9. Grand amour

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Le poignet toujours endolori, Lay s'était réfugié derrière une maisonnette de la rue, il voulait traquer Zéas et son nouveau compagnon. Faisant abstraction de la douleur qui remontait jusque dans son coude, il utilisa sa main droite pour soigner l'autre, les dents serrées pour éviter tout gémissement qui pourrait alerter ses deux opposants. Il regarda le doux filet bleu entourer son poignet, s'y infiltrant pour souder les os. Sa profession de médecin lui permettait d'exécuter ce sort sans trop de difficultés, bien qu'il fût plus douloureux que ce qu'il imaginait en guérissant ses patients. À cause des arrêts faits pour soulager sa douleur, la guérison prit une dizaine de minutes, durant lesquelles il ne lâcha pas des yeux Zéas et Tox, qui étaient restés à se plaindre au même endroit où il les avait laissés. Le sort finalement accompli, il massa son avant-bras, encore fragile. Pas de magie pendant trois jours, se conseilla-t-il, il devrait se contenter de sorts qu'il pouvait jeter avec une seule de ses mains, ce qui réduisait nettement ses options.

Au loin, il vit les deux complices se décider à partir à la recherche d'un bar. Lay était trop éloigné pour entendre leur conversation, si on pouvait la qualifier comme telle, car le félin semblait être le seul à pester tout en massant sa pommette bleuie, alors que l'ogre l'observait sans dire un mot. Le sorcier s'attela à les suivre à distance, le plus discrètement possible, et leur chemin se finit dans un bistrot. Il se refusa à entrer, il se ferait rapidement repéré, mais regretta quand même de ne pas pouvoir entendre leur discussion afin de connaître leur plan.

— M'sieur a b'soin d'une oreille ?

Le sorcier se retourna, faisant désormais face à une jeune femme à la chevelure brune et emmêlée. De son apparence négligée se distinguait  une ceinture remplie de fioles colorées, qu'elle faisait tinter en baladant ses ongles abîmés dessus. Elle en sortit une avant de reprendre :

— J'vous ai vu les suivre, pour cent cinquante Klerr j'vous donne cette potion, ça vous f'ra d'entendre c'qu'ils disent.

Lay la toisa, sceptique. Allait-il vraiment acheter une potion à une vendeuse de rue ?

— Cent Klerr, pas plus.

— Cent Klerr et vot' boucle d'oreille, elle me plaît bien.

Dissimulant un sourire sur son visage, l'homme accepta. Il sortit de sa sacoche de quoi payer et tendit les billets à la brune qui les recompta soigneusement. Pendant ce temps, il retira la boucle dorée qui pendait à son oreille gauche puis la déposa dans la main de la vendeuse.

— Trop bien ! s'exclame-t-elle après l'avoir mise en se regardant dans le reflet d'une vitrine. Tenez, buvez tout et tendez l'oreille !

Elle déposa sur la paume du sorcier une fiole pleine d'un liquide jaune puis repartit, contente de son affaire. En un claquement de doigt du sorcier, le bijou se téléporta de l'oreille de la vendeuse à la sienne, retrouvant sa place originelle. Jamais il n'aurait accepté de s'en défaire, et sûrement pas pour une potion. Une fois son bien récupéré, il retira le bouchon et mit la fiole à ses lèvres pour en avaler le contenu, priant pour ne pas s'être fait arnaquer.

Alors que le goût âpre quittait peu à peu son palais, son entourage sembla de plus en plus bruyant et avec un peu de concentration, la voix de Zéas se détacha des autres.

— Quelle brute, qui aurait cru qu'un homme si mince pouvait frapper si fort, se plaignait-il.

Un sourire se dessina sur le visage du brun, la potion marchait et Zéas semblait avoir oublié sa puissance, ce qui pouvait jouer en son avantage.

— Et toi, t'aurais pas pu faire quelque chose pour l'en empêcher ?

L'ogre grogna à la suite de ce reproche, sûrement injustifié à son goût.

En Attendant l'Éclipse de LunesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant