Chapitre 13

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Notes :

You better save it for
The middle of the night,
when things aren't black and white

— End of Beginning, Djo


Pathétique lui collait de plus en plus et de mieux en mieux.

J'arrive, désolé

Avait-il menti à Ayumi, ou presque; en bas de l'immeuble où ils logeaient, Suguru, avachi sur le pas de la porte principale, était arrivé en soit mais n'avait jamais bandé si sec et si longtemps.

S'il ne s'agissait que de ça, il n'aurait eu qu'à filer dans la douche en rentrant, croiser les doigts pour qu'elle ne l'attende pas dans le canapé les bras croisés, mais les chances qu'il avait de pouvoir s'en cacher s'annonçaient minces et le dernier joint qu'ils avaient fumé avait eu le temps de pleinement lui monter à la tête sur le trajet du retour.

Heureusement, l'entrée du bâtiment se trouvait dans une cour privative, coupée des rues par un portail. Les risques d'être aperçu ainsi étaient minces eux aussi. L'amour propre, déjà bien abîmé, était au moins en sécurité. Son propre regard, juge, suffisait assez pour que d'autres ne viennent le ridiculiser.

Le coude de sa chemise s'était échoué dans une flaque d'eau de pluie lorsqu'il s'était assis, ses cheveux attachés ne l'étaient pratiquement plus et il osait à peine imaginer l'odeur d'alcool mélangée au cannabis qu'il devait dégager.

Fidèle, Suguru n'avait jusqu'ici jamais cru à l'ivresse responsable de débordements. L'alcool, lorsqu'il était question de tromperie, avait bon dos. Lui qui n'avait jamais été de ceux qui l'utilisent à mauvais escient et qu'il considérait comme moins que rien en devenait soudainement un.

Une substance, quelle qu'elle soit, n'annihilait pas les consciences au point de foutre en l'air un amour sincère, une confiance entière, des années de vie commune. C'est ce qu'il pensait. Et preuve était de constater qu'il était encore capable d'y penser et d'en philosopher en piteux état sur le bitume en pleine nuit, donc que la conscience, anémique certes, était toujours là.

Ainsi commença durement le travail de culpabilité qu'il pensait déjà enclenché, mais qu'il découvrit seulement couvé jusque-là. Elle lui explosait au visage, lui hurlait au cœur.

L'érection devenait douloureuse. Les caresses de Satoru n'étaient plus que vestiges mais brûlaient, tiraillaient, partaient et revenaient, l'excitaient autant qu'elles l'humiliaient.

Front contre la paume d'une main, coude mouillé reposant sur l'un de ses genoux, la volonté à elle seule ne suffisait plus à ralentir le flot de ses pensées puisqu'elle s'effritait elle-même.

Tout lui échappait à nouveau, l'esprit déambulait n'importe où, partout, et surtout aux mains chercheuses, hanches happées et lèvres humides, et j'essaye de dire que j'ai toujours très envie de t'embrasser, lèvres humides encore, main au creux des reins, cuisse sous la table et cuisse entre les cuisses.

L'esprit se devait de regretter, le corps réclamait. L'insouciance et le calme précédemment ressentis devenaient anxiété.

Il fallait rentrer. Le temps n'y ferait rien, la fuite non plus. Suguru rassembla ses forces pour se lever, résolu. Taper le code pour déverrouiller l'entrée lui demanda plus de concentration qu'il ne l'aurait cru, et il abandonna vite l'idée de monter les escaliers. Tant pis pour les ischios-jambiers; il les travaillerait à la salle de sport le dimanche d'après.

L'ascenseur, au moins, lui laissa l'occasion d'arranger ses excuses, d'en faire quelque chose de concret. Il rentrerait, la trouverait sur le canapé ou sortant de la chambre à coucher au son de la porte, elle lui en voudrait, il s'excuserait, reconnaîtrait que c'était une mauvaise idée et qu'elle a raison, surtout; lui dire qu'elle a raison.

SakenoanaWhere stories live. Discover now