Chapitre 9

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Taylor

Les propos de mon ami m'ont blessé, à sa décharge, il ne sait rien du chantage de son frère ni de ce que j'ai ressenti à mon réveil. Personne n'était là quand le médecin passait sa rage contre moi, ou quand la douleur était tellement insupportable que je rêvais de ne plus me réveiller.

Ne voulant pas me donner en spectacle devant Maxence, j'ai fait ce que je fais le mieux ces derniers temps : cracher mon venin et prendre la fuite, refusant de montrer ma faiblesse. C'est mon enfer, par le leur.

À peine installée dans ma voiture, j'appelle mon frère pour lui expliquer que je prends un peu de repos à cause de mon épaule. Comme à son habitude, Victor ne demande pas plus d'explications et me laisse prendre ma semaine. Me voilà donc sur la route sans but précis ni destination en tête. Je vais là où le vent me porte, loin des gens qui pensent m'aider, mais qui m'étouffent. J'aimerais pouvoir leur dire ce que je ressens, seulement je n'y arrive pas, c'est trop dur. Le poids qui comprime mon cœur se resserre un peu plus chaque jour qui passe.

Au bout de deux heures de conduite, mon épaule recommence à me faire mal, je décide donc de me mettre en quête d'un hôtel ou autre point de chute pour la nuit et réfléchir à ce que je ferai demain. Après quelques recherches, je trouve une auberge sans prétention, avec des gérants très agréables.

Heureusement que j'ai toujours un sac de secours dans ma voiture. Je n'avais pas prévu de partir si loin, j'avais juste besoin de quitter la maison et les deux hommes qui y vivent. Amaury, parce que je ne supporte plus ses remontrances et son jugement, Maxence, lui, c'est différent, ce que je fuis c'est ce qu'il me fait ressentir. Ce soir, il ne m'a pas massé comme ce matin, c'était plus tendre, plus affectueux. Je suis persuadée qu'il a senti ma peau frémir sous ses caresses, mais aussi la souffrance que j'éprouve. Cet homme me perturbe, il n'est pas comme les autres médecins que j'ai vus. Avec lui, je ne me sens pas jugée et son physique ne gâche rien au plaisir de l'observer en douce. Son sourire et ses massages pourraient presque me faire changer d'avis sur les blouses blanches. En revanche, pour ce qui concerne mon épaule et une éventuelle opération, il n'arrivera à rien. Je refuse d'être à nouveau dépendante des autres pour le plus insignifiant des actes du quotidien.

Amaury pense, à tort, que je me tape un mec différent chaque soir. S'il savait à quel point il se trompe... Certes j'ai eu des aventures ces dernières années, mais pas autant qu'il le l'imagine. Parce que j'ai mon ami le lapin à batterie, bien plus fiable que n'importe quel homme et surtout il ne pose pas de questions ni ses mains sur mon corps. Si en apparence je parais forte et sûre de moi, en réalité, dans l'intimité, c'est beaucoup plus compliqué.

Mais, ici, en paix dans ce coin perdu, il n'est plus question de rien, la semaine passe même trop vite à mon goût. Comme si le temps s'était mis en avance rapide.

Les embruns marins et le soleil ont raison de mon amertume, les gens sont souriants et il y a peu de touristes. L'océan a cet effet apaisant sur mon corps et mon âme. Je ne contacte personne pendant ce qui ressemble à des vacances, profitant tout simplement de cette liberté retrouvée. Mon épaule est toujours un peu douloureuse, mais c'est supportable comparé à ce que je ressens en temps normal ; il faut dire que je ne fais presque rien et mon esprit est plus léger aussi. Comme si ma vie était moins lourde à porter sans les attentes de mes frères et de la société. Ou alors est-ce moi qui me met trop de pression ?

Le vendredi suivant, j'appelle Hélène, la femme de Paul, pour savoir comment cela se passe au garage.

— Coucou, Belle-sœur !

— Bonjour, Taylor, alors tes vacances ?

— Bah, écoute, elles se passent plutôt bien. Je profite du soleil, des paysages et de la liberté. Et toi comment tu vas ? Les garçons s'en sortent sans moi ?

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