La Taverne de l'Ogre - Tome 1

Chapitre 23

Frank faisait les cent pas dans son salon. Il aurait dû l'arrêter, mais tout s'était passé tellement vite.

En même temps, quelle mouche l'avait piqué ? Pourquoi l'avait-il exposé fièrement sur un présentoir ? En soi, ça n'aurait pas été un problème s'il n'avait pas été chargé. Comme un imbécile, il avait laissé quelques balles dans le chargeur. Et maintenant, comment parviendrait-il à expliquer la situation à la police ? Frank se voyait déjà face aux policiers : « Bonsoir Messieurs, désolé de vous avoir appelés, mais une folle furieuse est venue frapper à ma porte pour me dire que mon voisin était un psychopathe. Voyant que je ne la croyais pas, elle s'est emparée du pistolet de mon grand-père que j'exposai fièrement sur ce présentoir. Bien évidemment, je n'avais pas pris la peine de vider le chargeur... Du coup, une psychopathe se balade maintenant avec un pistolet chargé et elle a dans sa ligne de mire mon pauvre voisin. »

L'homme réfléchit quelques instants. Il ne pouvait décemment pas donner cette version des faits à la police, il se ferait arrêter aussi sec pour la détention d'une arme non déclarée et chargée de surcroit. De plus, il était dans un tel état de stress que la police pourrait croire qu'il était fou ou qu'il était saoul.

Ses mains tremblèrent. Il les secoua dans le vide pour essayer de se calmer sans résultat. Il se mit alors à tourner en rond, attirant l'attention d'une masse dorée. La chienne releva la truffe, attentive au comportement de son maître. Le labrador observa l'humain qui lui faisait face. Sa queue remua dans le fauteuil, signe qu'elle trouvait ce petit jeu très amusant. Nala descendit du canapé pour se faufiler entre les jambes de son maître. Ce dernier trop préoccupé par ses problèmes ne prêta aucune attention au chien qui le lui fit comprendre. La grosse boule de poils tira sur le pantalon de l'homme pour l'inviter à jouer avec elle. Le regard qu'il lui jeta eut pour effet de refroidir ses ardeurs.

— Pas maintenant Nala, dit-il fermement.

Nala émit un jappement triste et lâcha son pantalon. La tête baissée, elle rejoignit son fauteuil. Elle posa sa triste tête sur ses pattes, observant toujours de loin son maître. Il avait beau lui avoir dit non une fois, Nala avait toujours l'espoir qu'il change d'avis.

Habituellement, Frank serait revenu vers elle pour lui faire des papouilles, mais pas cette fois. Il était tellement inquiet, qu'il avait besoin de rester seul avec ses pensées.

La police l'avait prévenu qu'elle serait là d'ici une dizaine de minutes. Il avait été tellement brouillon dans ses explications que l'homme qu'il avait eu au téléphone l'avait fait répéter plusieurs fois. Après cinq essais, le policier découragé lui avait envoyé des renforts. Les trois informations qu'il avait retenues étaient qu'une arme à feu avait été dérobée, qu'un voisin était en danger et qu'une jeune fille était en fuite.

Depuis que Frank avait raccroché, il s'était cloîtré dans son salon, attendant de voir apparaître à sa fenêtre des lumières bleues.

Nala qui s'était terrée dans le divan releva à nouveau le museau. Elle huma l'air sous le regard inquisiteur de Frank, qui s'était retourné vers elle pour la première fois en cinq minutes.

Le labrador se leva rapidement, remontant ses babines. Elle grogna en direction de la porte. Quelques secondes s'écoulèrent, puis des coups secs retentirent à l'entrée. Frank, d'abord méfiant, jeta un œil discrètement par la fenêtre. Il identifia rapidement une lumière bleu intense ainsi qu'une voiture de police.

Rassuré, il s'éloigna de la fenêtre et se rendit compte qu'il était en apnée depuis tout à l'heure. Il inspira une grande goulée d'air avant de franchir les quelques mètres qui le séparaient du hall, Nala marchant sur ses talons.