Chapitre 18

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Maxence

Ma rencontre avec Stéphane me fait l'effet d'une douche froide. Pourquoi est-il de retour pile au moment où Taylor se blesse et à besoin de soins particuliers ?

Les révélations de Taylor et de Peggy faussent mon jugement envers cet homme. Lors de notre première rencontre, j'ai eu l'impression qu'il avait encore des sentiments pour Taylor, mais aujourd'hui sachant tout ce que j'ai appris, je ne sais plus quoi penser de lui, ni comment annoncer la nouvelle à Taylor.

En la retrouvant, je fais comme si tout allait bien, ne voulant pas la perturber davantage. La nuit a déjà été compliquée ; elle a peu dormi malgré les médicaments contre la douleur. Ses peurs sont plus fortes que le reste.

Alors, hier je me suis m'arranger avec mon confrère : je serai présent lors de l'opération. Je ne veux pas le surveiller, non, simplement être là pour elle.

Ce matin, c'est Peggy, l'aide-soignante déjà présente hier soir, qui viens aider Taylor pour sa douche préopératoire. Comme je le redoutais, cette dernière ne parle presque pas, renfermée dans son mutisme, et je ne sais pas comment agir. Ce n'est clairement pas le moment de lui dire qu'elle me plaît et que j'aimerais construire une relation avec elle, ou que son ex est de retour, pourtant j'aimerais qu'elle sache que je serais là après, pour sa convalescence. À la place, je sors de la chambre et attends l'heure en rangeant des papiers dans mon bureau. Être près de Taylor tout en étant impuissant n'est vraiment pas dans mon caractère. Devoir lui cacher mes sentiments encore moins.

Je n'ai jamais été en couple, car mes études, mon travail, et mes projets étaient ma priorité, mais aujourd'hui, je sens au plus profond de moi que je serais capable de déplacer des montagnes pour elle. Je voudrais prendre sa douleur, lui dire que tout va bien se passer, mais le retour de son ex me fout la trouille. Je vais me retrouver en concurrence avec ce type que j'ai apprécié avant de savoir qui il était vraiment : un lâche. Stéphane est un manipulateur hors pair. Quand on le rencontre, impossible de voir l'homme perfide qu'il cache sous son apparence de gendre parfait.

Des petits coups contre la porte de mon bureau me font relever la tête.

— Dr Nivel, pardon de vous dérangez, je pense que Taylor a besoin de vous, elle ne l'avouera jamais, mais votre présence lui est bénéfique.

Peggy marque un temps d'arrêt avant de poursuivre :

— Comme je vous l'ai expliqué hier, j'étais déjà présente la première fois où Taylor a été hospitalisée, et nous avons créé des liens forts toutes les deux. Je pense que notre sale caractère, comme elle aime le dire, nous a rapproché. J'ai retrouvé un peu de ma fille en elle, elle une figure maternelle en moi, et en tant que parent de substitution, j'étais présente pour elle. Taylor se veut forte et indépendante, mais elle rêve du conte de fée. Il faut dire qu'être la seule fille entre trois garçons n'est pas la meilleure place, surtout avec une mère qui veut faire de vous une personne complétement différente de celle que vous êtes. Si je vous dis tout ça, c'est pour que vous preniez conscience de ce dans quoi vous vous embarquez. Je sais qu'avec votre ami vous voulez bien faire, mais à quel prix ?

— Que voulez-vous dire ?

Je ne comprends pas ses propos ni là où cette conversation peut nous mener. Il s'agit de ma vie privée et de celle de Taylor.

— Vous savez très bien ce que je veux dire, Taylor ne va pas être une douce jeune femme en détresse, elle va sortir les griffes et vous avez un métier très prenant.

Je rigole à son insu. Je sais qui est Taylor ainsi que les conséquences que l'opération va avoir sur elle, sur ses doutes et ses peurs. La laisser passer entre les mains de mon confrère est une épreuve pour moi aussi. Il n'a pas le droit à l'erreur, et moi, je me devrais d'être présent pour la suite. Tout en l'écoutant nous prenons le chemin de sa chambre. Dans ces longs couloirs sans âme, je lui confie :

— Mes priorités ont changé, je ne suis plus le même, et puis vous ne savez rien de moi en dehors de mon rôle de médecin.

Peggy prend mes paroles au sérieux et ne cherche pas à me contredire.

Les brancardiers sont déjà là quand nous arrivons et Taylor refuse de partir avec eux.

— Vous devez vous allonger et nous laisser vous conduire au bloc opératoire, mademoiselle !

Le brancardier commence à perdre patience, cela s'entend au son de sa voix. Il faut dire que notre patiente sait mettre les nerfs à rude épreuve de ceux qui tentent de l'approcher.

— Non, j'attends Maxence. Je veux le voir avant de partir, je veux lui dire que...

Je la coupe avant qu'elle ne dise des paroles qui dépasseraient sa pensée, parce qu'elle me pense absent.

— Je suis là, Taylor. Installe-toi, je viens avec toi.

— C'est vrai ? demande-elle d'une petite voix.

Je lui confirme d'un signe de tête et entends les brancardiers râler :

— C'est une folle, cette fille, sérieux !

Je n'ai pas le temps de répondre que l'aide-soignante les remet à leur place et nous partons enfin.

— Je suis désolée, entre les médocs et le stress, je crois que je pète un peu les plombs. Il est vraiment bien, ton pote ? Il va pas me casser plus que l'autre, hein ? De toute façon cela n'a pas d'importance, tu ne voudras plus de moi après.

— J'ai confiance en Jean-Luc et comme je te l'ai dit cette nuit, je serai là pendant l'opération et après aussi.

Elle ne répond rien, et le reste du trajet se passe dans le silence. Aurais-je réussi à lui clouer le bec ? Cela serait une première, vu son caractère assumé.

Arrivés dans la salle opératoire, je prends une autre entrée afin de me préparer à mon tour. Rapidement, je suis de nouveau auprès d'elle.

— Tu crois que j'aurais le droit à un baiser ? Tu sais celui censé réveiller la princesse, mais là ce serait pour m'endormir.

L'anesthésiste me fais signe qu'il a déjà injecté le produit dans sa perfusion. Faisant semblant de ne pas comprendre sa requête, ni les battements erratiques de mon cœur, je lui demande par quel homme elle souhaite recevoir ce baiser. Dans un murmure, elle répond :

— Toi.

Il ne m'en faut pas plus pour succomber. Délicatement je pose mes lèvres sur les siennes, tandis que ses yeux se ferment : elle dort.

Je vérifie ses constantes puis m'éloigne de son corps, alors que Jean-Luc arrive, procède à ses rituels et commence l'opération. Restant en retrait, j'observe les mains de mon confrère, surveille le rythme cardiaque et la respiration de Taylor en oubliant parfois de respirer moi-même. L'inquiétude ne me lâche pas une seconde.

Aujourd'hui, je suis à la place de toutes ses familles à qui nous demandons d'attendre pour avoir des nouvelles de leurs proches. Maintenant, je comprends ce qu'ils ressentent et comprends l'agressivité de certains à notre égard : l'attente est horrible, l'absence de renseignement une véritable torture. Les heures défilent et le stress me gagne. J'ai besoin de bouger, de savoir ce qu'il en est, mais je ne peux rien faire de tout cela, mon seul soulagement est le visage paisible de la jeune femme allongée sur la table d'opération. Pour le moment elle ne souffre pas.

— Terminé, merci à tous. Maxence, je peux te voir ?

Je suis le chirurgien et l'écoute me faire son compte rendu pendant qu'il se défait de sa blouse et de son calot avant de se laver les mains.

Plus de cinq heures d'intervention, je sais qu'il y a eu des complications, et j'appréhende de savoir quelles seront les séquelles.

— Maxence, détends-toi, j'ai pris soin de ta protégée. De longs mois de rééducation l'attendent, mais elle devrait récupérer entièrement toutes ses capacités. L'opération fût plus complexe que prévu, mais elle va bien. Maintenant, à toi de jouer.

Je le remercie, me change à mon tour et retourne auprès de ma belle endormie.


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