Chapitre 20

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Notes :

I want to hold you near
I want to whisper sweet and tender in your ear

— Loverboy, Billy Ocean


Satoru somnolait à une vitesse phénoménale après l'orgasme; Suguru le constatait depuis qu'ils s'adonnaient à se faire jouir le week-end, parfois les soirs en semaine.

Les traits détendus de son visage lui devenaient familiers; la joue blottie contre l'oreiller, la salive au coin des lèvres, la respiration régulière et la façon dont même les effleurements, tendres, ne le réveillaient pas. Alors Suguru se laissait aller à lui donner de l'affection, lorsqu'il en ressentait l'envie.

Lui qui pensait que la passion perdrait de sa vigueur à répétition, la surprenait à devenir plus stable à mesure qu'ils se retenaient, s'exploraient, et peu à peu, faire l'amour devenait autre chose que la satisfaction plus ou moins ralentie d'un désir. Une sorte de création continue. Ces explorations, ces trouvailles, ces leviers qu'ils ajustaient progressivement,

comme Suguru préférait qu'il soit lent

mais comme, souvent, il allait à son rythme

pour le seul plaisir qu'il en prenne,

et comme il aimait le savoir tremulant

par et pour lui seulement.

Ils sommeillaient ensemble ce soir-là. La chambre de Satoru était davantage remplie que les pièces principales de son appartement, moins stricte dans ses placements; le lit n'était pas centré au mur, plutôt vers le fond, des vêtements traînaient et la lumière n'y était pas si frappante; Satoru n'ouvrait ses volets le matin que depuis que Suguru y pensait.

Sur la télévision, une émission tournait à un volume trop bas pour en comprendre le moindre mot. La lampe de chevet éclairait le corps de Satoru contre son flanc, le bras qu'il avait passé autour de sa taille, et l'éclat vibrant de ses cheveux qu'il avait cajolés contre son cœur un peu plus tôt.

Le téléphone, posé sur la table de chevet, s'allumait et vibrait à répétition depuis que Suguru était arrivé, et la curiosité le piquait plus que Satoru lui-même, qui ne se fatiguait qu'à y adresser quelques regards désintéressés.

Une énième vibration sembla dépasser son seuil de tolérance; il soupira, agacé, dut rassembler tout le courage du monde pour s'extirper du corps auquel il était attaché.

Il reposa son téléphone rapidement après y avoir tapé deux, trois mots.

"Tu restes, ce soir ?" Lança-t-il en lui tournant le dos, les mains occupées à arranger la table de chevet.

"Je sais pas, mon train part tôt."

Il dut lâcher des yeux les épaules nues et élancées lorsqu'il se tourna vers lui à nouveau.

Satoru, chaque week-end, avait l'étrange sensation qu'ils se voyaient pour la dernière fois.

"Tu pars toute la semaine ?"

"Quatre jours, à peine."

Le téléphone vibra. Suguru pensa à plaisanter sur ses airs d'homme marié.

Il évita.

"Une ex," Satoru avoua avant qu'on le lui demande, attrapant son portable pour activer le mode avion.

"Je sais pas," il continua, "me croiser après deux ans, ça a dû la retourner."

Les anecdotes au bar, les regards dans la rue, en allant à l'épicerie du coin, les moments comme ceux-là; peu à peu, Suguru réalisait combien il s'amourachait à un homme qui plaisait à l'excès. Il lui suffisait de s'attarder à l'observer pour s'en souvenir; lui non plus n'avait rien fait de plus que faiblir à l'attraction qu'il incarnait, et l'idée de n'être que de passage sur une liste déjà bien remplie, étonnamment, le séduisait.

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