24 | Takashi

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Le lundi arriva avec son lot d'urgence. Les fermiers n'avaient pas forcément le temps d'aller voir toutes leurs bêtes et donc découvraient des trésors d'urgence directement dans leurs champs de bon matin. Pearl était submergée par les appels et on nous envoya directement sur la route pour aller délivrer une vache qui n'avait pas réussi à vêler toute seule. Dans le même champ, deux autres vaches s'en étaient très bien sorties et c'était ce qui était le plus rageant. Si certaines y arrivaient, d'autres non et elles se mettaient bien trop en danger pour ne pas nécessiter un peu d'aide d'une superbe vétérinaire.

Nouna n'eut pas de chance, car elle enchaîna ses visites avec deux cas de coliques et il n'y eut rien de ragoutant à l'odeur qu'elle dégagea pour le reste du trajet. Ce qui la fit rire et elle me mit dans la merde après, utilisant mes muscles à son avantage.

À la fin de la visite médicale concernant des jumeaux qui avaient mis du temps à naître et l'un d'eux présentait une malformation, Nouna dut l'abattre, car il n'était pas viable. Même une fois sortis du ventre de leur mère, les petits restaient vulnérables.

Le cas suivant, ce fut une étonnante raison qui nous amena ici. La femme qui s'occupait des petits avait très vite vu que l'un d'eux ne déféquait pas. Et au bout de deux jours de vie, il ne mangeait déjà plus ce qui n'était pas bon, avouons-le. Nouna sut presque immédiatement en écoutant le ventre du petit ce qui n'allait pas. Elle enfila un gant et enfonça quelques doigts dans le rectum du veau avant de soupirer en grimaçant.

— Il n'y a aucune joncture entre le rectum et l'intestin, nous expliqua-t-elle. Il ne pourra jamais déféquer. Il a du lait dans le ventre depuis sa naissance. Je suis désolée, Grace, il faut l'abattre.

Je retins un soupir et regardai Nouna aller chercher sa seringue pour revenir et endormir le veau, avant de lui injecter le médicament pour le tuer.

— Est-ce que je peux l'ouvrir pour voir ? demanda-t-elle doucement à Grace.

Cette dernière hocha la tête et observa Nouna faire. Ma vétérinaire préférée sortit un couteau tranchant de son fourreau situer à l'arrière de sa ceinture. Je n'y avais jamais fait attention. Elle tendit la peau du veau et mit trois coups de couteau pour ouvrir la carcasse. Elle fouilla dans les intestins et nous montra l'endroit où il y aurait dû avoir une joncture entre le rectum et l'intestin. Il n'y avait rien du tout, hormis quelques tissus, rien de bien consistant pour lui permettre de vivre.

Nous retournâmes vers la voiture et Nouna en profita pour ranger un peu son coffre. J'embrassai sa joue et elle me sourit. Je pivotai pour regarder la ferme. Aurais-je pu vivre ce genre de vie ? Loin de toutes responsabilités ? Loin de toutes décisions ? Loin des autres ? Je n'avais jamais une personne sociable au sens strict du terme. J'aimais bien avoir mon groupe de gens de confiance autour de moi, mais j'avais toujours aimé m'attacher à une cause. Qu'elle soit politique ou économique. J'avais toujours été l'un des meilleurs de mon groupe au Fief. J'avais toujours cherché à faire mieux.

Et si parfois le mieux était trop, et qu'il fallait voir ce qu'il y avait sous nos yeux ? La simplicité de ce que la vie pouvait nous donner ?

— Ramène ton petit cul Takashi. On a encore du boulot.

Je ris et secouai la tête.

Je ne pouvais pas demander mieux que ce que j'avais déjà.

Avoir trouvé Nouna et pouvoir la mettre en sécurité était l'une de mes seules priorités personnelles. Et pour l'instant, je remplissais mes objectifs à merveille n'est-ce pas ? Tant qu'elle serait ici, à s'occuper de sa clinique, je pouvais faire en sorte que rien n'arrive à elle. C'était après tout l'un des devoirs d'un compagnon non ?

LES MAINS DE POUVOIR Tome 2 Fragmented Désire [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant