Chapitre 10

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Maxence

Un mois s'est écoulé depuis le départ de Taylor sans que personne ne sache où elle se trouve, et depuis deux semaines, Amaury vit quasiment chez Linda. D'après ce que j'ai compris, il fait tout pour la reconquérir et se faire pardonner. Je me retrouve donc tout seul dans cette grande maison, à essayer d'assembler les morceaux du puzzle de leurs vies. Je suis heureux pour mon ami, mais, en revanche, l'absence de Taylor me pèse, je m'inquiète pour elle, même si je la connais peu. Elle a su toucher une part de moi, l'homme se cachant derrière la blouse blanche comme elle aime tant le dire.

Mon téléphone bip m'indiquant l'arrivée d'un message :

Je te confirme mon arrivée demain après-midi. Ne m'oublie pas. P

Un sourire se dessine sur mes lèvres, l'arrivée de Paco me sortira de ma solitude. En accord avec Amaury, mon ami prendra la troisième chambre de l'aile ouest. La maison est construite en I couché : une grande pièce ouverte contenant la cuisine et la pièce à vivre entourées de chaque côté par des couloirs style dortoirs. Taylor les appelle les ailes est et ouest en rapport, je crois, à un dessin animé. Elle a une culture cinématographique bien meilleure que la mienne. Et elle occupe aussi un peu trop mes pensées.

En écrivant une réponse pour mon ami, je me fais la remarque que pour une fois j'espère pourvoir partir à l'heure car il y a toujours un couac au moment de ma relève. J'aime mon métier, mais parfois j'aimerais pouvoir partir à l'heure ou avoir une vraie soirée de repos. Ce qui est très rare ces derniers temps. Il faut dire que nous sommes en sous-effectif, comme dans beaucoup d'établissements, malheureusement.

Aujourd'hui, ma garde se passe tranquillement, les urgences ne débordent pas, la fin de journée approche et je suis en train de faire de la paperasse lorsque j'entends de l'agitation dans les box.

Aurélie, l'infirmière coordinatrice, m'interpelle au même moment.

— Docteur Nivel, nous avons un souci avec une patiente. Elle est très agitée et je la soupçonne d'être sous l'emprise de drogues. Pouvez-vous venir la voir avant qu'elle ne se blesse davantage ? Les pompiers ont tenté de la contenir ce qui a augmenté sa crise.

En m'approchant, je reconnais la voix de Taylor.

— Il est hors de question que je passe la nuit ici ! Victor s'est emballé pour rien, je vais bien, c'est juste une égratignure.

— Ta cheville a au moins doublée de volume et tu ne peux plus bouger ton épaule. Alors non, ce n'est pas rien.

— Hélène, arrête tes conneries, je vais encore tomber sur un charlatan. Je n'ai rien à faire ici. Je veux me tirer de là.

Je comprends ce que ma collègue a voulu dire. Taylor n'est pas vraiment le genre de patiente calme et posée, non, elle a peur et se défend comme elle peut.

— Je vais prendre en charge son dossier, merci, Aurélie.

Avant de la rejoindre, j'envoie un message à Paco pour le prévenir que j'aurais du retard et me prépare à affronter une tornade... Mon ami me répond aussitôt.

Je prendrais un taxi et te rejoindrais à l'hosto, bon courage. P

Je m'avance doucement vers les deux jeunes femmes.

— Bonsoir.

— Maxence ? bredouille Taylor sous la surprise.

Son amie la regarde, étonnée.

— Tu le connais ?

— Je suis son colocataire, dis-je sans laisser le temps à Taylor de répondre.

— La vache, je ne comprends pas pourquoi tu squattes mon canapé, alors que tu vis avec un médecin aussi craquant.

Maintenant, je sais où elle vit.

— Je crois que vous venez de trouver la raison : mon métier. Taylor, tu permets que je t'ausculte ? Que s'est-il passé ?

N'ayant pas le droit à l'erreur avec elle, j'emploie mon ton professionnel, sans pour autant être condescendant. Je dois prendre en compte ses peurs en plus de sa douleur.

— Le truc le plus stupide du monde. Je bossais sur un moteur avec mon frère, il a laissé une pièce par terre, j'ai glissé dessus et me suis blessée. C'est rien, je peux sortir maintenant.

Son ton se veut blaser, mais son corps, lui, hurle de souffrance.

— J'aimerais t'examiner avant, mais promis, je ne t'imposerais pas de rester en observation cette nuit si tu ne la passes pas seule.

Piètre tentative pour la faire revenir à la maison.

Elle acquiesce de la tête et me laisse faire mon travail. Il lui faut une radio pour sa cheville. Je suspecte une entorse, mais je veux écarter toutes les autres hypothèses. Pour son épaule, c'est plus complexe. Je prescris aussi une radio, ce qui me permettra de voir l'étendue des dégâts de mon confrère. Taylor est calme, trop à mon goût. J'ai peur qu'elle n'ait reçu un choc à la tête et le cache de peur de passer la nuit ici. Pendant qu'elle passe ses radios, j'en profite pour parler avec son amie. Son visage m'est familier.

— Je suis Hélène, la femme de Paul, se présente-t-elle.

— Vous étiez avec Taylor lors de sa chute ? Elle me semble trop calme...

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'elle me coupe la parole.

— Oui, j'étais venue parler avec elle, parce qu'elle fuit Amaury depuis son retour de vacances. Pour ce qui est de son calme, je pense qu'elle est sous le choc. Sa tête n'a pas heurté le sol, mais son épaule oui. Je la connais assez pour savoir qu'elle revit en boucle les conséquences de son accident. Et puis elle veut paraître forte devant vous. Ne lui faites pas de promesses que vous ne pourrez pas tenir.

— Amaury ne vit plus chez nous depuis un moment. Je pensais qu'elle le savait.

Nous parlons jusqu'au retour de Taylor, toujours aussi silencieuse, les radios sur ses genoux. Je la trouve encore plus pâle qu'un peu plus tôt. Elle me tend les clichés et attends mon verdict.

— Je vais contacter le radiologue pour avoir son avis et je reviens te voir pour les papiers de sortie.

Toujours en silence, elle acquiesce et se tourne vers son amie.

Je rejoins mon bureau et observe les clichés. Comme je m'y attendais, sa cheville n'a rien de cassé, en revanche son épaule est vraiment en mauvais état. Elle doit souffrir continuellement. Je ne sais même pas comment elle fait pour travailler. Après avoir vérifié si Paco m'a donné de ses nouvelles, je retourne auprès de Taylor. Je n'ai aucun motif pour la garder ici.


***

Si l'histoire te plait laisse une étoile.
Je retourne soutenir l'équipe du Stade Rochelais.

Bon dimanche.


Céline

Sauve-moi !Where stories live. Discover now