Chapitre 9

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La table de la salle à manger tremblait, grinçait presque sous l'ardeur de leurs mouvements. Ayumi peinait à rester stable sur ses coudes, le corps secoué par la cadence que Suguru imposait entre ses jambes nues. Leurs souffles, saccadés, couvraient le silence de la pièce, se mêlaient au son de leurs peaux claquant l'une contre l'autre avec force.

Suguru ne se contrôlait que peu, agrippait désespérément les désirs qu'il imaginait lui filer entre les doigts. Il n'en avait presque pas dormi de la nuit; Satoru, ces idées, ces envies, il ne voulait plus y penser. Ses mains tremblaient, la touchaient, tenaient ses hanches contre lui, cherchaient tout ce qu'il aimait de ce corps qui lui faisait réellement envie.

Elle geignit dans l'espoir qu'il ralentisse, la voix agitée de soubresauts. Ils venaient à peine de se lever; sorti du lit après elle, Geto l'avait surprise par son affection soudaine, par l'intensité avec laquelle il l'aimait tout d'un coup en la rejoignant dans le salon.

Elle n'avait pas pu poursuivre le rangement qu'elle avait entrepris tant son excitation avait empiété la sienne, l'avait portée et enveloppée toute entière.

D'ailleurs, la grossesse pouvait dérégler certains rouages dans une vie de couple, elle avait lu un paquet d'articles sur le sujet, juste par curiosité. Peut-être un peu pour s'y préparer, et elle l'appréhendait; l'attitude de Suguru ces derniers temps n'avait déjà aucun sens alors que le sujet n'était pas d'actualité, peu importe à quel point elle tentait de lui en donner.

La fermeté de ses mouvements empêchait Ayumi de réfléchir convenablement; elle l'observait succomber à son impulsivité, les yeux rivés entre ses jambes, et les mèches dégradées de ses cheveux lui tombaient sur le visage, s'échappaient de sa queue de cheval. Il avait au visage une grimace délicieuse, les sourcils joliment froncés.

Il l'attira, la fit descendre de la table et la poussa à se retourner, le ventre contre la surface du meuble. Là, il attrapa l'une de ses jambes, la monta pour qu'elle se pose sur la table elle aussi.

Ayumi était souple. Cinq ans de gymnastique; elle le lui avait dit le jour de leur premier rendez-vous. Il aimait ça chez elle, et il essaya de s'en convaincre, de s'y revoir, comme si les sentiments n'étaient déjà plus là. Hésiter, ne pas refuser les avances de Satoru, c'était déjà plus qu'assez.

En reprenant le rythme soutenu, la position lui permit de passer une main autour de sa cuisse, de la toucher autrement. Il avait parfaitement appris quoi, où et comment caresser, il en maîtrisait chaque levier, les ajustait à merveille. Il avait tout à portée de main; Ayumi lui suffisait et lui suffirait demain.

L'orgasme la torda rapidement. Suguru ne put retenir le sien en la sentant réagir; mais jouir le ramena à la frustration qui l'animait depuis la veille au soir.

Il ne savait plus s'y abandonner, l'esprit étriqué par ce qu'il avait l'impression de transgresser, comme si tout ne prenait sens que par ça désormais; coucher avec Ayumi tentait de le conforter dans son hétérosexualité, dans une certaine stabilité, mais pas autant qu'il l'aurait souhaité.

L'anxiété revint au premier plan, le poussa à se retirer, conscient que la méthode du retrait ne rimait qu'à un système de loterie.

À l'entente de la voix de Suguru mêlée à la sienne, Ayumi la devina retenue, nuancée par d'autres ressentis. La sensation de ses mains crispées, la manière qu'il avait de la toucher la conforta dans l'impression que quelque chose clochait.

La regarder, de dos, était plus simple; il se l'avoua. Surélevée par ses coudes, elle laissa sa tête tomber en avant, le crâne lourd, et l'esprit de Suguru lui imposa soudain d'imaginer ce à quoi Satoru pourrait ressembler, ici, dans cette position-là, s'il lui procurerait quoi que ce soit.

La vision le poussa à tourner l'œil, et il profita qu'elle ne le voit pas pour secouer la tête rapidement dans l'espoir d'y remettre de l'ordre. Au moins, il en était certain; son attirance envers lui, s'il en avait, n'avait rien de semblable à celle qu'il éprouvait pour Ayumi.

"C'était quoi, ça ?" Lança-t-elle, haletante, bien qu'elle aurait accueilli volontiers des élans de passions comme ceux-là tous les jours s'il lui proposait.

"J'en sais rien. La gaule du matin."

SakenoanaWhere stories live. Discover now