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     Ils me l'ont tous dit... Matt. L'Ancienne. Shaw... La dominante permet bien de s'extraire du rêve. J'ignore combien de fois je me la suis répétée en boucle avant de réussir à me réveiller, mais cela a été plus facile que lors de la séance d'hypnose.

     Me rappelant de l'ancre qui m'a aidée à me concentrer, je porte ma main à mon cou. La paume de ma main ne rencontre que la peau et la sensation de vide à l'endroit précis où le médaillon se tenait. Logique. Cet objet n'existe pas dans la réalité.

     Mais lorsque j'abaisse ma main pour la regarder, je gémis. Le cœur de ma paume est rougi, marqué de sillons écarlates par endroits, ce qui laisse penser qu'un peu plus tôt, ma main a dû serrer un objet de toutes ses forces. Mon corps tout entier se met à trembler. Je cherche du regard un objet que j'aurais pu tenir dans la main pendant mon sommeil, mais je ne vois rien. Seuls mes ongles pourraient avoir laissé de telles marques. Peut-être est-ce le cas...

     - Est-ce que tout va bien ? s'inquiète Connor.

     Je consulte mon réveil. Il est un peu plus de trois heures. À mon grand étonnement, Connor s'est réveillé plus tôt que prévu. Il s'attèle à réunir les derniers éléments essentiels à mettre dans la valise avant notre départ pour San Francisco.

     - Tout va bien. Laisse-moi juste le temps d'écrire et je te raconte tout, promis.

     - Prends ton temps, répond-il en m'embrassant. Je vais aller réveiller Ethan et à mon retour je prendrai une douche.

     Il fait quelques pas, mais avant de franchir la porte, il marque une hésitation et se tourne vers moi, le regard brillant.

     - N'oublie pas que je suis là, si tu souhaites me parler...

     Je ne trouve pas les mots pour le remercier. Pour toute réponse, je lui souris en hochant la tête et je le laisse s'en aller. 

     Avant de me mettre au travail, je prends quelques instants pour observer mon carnet. À chaque fois que je regarde cette arabesque danser sur la couverture feutrée, je ne peux m'empêcher de me sentir coupable. Il est bien loin, le temps où je l'associais à l'amour de mes parents ou à la mort de mon père. Maintenant je ne vois plus rien d'autre que moi, tiraillée entre Matt d'une part et Connor de l'autre...

     Le bruit d'une poignée de porte m'extrait de mes pensées. Connor me lance un clin d'œil et file dans la salle de bains.

     Je couche enfin les dernières lignes de mon rêve sur le papier quand l'eau s'arrête de couler. Connor vient s'asseoir au bord du lit avec pour seul vêtement une serviette enroulée autour de la taille.

     Quand je termine de lui relater mon récit, il ne peut qu'appuyer ma théorie selon laquelle le deuil est symbolisé par le passage. Doux, comme semble l'être la main de l'Aura qui se pose sur une épaule. Brutal, comme l'homme qui a voltigé à travers le décor avant d'être propulsé dans le portail.

     - Malgré tout ce que tu peux penser, tu es loin d'être cinglée, Abby. Ne crois jamais un traitre mot de ce que le Dr. Hall a pu te dire. Je crois simplement que ton corps essaie de surmonter le deuil à sa manière.

     - Et s'il n'avait pas totalement tort ?

     - Comment ça ?

     - Rien n'explique la marque dans ma main. Si ça se trouve, je me suis blessée en dormant. Et si je suis capable de faire ça dans mon sommeil, imagine ce qu'il se passerait si je rêvais que je me tuais.

Dimension: Tome 1 - Les portails de l'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant