32 | Nouna

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Je m'accroupis pour extraire un cadre carbonisé des décombres et mes doigts tentèrent en vain d'effacer la suie.

Il ne restait rien. Hormis des pierres et quelques objets miraculeusement épargnés. Tous les souvenirs de Ian et Lynne, toutes leurs babioles ; plus rien. Je balançai le cadre sur un tas de pierres, ramenant ma main sur mon genou.

Je savais que tout ça, ce n'avait été que des murs et des pièces. Qu'un endroit. Pas vraiment un chez-soi. Je savais que je n'aurais pas dû être à ce point dévastée, mais c'était plus fort que moi. Après avoir quitté l'endroit où j'étais née et où j'avais passé les quinze premières années de ma vie, cette maison, au-dessus d'une vieille clinique, était devenue le point névralgique de toute mon existence. Alors non, je ne pouvais pas juste prétendre qu'il ne s'agissait que d'un lieu.

Ça me faisait mal à l'intérieur. Un déchirement, comme une cicatrice qui ne voulait pas cicatriser et qui continuait de s'étendre. Et toutes ces pierres ne faisaient que me rappeler à quel point je n'avais plus rien.

Une main se posa sur mon épaule et des doigts m'étreignirent très fort. Tobias, à mes côtés, ne disait rien. Il déplorait autant que moi la perte de cet endroit, de tout ce que ça avait représenté, pour lui comme pour moi. Parfois, un lieu de travail était bien plus que ça. Parfois, c'était le fondement de votre existence.

Nous étions tous les deux devant les ruines de la clinique, ne cherchant pas à courir chez les éleveurs locaux. À eux aussi on leur avait tout prit. Non. Ma faute. Tout était ma faute. Parce que jusqu'à présent, j'avais été ignorante de moi-même, ne sachant rien de ma véritable nature. Et voilà le prix à payer. J'avais envie de hurler. De tout détruire.

Dommage, c'était déjà fait.

— Tu devrais chercher un autre travail, soufflai-je.

— Ne dis pas de bêtise, grommela Tobias. Nous sommes associés je te rappelle.

Je secouai la tête, mais ne répondit rien. À quoi bon ? Il restait buté et borné, pire que moi. Je soupirai et me frottai la nuque de ma paume moite et collante.

— On connait les circonstances de l'incendie ?

— Cause inconnue, m'apprit Tobias. Un expert envoyé par Chayton est passé tout à l'heure et il ne lui a pas fallu longtemps pour balancer ça. Ni accidentel ni criminel. C'est comme si... c'était arrivé, sans raison.

On pouvait ajouter ça au palmarès des trucs bizarres. Après tout, nous n'étions plus à ça près.

Mais pour autant, tout arrivait avec une raison. Rien n'était jamais laissé au hasard. J'en savais quelque chose. Je finis par me relever et alors, nous observâmes passer des dizaines et des dizaines de gros poids lourds transportant du bétail. Nos deux têtes suivirent le mouvement et je me retins de justesse de garder la bouche ouverte. Un gros 4X4 mit son clignotant et vint s'arrêter à notre niveau. Un homme jaillit, petit et dégarni, un bloc note dans la main.

— Nouna Makawee ?

Je hochai la tête, à défaut de pouvoir aligner deux mots.

— Pouvez-vous me dire si toutes les coordonnées sont exactes ?

Il me tendit son calepin et je vis les noms des fermiers du coin, avec adresse et des cases remplies de chiffres. Je sentis Tobias se pencher pour jeter un coup d'œil, aussi curieux que moi.

— Qu'est-ce que ça veut dire ? soufflai-je.

— Notre Princesse vous l'expliquera. Vous m'excusez, j'ai beaucoup de travail.

Hein ?

Il referma la portière et le 4X4 reparti, s'insérant entre deux camions. Je ne comprenais rien. D'où venaient toutes ces bêtes ? Et comment étaient-elles arrivées si vite dans le coin ? Je clignai furieusement des paupières au moment où un SUV noir aux vitres teintées quitta à son tour la route pour venir se garer un peu plus loin. Une jeune fille en sortit, portant la tenue reconnaissable des Earhjas de l'Empereur. Je la reconnus, ou cru le faire. C'était celle de mon dernier rêve, sur le cheval.

LES MAINS DE POUVOIR Tome 2 Fragmented Désire [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant