Chapitre 6

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Maxence

Le retour jusqu'à la maison se fait dans un silence oppressant, rempli des paroles du petit frère de notre colocataire. Je voudrais parler, mais pour dire quoi ? « Désolé, mec, je ne connais pas toute votre histoire, mais je suis d'accord avec le petit. Pourquoi la laisser avoir une attitude destructrice et refuser l'aide que vous lui proposez ? » Au lieu de ça, je garde ces paroles pour moi.

Une fois garé, Amaury ne coupe pas le moteur ; je suppose qu'il ne reste pas. Je sors donc sans un mot et rentre chez nous.

En passant devant la chambre de Taylor, je l'entends parler, expliquer à son interlocuteur que son frère a dû rentrer, j'en déduis qu'elle échange avec son ex et qu'elle ne se doute pas de ma présence.

— Tu vis toujours chez lui ? Je suis surpris.

— Tu plaisantes ? Je te rappelle qu'il ne m'a pas vraiment laissé le choix, c'était ici ou chez mes parents. Mon choix a vite été fait, lui répond Taylor d'un ton où la colère gronde.

Ne voulant pas l'espionner davantage, je me dirige vers ma chambre pour prendre une douche puis me couche et m'endors rapidement

Le lendemain matin, je me lève le premier. Taylor sort de sa chambre, vêtue uniquement d'un débardeur et d'un shorty, alors que je suis en train de préparer le café, et à voir la tête qu'elle affiche, elle pensait être seule avec sa gueule de bois.

Je détourne rapidement le regard de ses courbes et tombe sur une cicatrice pas très belle au niveau de son épaule droite ; le chirurgien qui l'a opéré ne s'est pas soucié du côté esthétique. Je ne sais pas comment elle se l'est faite, mais clairement sa blessure la fait encore souffrir. Surprenant mon regard, elle sort les griffes, ce qui semble être une habitude chez elle.

— Quoi ? Tu vas me faire la morale, toi aussi, me dire que cette chose hideuse ne devrait pas ressembler à ça, et que boire de la vodka ne soigne pas ? Merci, papa, mais je sais déjà tout ça ! Et j'ai déjà trois frères, je n'ai pas besoin d'un chaperon supplémentaire.

— J'allais simplement de te proposer un café et du paracétamol. Éventuellement une bouillotte chaude pour soulager tes courbatures, rien de plus.

— Le grand médecin Maxence ne va pas me faire la morale ? Eh bien, tu serais bien le premier en blouse blanche à ne pas me sortir ta science et tes reproches ! Avant même que j'ai pu boire une gorgée du nectar noire qui me permet de ne pas être un zombie.

— Si tu me regardes bien, je porte un t-shirt et un jogging, la tenue basique pour un dimanche matin chez soi. En dehors de l'hôpital, je suis juste un homme, alors si tu veux parler, je peux t'écouter, dis-je d'un ton délibérément détaché. Sinon, je peux aussi retourner à mes activités.

Je sais que je joue gros sur ce coup, la balle est dans son camp. Mais si j'ai raison, elle souffre depuis longtemps et le cache à son entourage.

— J'accepte le café et la chaleur, pour le reste on verra. Amaury dort encore ?

— Je ne sais pas, il m'a déposé avant de repartir hier soir.

Elle secoue la tête, mais ne dis rien de plus, ce qui me fait supposer qu'elle se doute de l'endroit où se trouve son ami. Tenant toujours son bras contre son flan, Taylor se dirige vers le canapé et s'installe ; seulement trouver la bonne position lui soutire des grognements de frustration et un lancer de coussin. Sa colère sort par tous les pores de sa peau. Un seul mot ou geste pourrait la faire exploser, telle une grenade dégoupillée.

Je m'approche doucement, pose le café sur la table, ainsi qu'une poche chaude sur son épaule. Taylor se tend à mon contact, pas vraiment à l'aise avec sa blessure ou son corps, alors je lui laisse de l'espace et vais chercher une crème décontractante dans ma chambre. Depuis que Paco me l'a fait découvrir, je ne m'en passe plus. Si la jeune femme me laisse faire, elle devrait être soulagée quelques heures.

Quand je reviens, je remarque ses yeux brillants de larmes contenues. Je ne lui pose aucune question, me place derrière elle, enlève la source de chaleur, et commence mon massage. Si je lui laisse le choix, elle refusera que je la soulage. D'abord très tendue, Taylor finit par se relâcher.

Je ne passe pas sur sa cicatrice, mais sur les points de jonction des muscles et des nerfs. Mon but est de la soulager, alors si j'ose essayer de passer sur sa peau meurtrie, elle risque de prendre la fuite. Se détendant un peu plus, elle ferme les yeux et se laisse tomber davantage dans le canapé, m'offrant un instant de calme pour l'observer. Je comprends que ses frères veuillent la protéger, c'est une très belle femme qui cache une grande souffrance. Taylor est vulnérable quand elle baisse les armes, comme les roses et leurs épines, elle se protège de piques verbales acérées.

Le silence entre nous n'est pas pesant, au contraire, il semble lui faire du bien. C'est étrange cette sensation de plénitude qui règne dans la pièce, alors qu'un peu plus tôt, la jeune femme était prête à m'arracher la tête.

Elle n'a vu en moi que mon métier, du moins jusqu'à ce que je lui rappelle que je suis aussi un homme. Taylor ne veut pas qu'on la contraigne ou lui impose des choix, elle veut être indépendante et libre de ses choix. Et il est très facile de comprendre qu'il ne faut pas lui dire quoi faire, mais plutôt lui suggérer des options.

La crème ayant bien pénétrée, j'arrête mon massage.

— Merci.

C'est un chuchotement, mais il me touche directement en plein cœur. Pourquoi cette femme que je connais à peine m'ébranle à ce point ? Peut-être parce que le médecin en moi refuse de voir les gens souffrir.

Je me relève et me dirige vers l'évier pour me laver les mains et me resservir un café. Alors que je m'installe à table, sa petite voix résonne encore.

— Je ne mords pas, viens sur le canapé.

Sans avoir besoin d'y réfléchir à deux fois, je m'exécute et m'installe du côté de son bras valide. À peine suis-je posé qu'elle se lance dans un monologue :

— Il y a un peu plus de trois ans, j'ai eu un accident de voiture alors que j'étais pilote de rallyes. Ce jour-là, ma voiture m'a joué un sale tour, m'empêchant de participer. Tout était perdu pour moi, en tout cas, c'est ce que je pensais, jusqu'à l'appel de Stéphane. Lui et moi étions à la fois concurrents et alliés, alors quand il m'a annoncé qu'il était malade, je l'ai remplacé au pied levé. Je connaissais le circuit sur le bout des doigts, j'avais fait les repérages avec mon co-pilote, Rudy. Nous avions notifié tous les virages et autres parties potentiellement dangereuses de la piste, il faisait un temps splendide, toutes les conditions étaient réunies pour qu'on passe un bon moment et pourquoi pas gagner la course.

Taylor s'arrête, inspire comme pour se donner du courage, et poursuit :

— Nous étions en tête du classement au départ du dernier tour quand tout a dérapé. Le trajet contenait un passage boisé. Un sanglier est sorti du bois, j'ai essayé de l'éviter, mais il n'était pas seul. Je n'avais juste pas vu le deuxième. Il nous a percuté de plein fouet, la voiture est devenue incontrôlable et nous avons fini dans le décor après plusieurs tonneaux. En voulant protéger Rudy, j'ai tendu mon bras vers lui, et c'est cet acte qui me vaut cette maudite blessure. Voilà, tu sais tout. Maintenant, toi aussi tu vas pouvoir me rabâcher qu'une femme n'a pas sa place dans ce genre de compétions ou derrière un volant, que j'aurais mieux fait de me contenter de rester sagement à la maison à prendre soin de mon homme.

Avant que je ne puisse répondre quoi que ce soit, elle se lève d'un bond et court se réfugier dans sa chambre.


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Céline

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