3. Retrouvailles

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— Dis papa, on arrive quand au magasin de bonbons ?

— Quand tu arrêteras de demander. Tais-toi et marche.

Froissant les feuilles au sol, un homme marchait dans les rues de Klervis, tenant une petite fille par la main. Il remit ses lunettes sur son nez et lissa de ses mains sa chemise blanche bloquée dans un pantalon bordeaux, puis épousseta la chevelure mordorée pleine de feuilles de l'enfant. Elle ronchonna un peu de la brusquerie de son geste mais ne s'en offusqua pas trop, habituée au manque de douceur, et craignant qu'il refuse de l'emmener au marché si elle en faisait trop des siennes. Courant presque pour tenir le rythme que donnaient les grandes enjambées de son père qui la tirait plus qu'il ne lui tenait la main, elle pensait déjà aux sucreries qui l'attendaient sur la grande place.

En regardant les passants, elle enviait les nourrissons qui dormaient dans les bras de leur maman, les bambins qui riaient avec elles et les plus vieux qui accompagnaient leur mère au marché. Elle les détaillait tous, étudiait leurs comportements et les reproduisait dans ses rêves, là où elle était libre de tout.

Elle jeta un œil à son père qui lui tenait toujours la main fermement. Elle rencontra son regard bleu et sérieux à travers les vitres de ses lunettes et pointa du doigt une feuille dans sa chevelure bistrée qu'il enleva rapidement, se plaignant de la saison des arbres morts.

Elle continua l'observation de son entourage, découvrant pour la première fois les rues de Klervis. Elle s'étonnait des formes fantaisistes des maisons et de leurs couleurs neutres qui – bien que peu amusantes – étaient agréables aux yeux. Elle détaillait les boutiques et en trouva une plus qu'intéressante, se détachant nettement de la simplicité des rues. Sur un vieil écriteau était inscrit maladroitement "le bazar de Zade", et la vitrine offrait à ses yeux toute sorte d'amusement par sa diversité. Son père, suivant le regard de sa fille, aperçut la boutique à son tour, et la reconnaissant, accéléra le pas, tirant la fillette davantage, ce qui lui fit dévier le regard.

— Aelia arrête de rêvasser, regarde devant toi et marche.

La fillette accéléra le pas, ses petites bottes de cuir frappant frénétiquement les pavés, faisant onduler sa robe marron. Alors qu'elle regardait l'air étrange de son père qui avait légèrement rougi, une dispute retentit au loin, suivie de cris, ce qui eut pour effet de distraire l'enfant, qui ralentit pour regarder derrière elle.

— Rha mais qu'est-ce que je t'ai dit...

Suivant le regard de l'enfant, le père distingua devant une boutique un homme en costume partir en courant, habile comme un félin, suivi de deux femmes.

— Zéas ?

Craignant que ses soupçons soient les bons, il reculait à mesure que l'homme s'approchait, lâchant la main de sa fille. Une fois assez proche pour le distinguer nettement, l'identité de l'homme ne fit plus aucun doute et il se lança à son encontre.

— Putain mais Zade qu'est-ce que t'as foutu ! s'énerva-t-il en mettant l'enfant sur son dos.

Se plaçant devant Zéas qui arrivait en courant, le sorcier leva ses deux mains au ciel et la terre trembla légèrement.

— Hey, Lay ! lança Zéas en s'arrêtant net, inquiet des intentions du sorcier. Comment ça va depuis...

Un énorme filet bleu s'abattit sur lui avant qu'il n'ait pu finir sa phrase, et il se retrouva prisonnier, arrêté dans sa fuite. Bientôt, Zade et Colombe arrivèrent, et les deux sorciers s'observèrent un moment, sans rien dire. Mais le brun se reprit, criant presque à l'intention de la vendeuse :

— Nan mais ça va pas ! T'étais sensée t'en occuper ! Tu m'avais dit que tu l'avais "sous contrôle" !

Gardant son flegme habituel, la vendeuse répondit d'un air détaché, pointant Colombe du doigt :

— C'est sur elle que tu devrais crier, c'est elle qui l'a laissé sortir.

Le regard bleu se posa sur l'humaine, mal à l'aise et perdue par l'enchaînement de la situation. Ouvrant la bouche, prête à s'excuser, l'homme lui fit signe de se taire et reporta son attention sur Zade :

— Elle est un peu jeune non ?

Les joues roses, la rousse répliqua :

— C'est pas du tout ce que tu penses ! Regarde la date idiot, ça fait dix ans ! ajouta-t-elle en baissant la voix, par peur de se faire entendre par les rares passants.

Trop perdue par cette conversation et sachant que ce n'était pas le moment de poser des questions, Colombe reporta son attention sur le chat — ou plutôt l'homme maintenant, qui se débattait vainement pour sortir du filet, de temps à autre piqué par une petite décharge électrique que Lay lançait négligemment d'un signe de la main. La dispute entre les deux sorciers continuait, et l'humaine croisa le regard du félin. Elle ressentit la même chose que devant la porte, et son cœur s'emballa à la vue du sourire triste qu'il lui lançait.

— On s'éloigne du sujet Zade. On fait quoi de lui maintenant ? demanda le sorcier en pointant du doigt l'homme-chat.

— Je le ramène à la boutique j'imagine.

— Non, tu n'as pas su t'en occuper. Non mais tu l'avais vraiment transformé en chat ? C'était ça la "solution parfaite" dont tu m'avais parlée ?

— Papa... je me sens pas très bien.

Toujours sur le dos du brun, l'enfant s'affaissait de plus en plus, fermant peu à peu les yeux.

— Pas maintenant.

— Heu Lay... C'est toi qui fais trembler le sol ? demanda la rousse, ressentant les vibrations. Parce que si oui ce serait bien d'arrêter...

Le sorcier se retourna brusquement, et voyant sa fille maintenant inconsciente, la posa à terre.

— Aelia ? Aelia !

Des spasmes s'emparèrent de la blonde, et la terre tremblait maintenant suffisamment pour que tout le monde dans la rue le sente. Les rares passants, auparavant intrigués par la scène peu courante, fuyaient désormais le séisme.

— Lay on peut t'aider ?

Les spasmes étaient devenus des convulsions et la terre se fendit, séparant la rue en deux. La fissure s'étendit, créant une brèche dans le filet bleu. Zéas profita de la situation et s'échappa, lançant au passage un clin d'œil à l'humaine. Figée, le regard fixé sur le félin qui s'enfuyait, Colombe ne vit pas une fissure se répandre dangereusement près d'elle. Zade l'attrapa par le bras de justesse, et l'humaine revint à elle. La sorcière les mena auprès du sorcier et de l'enfant, qui était toujours inconsciente. Elles s'agenouillèrent, bien que ne sachant pas réellement quoi faire et Zade tenta de maintenir l'enfant en place, prenant le relai de Lay, afin de minimiser les tremblements de la fillette. Cette prise en main permit au père de reprendre ses esprits, et il entreprit la réparation de la rue, rassemblant à l'aide de sa magie les brèches qui s'étaient formées.

— Ça lui arrive souvent, expliqua-t-il pour combler le silence. Il n'y a rien à faire, juste attendre que ça passe. Vu l'ampleur de cette crise-là, je dirais une quinzaine de minutes...

Mais les tremblements s'arrêtèrent aussitôt et la terre se rassembla d'elle-même. Le sorcier se retourna lentement, incrédule, et aperçut au sol l'humaine qui tenait la main de la jeune fille, arrêtant ainsi sa crise.

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Et voilà deux nouveaux personnages, qu'est-ce vous en pensez ?

J'ai un peu de peine à voir quand l'histoire est trop brouillon pour les lecteurs, étant donné que moi j'ai toutes les infos par rapport aux personnages et leur relation (hehe), beaucoup de choses seront expliquées / rementionnées plus tard, mais jusqu'ici ça va niveau compréhension ?

À dans cinq jours pour le prochain chapitre ;)

En Attendant l'Éclipse de LunesWhere stories live. Discover now