Chapitre 12

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Maxence

Cette femme aura ma peau.

Un mois que je m'inquiète de ne pas avoir de ses nouvelles, que je réfléchis à la façon dont je devrais agir en sa présence lorsqu'elle sera de retour, à essayer de comprendre pourquoi elle a pris la fuite, et quand enfin je la vois, je n'ai pas le choix que d'agir en tant que Maxence, le médecin, parce qu'on est à l'hôpital. Alors, ce soir, à la maison, je veux juste être Max, afin qu'elle arrête de ne voir en moi que la blouse blanche. C'est frustrant de n'être réduit qu'à ma fonction.

Résultat, Taylor retient ses larmes pendant que Paco essaie de l'installer correctement, ce qui se révèle assez compliqué. La jeune femme est têtue et blessée : un cocktail explosif.

Restant en retrait, je l'entends grommeler et se retenir de ne pas cogner mon ami. Tout dans son attitude montre qu'elle rêve de lui refaire le portrait. Lui reste calme, alors que moi, je bous de la voir souffrir ainsi à cause d'un confrère. Car sa blessure s'est aggravée aujourd'hui, mais si elle avait été correctement soignée à l'époque, les choses seraient différentes.

Je rumine toujours ma colère lorsque Paco s'approche de moi.

— Eh bien, elle est pas des plus tendres, ta copine. Tu ne dois pas t'ennuyer avec elle. Je comprends pourquoi tu n'as pas beaucoup de temps à m'accorder.

— Ce n'est pas ma copine, Taylor est...

— La femme qui te fait vibrer. J'ai compris l'idée, et je suppose qu'elle ne sait pas que tu en pinces pour elle

— Je la connais à peine, alors, oui, elle est attirante, oui, elle a un caractère bien trempé et un charme fou, mais elle a en horreur mon métier et ne voit en moi que cela, mon travail. Alors ne t'imagine pas trop de scénarios scabreux. Elle ne voudra jamais de moi.

Le dire à voix haute me fais réaliser à quel point le rejet de cette jeune femme me blesse. Les sentiments que j'éprouve sont ambigus Seulement, je ne saurais dire pourquoi... Tout ce dont je suis certain, c'est que Taylor est intelligente, indépendante, a un caractère assumé, et j'adore ça.

— À toi de la faire changer d'avis. J'ai bien réussi à l'installer confortablement et à négocier avec elle une séance de rééducation avec moi. Tout n'est pas perdu.

Je suis abasourdi par ses propos. Comment a-t-il réussi ce tour de force ?

— Elle a juste besoin qu'on lui dise la vérité. Elle connait sa blessure et ses limites mieux que nous, ce que la plupart des toubibs oublient.

Il se tait une seconde, jette un œil vers Taylor, toujours dans le canapé, puis poursuit :

— Je ne la connais pas, mais une chose est sûre : aujourd'hui elle a rouvert ses blessures et pas que les physiques. De plus, tu ne lui es pas indifférent, quoi que tu en dises. Tu l'effrayes, Max. À toi de faire pencher la balance du bon côté.

Pendant que mon ami parle, je prépare un repas léger, sors deux bières du frigo, sers un verre d'eau pour Taylor et lui apporte.

Doucement, j'approche du canapé. Elle est allongée sur le dos, son épaule est calée par des coussins et sa cheville surélevée. Ses yeux sont braqués sur la télé lorsqu'elle prend difficilement le verre que je lui tends, et le porte à sa bouche avec un gros effort. Après avoir bu quelques gorgées, elle me le rend.

— Merci.

Elle souffle le mot du bout des lèvres, les larmes aux yeux.

— Tu as besoin d'autre choses ?

— Je commence à avoir faim, et en même temps tes médocs me barbouillent, alors je ne sais pas si je dois manger ou non.

— Il faut que tu te nourrisses un peu, cela devrait faire passer la nausée.

L'arrivée de Paco l'empêche de répondre, ce qui n'est pas plus mal vu le regard noir qu'elle me lance. Mes reflexes de médecins ne me quittent pas, même si je ne suis plus sur mon lieu de travail. Je lui réponds par un sourire.

Mon ami apporte le diner et nous nous installons à notre tour. Taylor se redresse difficilement, et sans surprise, Paco l'aide. Cette fois, la jeune femme ne se braque pas et se laisse faire.

— Tu vois que ce n'est pas si terrible d'accepter de l'aide.

— Tu vas me donner la béquée aussi ? retorque-t-elle.

J'étais surpris qu'elle soit si docile et obéissante. Enfin, je reconnais son caractère bien trempé.

— J'ai eu peur que tu aies perdu ta langue, se moque Paco.

Elle la lui tire comme une gamine boudeuse. Sa moue est adorable. C'est complétement dingue qu'en si peu de temps et juste quelques phrases, Paco ait réussi à la rendre calme et lui offrir une partie de sa confiance.

Le reste du repas se passe assez tranquillement, si on omet les grommèlements de Taylor.

— Des coquillettes, sérieux, et pourquoi pas des vermicelles ? Non, encore mieux, les petites pâtes en forme de lettres. Comme ça, je pourrais écrire mon prénom.

Le sarcasme dans sa voix ne passe pas inaperçue et mon ami lui donne raison.

— Elle n'a pas tort, Max, tu aurais pu faire mieux.

Mes deux amis se lancent un regard entendu et je commence à avoir peur de leur rapprochement si rapide. Pourquoi Taylor semble avoir confiance en lui, elle le connait à peine ?

Alors que je me lève pour débarrasser la table, la porte d'entrée s'ouvre avec fracas et Amaury entre comme un fou avant de se précipiter sur le canapé et de palper la jeune femme sur tout le corps. Cette dernière le repousse rapidement.

— Tu vas bien ? Quand Linda m'a dit que tu étais à l'hôpital, j'ai cru devenir fou. Hélène l'a appelée pour la prévenir, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Tu as eu un accident ?

— Alors déjà tu vas commencer par enlever tes mains de ma peau, ensuite, tu vas respirer un grand coup et te détendre, je vais bien, tu peux repartir.

— Tu te fous de moi ? hurle-t-il. Tu disparais pendant un mois, et quand j'apprends ton retour c'est pour me dire que tu as fait un tour aux urgences. J'étais fou d'inquiétude !

Amaury est hors de contrôle.

— Je ne pense pas que lui hurler dessus soit la meilleure chose à faire, m'interposé-je. Taylor a besoin de calme et de repos, tu n'es pas revenu ici depuis deux semaines, je n'ai d'ailleurs eu aucune nouvelle de vous deux durant ce laps de temps et ce soir tu te pointes comme si c'est toi qui avais vu Taylor en train de péter les plombs à l'hosto. Tu penses avoir des droits sur elle, mais tu n'en as aucun. Je ne connais pas votre passé, mais ce que j'ai vu aujourd'hui m'a suffi. Écoute ce qu'elle te demande et laisse-la tranquille.

Mes paroles fusent plus rapidement que ce que mon cerveau aurait voulu que je dise. Paco pose une main sur mon épaule et m'entraine à l'écart. Je ne suis pas de nature violente, mais ce soir, mes nerfs ont été mis à rude épreuve. Aux urgences, il m'arrive de devoir gérer des journées de dingues, mais là je perds mes moyens.

Je me dirige vers ma chambre et m'assois sur mon lit, la tête entre mes mains.

— Cette fille est importante pour toi, ne le nie pas. Tu as toujours été très protecteur envers les gens qui te sont cher, mais là, c'est différent. Tu es différent.

Les paroles de Paco ne me confortent pas, au contraire.

— Arrête de dire n'importe quoi ! Tu l'as entendu, elle ne veut pas entendre parler de mon métier.


Sauve-moi !Where stories live. Discover now