Le Harem de Sar Ka Ha

• • Le Traumatisme du Corps

Sortir du noir, sortir de la nuit, sortir de la mort.
Nejanne surgissait des nuages les plus épais, et des abysses les plus obscurs.

Ses paupières s'ouvrirent faiblement et elle reconnu le plafond des appartements au dessus du lit.
Elle voulu se redresser mais la douleur dans son ventre l'en empêcha et lui fit pousser un gémissement atroce. Elle reposa faiblement sa tête dans l'oreiller, ses mains sur son ventre. Toujours gonflé, il était désormais mou. Elle n'était plus enceinte. Que s'était-il passé ? Ses souvenirs étaient flous, mais la douleur elle était toujours bien vive.
Elle avait soif aussi.
Elle tourna faiblement la tête sur le côté, et là elle le vit
Sar Ka Ha était assis sur une chaise à plusieurs mètres du lit. Il avait le menton posé sur ses mains jointes et observait la jeune femme. Nej se crispa de tous ses muscles. Elle resta muette, et attendait. Elle ne savait pas quoi, mais elle attendait que quelque chose se produise.

Finalement, il ouvrit la bouche et dit d'une voix claire et neutre.

-L'enfant est mort.

Le coeur de Nejanne se serra. Non pas tristesse de cette nouvelle, mais par terreur à l'idée qu'il la tenait responsable de cette affaire, et qu'il puisse vouloir se venger sur elle, ou pire: sur Solveig.

Elle trouva finalement le courage de demander dans un soupire étranglé:

-Co... comment?

Pour la première fois depuis le réveil de l'esclave, il détourna ses yeux d'elle. Il se leva et alla se servir un verre de vin. Il le bu d'une traite et finit par répondre, dos à elle:

-J'ai du faire un choix. J'ai fait celui de te garder en vie toi plutôt que le bébé.

La jeune femme eut un sursaut.
Pourquoi aurait-il fait ça?
Il la voulait pour lui donner des héritiers. Trois aurait été le nombre parfait. Il n'aurait plus eu besoin d'elle après ça. Alors pourquoi la choisir elle? Pourquoi faire un choix si contraire à toutes les convictions de cet homme?
Était il en train de mentir pour mieux la manipuler?

Sar Ka Ha se retourna brusquement vers elle, la sortant de ses pensées:

-Tu n'as rien à dire?
-Je... Maître je... mais... pourquoi?

Elle ne devrait pas poser la question. Mais elle ne peut pas s'en empêcher. Elle a besoin de comprendre. Elle a besoin de savoir.

Il avança jusqu'à son lit et retira violemment le drap qui recouvrait son corps. Les servantes l'avait déshabillée et lavée. Elle était nue.
Elle sursauta et pousse un petit cri de terreur, mais le laissa faire.
Il observa son corps, et posa sa main sur son ventre à la peau craquelée et distendue, semblant plongé dans ses pensées. Et finit par articuler:

-Ton ventre est si laid. Ton corps a changé. Il était jeune, pure et serré lorsque je t'ai prise la première fois. Et aujourd'hui regarde-toi. Je n'ai jamais aimé les corps vieillis, vécus, abîmés par la vie, le temps et les grossesses. Je me suis débarrassé de dizaines d'esclaves pour cette raison bien avant qu'elles en arrivent à ton état. Et pourtant... regarde moi. Je te touche. Je veille sur ton sommeil. Je pense en permanence à toi. Et j'ai préféré la mort de mon enfant à la tienne. C'était un fils. Ça aurait été un homme. Et pourtant je ne regrette rien. Tu me changes Emeraude, et je déteste ça. Je méprise l'être que je suis en train de devenir. Je me sens faible. Mais je préfère l'être que t'imaginer loin, morte, ou à quelqu'un d'autre.