Chapitre 5

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Maxence

La jeune femme qui me fait face n'a rien à voir avec la personnalité qu'elle montrait sur scène un peu plus tôt : Taylor parle peu et semble prête à affronter le monde entier, à commencer par ses frères. Ils sont passé rapidement à notre table pour la saluer, échange fut bref, parlant uniquement du travail, sans aucune demande personnelle ou de félicitation pour sa prestation. Suite aux propos de sa famille et avec l'attitude d'Amaury, j'en ai déduit qu'ils étaient en couple. Pourtant, en voyant le comportement de Taylor, je me pose des questions.

Alors que nous parlions avec Amaury, Taylor s'est levé pour aller échanger avec un mec au bar. Un bref regard vers mon coloc m'indique qu'il est tendu.

J'ose alors poser la question qui me brûle les lèvres :

— Taylor et toi, vous êtes un couple libre ?

Amaury sourit tristement et souffle avant de me répondre :

— Non, disons que nous nous servons d'alibi mutuellement, ses frères sont parfois étouffants. Taylor aime la liberté, mais quand elle aime un homme, elle est fidèle et dévouée. Bien plus que n'importe quelle femme que je connais.

Ses propos me laissent encore plus perplexe, un peu comme sa réaction quand elle est arrivée en se tenant l'épaule. Je cherche juste à la comprendre, ou plutôt à les comprendre. Je dois cohabiter avec elle, autant savoir si je vais avoir droit à un défilé d'hommes au petit-déjeuner. J'ai connu ça avec mon ancien voisin, enfin lui c'était les filles. Leith est un coureur de jupons invétéré, mais surtout un amoureux de la liberté et de l'adrénaline. Il s'entendrait à merveille avec Taylor.

Mon métier me suivant partout, déformation professionnelle, je me renseigne sur ce qu'il s'est passé plus tôt.

— Taylor s'est blessée récemment ?

— Ce n'est pas à moi de t'en parler, Taylor me castrerait. En revanche, je peux te dire qu'elle ne porte pas ton métier dans son cœur Alors ne le prends pas mal si elle t'envoie des piques. C'est son mécanisme de défense.

Du bruit nous interrompt. Nous relevons la tête et constatons que le barman a posé une grosse caisse en métal sur le comptoir devant Taylor et son frère, sous les yeux ahuris du mec avec à qui elle parlait plus tôt. La jeune femme prend l'objet, puis quitte le bar, Nicolas sur les talons.

Nous la suivons à l'extérieur où nous retrouvons le duo en train de rire, la tête dans le moteur d'une voiture. Taylor se redresse, donne un ordre que je n'entends pas, du bruit sort de la voiture, mais cette dernière ne démarre pas. Amaury s'approche et, ne sachant pas trop quelle attitude adopter, j'en fais de même.

— Nicolas, passe-moi la clé plate, mais celle de douze.

L'homme lui tend un objet qui doit être celui demandé, enfin, je crois. Je n'y connais rien en voiture, moi, mon truc, ce sont les scalpels et les aiguilles.

Nous entendons marmonner, râler, ainsi que des bruits métalliques. Une voiture démarre un peu plus loin avant de disparaitre.

— Ton rencard n'apprécie pas ton nouveau make-up, Sister ! Il vient de partir, quel dommage !

L'ironie dans la voix du jeune homme ne trompe personne, surtout pas sa sœur qui réplique aussitôt :

— Tu ne vas pas t'y mettre toi aussi ! Victor et Paul me fatiguent assez pour trois, alors s'il te plaît, reste le petit frère innocent que tu es à mes yeux, celui qui m'admire et me soutient sans jugement ni empathie.

— Je te rappelle que je n'ai plus douze ans, mais dix-huit. Je suis un homme maintenant.

— Très bien, débrouille-toi avec ta caisse dans ce cas, je me tire.

Eh bien, il ne faut pas la titiller trop longtemps pour qu'elle réplique. Taylor contourne la voiture, se glisse sur le siège conducteur et nous entendons le moteur démarrer. Elle ressort, claque une bise sur la joue de son frère, puis monte sur sa moto avant de partir sans un mot de plus. Effectivement, elle est loin des stéréotypes qu'on nous inculque. Les robes de soirées et talons aiguilles, très peu pour elle, visiblement.

— Tu n'es qu'un crétin de laisser ma sœur draguer tous les abrutis qu'elle croise.

— Et toi, tu devrais éviter de trop la couver, c'est elle l'adulte, je te rappelle.

— Nous savons tous les deux que quand Taylor agit ainsi, elle n'a rien d'une adulte. Vous pensez tous que je ne sais pas qu'elle va, mal, sauf que c'est faux. Je sais aussi que tu n'es pas son mec. Mes frères sont trop stupides pour ouvrir les yeux, ce qui n'est pas mon cas.

Il tourne les talons et part à son tour, laissant mon nouvel ami pantois. On peut dire qu'ils savent soigner leurs sorties dans cette famille.

Sauve-moi !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant