- 27 -

18 12 1
                                    


     Les frondes de la fougère se balancent au rythme du léger courant d'air qui circule à travers la fenêtre entrouverte. Je me laisse aller dans le divan si confortable du Dr. Hall, jambes croisées.

      - Si je résume bien, vous vous êtes enfin confiée à votre petit ami. C'est un merveilleux pas en avant, nous progressons enfin. Vous pouvez être fière de vous !

     Je ne suis pas certaine que le mot « fierté » soit le plus approprié. C'est plutôt le soulagement qui m'anime, doublé d'une culpabilité évidente à l'idée d'avoir pu blesser Connor.

     - En revanche, ce qui m'inquiète le plus, c'est la dimension que prennent vos rêves. Ils semblent vouloir vous apprendre quelque chose, et ce n'est pas la première fois que vous faites des rêves récurrents.

     - C'est vrai, mais les rêves que je faisais il y a quelques années étaient toujours les mêmes, contrairement à ceux que je fais actuellement, dis-je à travers mes dents serrées. Ils évoluent. Ils changent. Ils progressent comme le fil d'une histoire qui se déroule sous mes yeux. L'environnement reste le même, mais je vis les rêves comme si je les reprenais exactement là où je m'étais arrêtée pour poursuivre la suite d'une histoire.

      - Je vois... Cela n'a dans le fond que peu d'importance. Ce que nous devons comprendre, c'est la capacité de votre inconscient à vous confronter régulièrement à une situation de stress.

     - Mais je ne me sens pas stressée...

     - Entendons-nous. Quand je vous parle de stress, je parle en réalité de la faculté de votre esprit à persévérer dans une voie qui pourrait rapidement devenir anxiogène, sans pour autant réussir à s'en extraire. C'est un petit peu comme si vous vous étiez brûlée en posant la main dans un four bouillant, que cela vous amuse et que vous vous obstiniez encore et encore à vous brûler à nouveau, dans l'unique but de vérifier si vous êtes capable de soutenir la douleur un peu plus longtemps ou de vous y enfoncer un peu plus.

     Je ne peux m'empêcher d'étouffer un petit rire.

     - Vous êtes en train de dire que mon inconscient est quelque peu masochiste ?

     Il griffonne quelques mots sur sa feuille.

     - On peut dire ça comme ça, en effet. Non seulement cet univers onirique occupe tout votre esprit, mais en plus je vous sens comme investie d'une mission lorsque vous me parlez des aventures que vous y vivez.

     J'essaie de ne pas intervenir et le laisse terminer l'une de ses nombreuses tirades analytiques. Mes ongles effectuent nerveusement des va-et-vient réguliers sur le cuir de l'accoudoir.

     - Si nous revenions un peu à votre enfance. Racontez-moi donc ce rêve dont vous m'avez tant parlé, lors d'une séance précédente, et qui vous terrorisait lorsque vous étiez plus jeune.

     Si je veux pouvoir progresser, je suis dans l'obligation d'accepter sa démarche, aussi intrusive soit-elle. Mais aujourd'hui, je ne suis pas en phase avec la thérapie. Contrairement aux séances précédentes, le Dr. Hall semble avoir envie de me déstabiliser un peu plus en décortiquant mon esprit, morceau après morceau.

     - Lequel ? Celui dans lequel j'étais effrayée par des masques ?

     J'ai parlé un peu plus sèchement que je ne le voulais.

     - Non. Je pensais plutôt à celui qui avait pour thématique une sorte de forme diabolique qui vous attirait à elle.

     Je comprends que son objectif est de me faire prendre conscience de certains faits à travers l'analyse de situation, mais pourquoi faut-il toujours qu'il me force à lui reparler de ce dont on a déjà discuté ?

Dimension: Tome 1 - Les portails de l'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant