Chapitre 10

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Notes :

Boys (Summertime Love), Sabrina,
Très Disco, Claude
ou n'importe quelle musique des années 80, franchement,
Bailando de Paradisio
Give Me the Night de George Benson


Depuis son canapé, Suguru imaginait les banderoles multicolores dansantes dans les rues de la capitale, les kimonos joliment noués dans le dos des passants, la pureté avec laquelle des mains devaient se hisser sur les arbres qu'on décorait traditionnellement de feuilles de bambou.

Tanabata se passait de lui cette année; Ayumi était fatiguée, et lui trop anxieux. La fête des étoiles s'était déroulée sans eux l'année d'avant, de toute façon. Il ne leur restait plus qu'à espérer que les circonstances leur accordent l'énergie d'y participer l'année d'après.

Il avait passé l'après-midi de ce samedi à rattraper le retard qu'il avait accumulé dans la paperasse du bureau, pour ne pas avoir trop à en faire le lendemain. Ils faiblissaient ensemble depuis plus d'une heure, le corps lourd sur la microfibre du canapé.

La télévision tournait bêtement sans qu'aucun des deux ne l'écoute vraiment; Ayumi somnolait à ses côtés depuis une bonne demie heure, bien qu'il l'apercevait lutter du coin de l'œil.

Il était trop occupé à penser, préoccupé par l'heure qui défilait lorsqu'il la surveillait sur l'écran de son téléphone.

"Va te coucher," il conseilla lorsque sa tête balla à nouveau, la réveillant en même temps par le timbre de sa voix. Elle avait sursauté, puis pris quelques secondes pour émerger et comprendre ce qu'il se disait, et elle s'étira.

"Désolée, je suis claquée."

Suguru secoua la tête lorsqu'elle s'excusa.

"Repose-toi, t'en as besoin pour lundi," rétorqua-t-il, et elle acquiesça. Ayumi avait parfois l'occasion de mener les voyages scolaires qui se déroulaient pendant l'année. Celui auquel elle participait ce lundi s'annonçait éprouvant, puisqu'il s'étalait sur une semaine.

Elle n'eut besoin de rien de plus pour se décider; elle s'extirpa du sofa, l'embrassa une, deux, trois fois, n'y sentit pas l'implication qu'elle attendait. Elle avait espéré profiter de la soirée avec lui, apprécier sa présence, pour une fois qu'il était là, mais n'avait perçu que la tension des muscles, les mouvements répétés, anxieux, agaçants, ses moments d'égarement.

"Je te rejoins," Suguru renchérit lorsqu'elle s'éloigna et disparut dans la pièce d'à côté.

Sur l'accoudoir du canapé, son téléphone lui indiquait l'heure; vingt-trois heures quarante. Google, plus tôt, l'avait informé que le Sakenoana fermait exceptionnellement à une heure du matin.

Satoru ne lui avait rien précisé la veille, alors il avait cherché l'information lui-même, et depuis, plus rien ne pouvait le déresponsabiliser; il en avait l'envie.

Il y avait une éternité qu'il n'avait pas bu jusqu'à oublier qu'il existait. Pourrait-on le lui reprocher ? Et en ce qui concernait l'autre proposition, il n'en voulait rien, et il n'aurait qu'à le lui préciser.

Il se leva, soupira longuement dans la pénombre en s'avançant vers le coin cuisine; il n'avait pas l'habitude de réfléchir autant.

La lumière interne du réfrigérateur lui teignit la peau d'un bleu brumeux lorsqu'il l'ouvrit, les bras nonchalants, et il attrapa la bouteille d'eau fraîche qu'il avait préparée. Il s'adossa au plan de travail central, plongea une main dans la poche de son jogging.

Il avait imaginé lui avouer toute la soirée; ses doutes, ses questionnements : il s'était lancé une centaine de fois mentalement, n'avait jamais trouvé le courage de lui demander.

SakenoanaWhere stories live. Discover now