Chapitre 26

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L'Ogre sourit. Il prit une grande inspiration et des effluves métalliques titillèrent ses sens. Il soupira d'aise, pris sous le feu de ces sensations qui lui avaient atrocement manqué. Il s'enivrait de cette liberté retrouvée.

Ses yeux se posèrent sur la chair encore légèrement tiède qu'il tenait entre ses mains. Sa bouche s'emplit de salive. Il n'avait qu'une envie : ne faire qu'une bouchée de ce mets délicat qu'il avait entre ses doigts.

Pourtant, il n'en fit rien. D'un geste désinvolte, il lança la trachée qui rebondit sur le cadavre du médecin avant d'atterrir sur le tapis aux motifs persans.

Il porta sa main couleur vermeille à ses lèvres. Du bout des doigts, il caressa délicatement ses lèvres avant que sa langue ne récupère le précieux nectar.

Son corps frissonna lorsque ses papilles reconnurent le goût métallique du sang. L'Ogre ferma les yeux pour savourer cet instant. Il n'en aurait certainement plus jamais dans sa vie et il comptait bien en profiter.

Son regard se redressa sur l'horloge murale. Il lui restait pas moins de vingt minutes. C'était peu, mais tout de même suffisant pour ce qu'il avait en tête.

L'Ogre prit appui sur ses mains pour se soulever du fauteuil. Il grimaça. Malgré son esprit jeune, leur corps avait pris de l'âge et il devrait faire avec. Cette réalité l'agaçait. Si seulement il pouvait changer ce corps pour un autre plus vigoureux. Tout serait tellement plus simple.

Ici, le moindre de ses gestes le faisait souffrir. Toutes ses articulations craquaient douloureusement et son souffle lui manquait rapidement.

L'Ogre observa le corps du psychiatre, songeur. Vingt ans plus tôt, il l'aurait déplacé jusqu'au bureau pour le déguster, mais là ce n'était pas possible. Il n'aimait pas ça, mais il avait bien l'impression que le repas se passerait à même le sol.

L'entité laissa son regard se balader sur la pièce, il avait besoin d'ustensile avant toute chose. Comme il n'était pas sûr qu'une fois assis, il pourrait se relever à cause de son arthrite, l'Ogre avait besoin de tout récupérer avant de s'installer.

Il énuméra une liste mentale de ce dont il avait besoin, avant de se déplacer douloureusement vers le bureau. Là, il repéra aisément un coupe-papier, ainsi qu'une paire de ciseaux.

L'Ogre ne put s'empêcher de ricaner. Pour un psychiatre exerçant dans un hôpital pour des prisonniers dangereux, il n'était pas très prudent. En même temps, l'Ogre n'avait pas eu besoin de ça pour le neutraliser.

Il fut aussi étonné que des infirmiers n'aient pas débarqué dans le bureau. Habituellement, les caméras étaient allumées lors des rendez-vous avec des patients tels que lui. Plus il y réfléchissait et plus il se disait que le médecin avait dû faire le ménage derrière lui. Il l'avait convoqué expressément, car il souhaitait parler à l'Ogre. De son avis, Éric avait dû modifier les enregistrements des caméras pour le contacter, car ce type de discussion n'avait pas été autorisé par sa hiérarchie. Finalement, en voulant satisfaire sa curiosité et son obsession, Éric avait offert à l'Ogre une chance unique. Il ne s'en plaindrait pas.

L'Ogre attrapa les ustensiles ainsi qu'une bouteille d'eau qui traînait sur le bureau. Il se dirigea, le pas traînant, jusqu'au cadavre. Il aurait aimé se mouvoir plus rapidement, mais leur vieux corps l'empêchait d'agir à sa guise.

Le vieil homme se rassit sur le fauteuil et déposa son butin aux côtés du corps qui avait légèrement tiédi. D'un geste mal assuré, l'Ogre se laissa glisser à son tour sur la moquette. Il se pencha ensuite en avant et se saisit du bras du cadavre qu'il tira vers lui de toutes ses forces. Cependant, le corps demeura immobile.

La Taverne de l'Ogre - Tome 1Hikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin