-• ᴄʜᴀᴘᴛᴇʀ 4

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17h, il me reste encore 1h avant de finir ma journée de travail qui me paraissait déjà si longue dès lors que je l'ai entamée ce matin. Les clients sont passés en long, en large et en travers. J'ai vu multitudes de visages circuler aujourd'hui, d'autres plus familiers que certains, certains plus jeunes que d'autres. Tout de même, j'ai réussi à leur lâcher le sourire le plus doux et pourtant tellement faux, durant toute la journée.
Encore une journée à faire semblant. Une de plus où je suis rongée de l'intérieur mais personne ne le sait ou ne le remarque. J'ai remis mon masque de jeune femme pétillante et heureuse alors que je sais très bien qu'intérieurement il n'en est rien. C'est même tout l'inverse : je suis vidée et sans couleur. Je me demande encore comment je tiens, comment le peu de force que j'ai reste présent alors que la seule chose que je veux faire est m'effondrer, de ne plus jamais me relever et me vider de cette douleur que j'ai par le biais de mes larmes. Je veux juste qu'on me laisse.
Qu'on laisse mon âme quitter mon corps pour aller en trouver un autre bien plus sain et qui saura en prendre soin correctement, dignement et avec amour.
Enfouie dans mes pensées, je remarque à peine l'heure. Je me dirige silencieusement dans les vestiaires, reprend mes habits les plus tristes que j'avais avant d'enfiler mon uniforme. En sortant je donne un petit sourire discret à Rosalie en guise d'au revoir pour lui signaler que je m'en vais. Et je quitte le restaurant sans bruit, je veux que personne ne me remarque. J'ai l'impression que ma présence est déjà de trop dans ce monde, autant ne pas la faire remarquer plus que ça.
Une fois dehors, je prends une grande aspiration, l'air frais de fin de journée vient gentiment se poser sur moi et fait voler quelques mèches de cheveux.
J'entame mon chemin du retour vers chez moi. Comme à mon habitude depuis qu'il est parti, je traîne des pieds, je ne veux toujours pas rentrer dans cet appartement. J'y passe mes nuits seules à ne pas fermer l'œil en redoutant tout ce qu'il pourrait se passer maintenant que sa présence n'est qu'un souvenir.
***
Mon pas est lent, mes pensées se courent après dans ma tête, la musique sonne dans mes oreilles mais je n'arrive pas à prêter attention à ce que j'écoute. Mes yeux sont dans le vide comme la plupart du temps quand ils ne sont pas plongés dans des assiettes à moitiés finies, ou fraîchement servies, ou bien des verres à cocktails qui demandent qu'à être dégustés par les multitudes de papilles qui demandent des nouvelles fraîcheurs dans ce restaurant.
J'essaye de penser à autre chose. Je tourne ma tête qui était fixée sur le sol et mes yeux se portent sur la vitrine d'une boutique de fleuriste. Je ralentis ma marche déjà assez lente, j'ai toujours eu une certaine appétence pour les fleurs, en particulier les roses rouges. Elles dégagent tellement de choses et à la fois elles sont mystérieuses. Elles sont belles avec leurs couleurs si puissantes mais tellement dangereuses si on ne prend pas soin avec les épines. Elles me fascinent par leur beauté.
Je me suis arrêtée pour les admirer, un instant, prendre le temps de savourer ce moment où je ressens quelque chose d'autre qu'un énorme vide.
Ça faisait longtemps que quelque chose ne m'avait pas apporté du réconfort. Trop longtemps.
Je pourrai rester longtemps, plus longtemps que je ne le souhaite mais la nuit commence à se dévoiler et je ne suis qu'à mi-chemin pour rentrer.
Je reprends mon pas, une nouvelle fois lent, cela dit mon esprit commence à analyser par lui-même tous les détails qui m'entourent.
C'est comme ça que je remarque un couple sur un banc, corps rapprochés, l'homme qui passe une de ses mains dans les cheveux de sa bien-aimée, et l'autre main occupée par un bouquet de fleurs, des roses rouges en réalité. Je ricane toute seule sur cette coïncidence : seulement quelques minutes auparavant j'admirais la beauté de ces mêmes fleurs qui m'apportent du réconfort devant un fleuriste.
Je continue de marcher, je rentre dans une rue commerciale. Des vitrines de magasins s'enchaînent sur chaque côté de la rue et mes yeux finissent par se diriger sur un autre fleuriste dont le nom écrit en gros et en vert attire mon attention « Au Nom De La Rose ». Je ricane une deuxième fois mais mes sourcils se froncent. Deux coïncidences en si peu de temps, c'est tout de même hasardeux.
Continuant de marcher, j'aperçois la boutique de Mr Lee signifiant que je suis bientôt arrivée à destination. La chanson que j'écoutais se finit et le temps qu'une autre se lance, mon esprit parvient à distinguer une conversation entre deux jeunes femmes, très élégantes portant des trenchs avec un air de mode parisienne, se faisant face à face et la seule phrase que je parviens à distinguer est :
« Et là, je rentre et vois des roses rouges déposées sur la table ».
Ça y est, je commence à douter si tout cela est vraiment une coïncidence, ou est-ce qu' on essaye de m'envoyer des signaux que je ne parviens pas à recevoir.
Non, non, rien n'est de tout cela. Je divague seulement, c'est la fin de la journée, je rentre du boulot, je suis fatiguée. C'est ça, c'est la fatigue qui joue sur tout ce que je vois ou entends.
J'arrive chez Mr Lee et m'arrête devant la vitre. Ce cher monsieur qui m'apporte tellement est au fond de la boutique en train de ranger des stocks de mochis. Je ne veux pas le déranger alors, je tourne le pas et me dirige en direction de mon immeuble.
Je fais attention en traversant. Je suis dans ma rue. Je tape alors le code en bas de ce grand immeuble qui fait vieux vu de l'extérieur, je pousse cette porte lourde et grinçante.
C'est alors qu'une dame d'un certain âge croise mon chemin, je la salue et elle me le rend en retour. Normalement je n'aurais pas dû porter attention à elle plus que ça, jusqu'à que mes yeux remarquent le manteau qu'elle portait.
Oui, une fois de plus.
Son manteau était noir, à motif de roses rouges. Je me suis arrêtée net, me suis retournée et la regarde partir. Mes yeux sont remplis d'incompréhension. Cela fait beaucoup pour que quatre coïncidences s'enchaînent tout de même, les unes à la suite des autres.
Pourquoi ? Que vient-il de se passer ? Qu'est-ce que je dois comprendre ?
Ces questions, et encore pleins d'autres, s'enchaînent dans ma tête.
J'ai l'impression que mon cerveau est fait pour se poser des questions sans avoir les réponses qu'il recherche.
Est-ce que même un jour j'aurais les réponses à mes questions ?
Est-ce que j'aurais un jour la réponse à la question que je me pose chaque jour, chaque heure, chaque minute et chaque seconde.

[by Cath']

𝙀𝙖𝙘𝙝 𝙊𝙩𝙝𝙚𝙧'𝙨 𝙑𝙞𝙘𝙩𝙞𝙢𝙨. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant