Chapitre 2

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Souvent, lorsqu'il rentrait, elle dormait.

"T'es déjà là," elle constata, les mains occupées d'ustensiles de cuisine et le sourire agréable. L'horloge affichait dix heures et demie. On touchait aux journées les plus longues de l'année; l'ambre du dehors baignait l'espace par les fenêtres ouvertes, ravissait le châtain de sa chevelure nouée.

Les mains contre elle furent tendres, apaisantes lorsqu'elles l'enlacèrent par derrière. Elle gloussa à la sensation des lèvres sur son cou et du sourire qu'il lui rendait contre sa peau.

"Je me suis arrangé pour ce soir," précisa-t-il, attentif à ce qu'elle remuait dans la casserole fumante par-dessus son épaule. Il la savait fatiguée; enseignante en école, ses horaires cléments ne rendaient pas l'énergie des enfants moins épuisante, et l'idée de voler les dernières bribes de la sienne ainsi ne le confortait que peu.

"Je préfèrerais que tu te reposes, il est tard," il ajouta en s'éloignant, s'attelant aussitôt à reprendre les affaires laissées à l'entrée. Elle voulut rétorquer, mais n'en trouva pas le temps. "J'ai des rapports à passer en revue. J'en ai pour un quart d'heure, ça te va ?"

"On va bientôt manger."

Il repassa près d'elle, prit le temps de l'embrasser.

"Je fais ça vite," renchérit-il avant de s'engouffrer dans la pièce d'à côté. Encore jonchée de cartons, il y chemina adroitement pour atteindre le bureau désordonné. La bibliothèque, affreusement vide, lui filait le cafard depuis des semaines.

Il s'y installa, soupira; sa chemise l'étouffait depuis qu'il l'avait enfilée. Il en desserra la cravate, l'ôta, libéra sa nuque raidie. La chaleur assommante lui coupait l'appétit. Peut-être était-ce le stress, après tout; à l'agence, les affaires affluaient en ce moment. Passer en revue les rapports comptables de cette semaine lui prendrait bien plus qu'un quart d'heure de son temps; il en était conscient. Ayumi aussi.

"Chéri," dit-elle justement, la main appuyée contre le chambranle. Elle avait au visage un air contrarié, son regard fourmillait du bureau à sa chemise dépareillée. Suguru oubliait l'impatience. Les nuits étaient trop courtes, l'avenir ne lui tendait que le jour d'après.

Il lui porta toute l'attention et la patience dont il était capable.

"Tu..." Elle commença.

À l'hésitation de la voix, il fut clair qu'elle ne parlait plus du dîner.

"On pourra discuter, quand t'auras fini ?"

Suguru se demanda s'il était responsable de l'avoir amenée à en douter.

"Bien sûr."

SakenoanaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant