'aurais du m'y attendre.
Je mets un pied à l'intérieur et reste bloquée à l'entrée. Cette pièce n'a absolument rien d'une infirmerie. Je comprends tout de suite mieux le concept de "chambre de guérison". La salle est tellement grande que je n'en vois pas le fond. Des centaines de lits sont alignés de part et d'autre de la pièce. Et je tiens à préciser que la moitié sont pleins.
Rachelle me donne un coup de coude pour m'indiquer une vieille dame vêtue de blanc qui s'avance vers nous. Elle ne cille même pas en voyant le sang sur mon débardeur. Elle se contente d'observer ma blessure et me pointe un lit. J'imagine que je dois m'y installer. Je continue d'appuyer sur ma blessure tout en marchant. Une fois assise, la dame revient vers moi avec une aiguille, du file, et une seringue. Elle me prend le bras sans ménagement et me pique. Quelques minutes plus tard, le temps que l'anesthésie fasse effet j'imagine elle commence à me recoudre. Elle fait ça tellement rapidement que l'on croirait qu'elle le fait du matin au soir. Et c'est probablement le cas. Lorsqu'elle a terminé, elle s'éloigne quelques minutes et revient les mains propres.

- Je dois vous faire passer un examen. Enlevez vos lunettes, me dit-elle d'un ton monotone.

Oh mon dieu. Ça y est. Elle va découvrir le changement de couleur de mes yeux et vu le nombre d'élèves qui occupent la chambre de guérison, la rumeur aura fait le tour de l'école d'ici la fin de la journée.
Alors que je réfléchis à un moyen d'échapper à la situation, une voix métallique (la même qu'à mon arrivée) me tire de mes pensées.

- Mademoiselle Elynda Lein, vous êtes attendue au bureau de la directrice immédiatement. Merci.

En une fraction de seconde je suis sur pieds et me dirige vers la sortie en entrainant Rachelle avec moi. Je suis sûre que personne n'a jamais été aussi heureux que moi d'être convoqué au bureau du directeur.

Regarde-moi.Where stories live. Discover now