-• ᴄʜᴀᴘᴛᴇʀ 6

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C'était une soirée douce, le vent frais venait effleurer mon visage et le sien mais je n'avais pas froid. On sentait qu' on venait de quitter l'hiver et que les temps chauds commençaient à s'installer. Malgré la fraîcheur je ne sentais pas le froid mais à l'intérieur de moi, le froid s'était installé depuis un moment dans mon corps et dans mon cœur.       
Le silence entre nous deux à bon être gênant, je ressens quand même quelque chose de réconfortant avec ce doux inconnu dont je ne sais même pas le nom.
Aucun de nous parle, aucun de nous n'ose porter son regard sur l'autre comme s'il s'était passé pourtant seulement quelques minutes auparavant. Comme si seulement un seul regard nous avait été autorisé et qu'une punition nous attendait si on osait, ne serait-ce qu'une seconde, reposer nos pupilles sur l'un et l'autre.
Le silence commence à devenir pesant, on le sent, lui et moi on aimerait se poser multiples questions mais aucun n'ose.
Par courage, j'oriente ma tête vers lui, et le regarde enfin depuis que nous sommes partis de la boutique de Mr Lee ; il a la tête baissée, le regard sur ses pas qui vont au même rythme des miens pour suivre la cadence. Ses mains dans les poches de son blouson en cuir qui lui donne l'air plus dur que quand il porte son sweat violet à capuche.
« Merci de me raccompagner »
Mon esprit a pris contrôle de moi, il mourait d'envie de lui parler, il fallait que ce silence soit coupé. Qui sait ? Peut-être serait-ce la dernière fois que je lui adresserai la parole ou même de le voir.
« De rien. Être une âme vagabonde dans la nuit c'est mieux quand on est accompagné par une autre âme vagabonde »
Il me dit ces mots tout en posant son regard sur moi. Et une nouvelle fois, nos regards se croisent.
Qu'est-ce que c'est ?
Quelque chose se passe. Comme si nos yeux étaient faits pour se rencontrer, se voir, se lire, s'admirer.
Je ne le connais pas mais avec ses yeux c'est comme si quelque chose de familier prenait le temps de me regarder.
Inconsciemment.
Sans me contrôler.
Sans le vouloir.
Je lui souris.
Oh non, non, qu'est-ce qui vient de se passer ? Qu'est-ce que j'ai fait ? Mais pourquoi ?
J'ai envie de me fracasser la tête contre le prochain mur que je croiserai.
Que va-t-il penser de moi maintenant ?
Toutes ces questions partent en fumée aussitôt que je me rends compte qu'il me rend le sourire, s'ensuit nos deux ricanements, pratiquement enfantin.
***
Maintenant je regrette d'habiter aussi proche de la boutique de Mr Lee. Nous voilà bientôt arrivés devant la porte de mon immeuble et j'aimerai pourtant, aussi stupide que cela puisse paraître, continuer ma promenade avec lui. En savoir plus sur lui autre que son léger rire que j'ai pu entendre pendant de courtes secondes.
Je me pose contre ma porte, prête à taper le code pour ouvrir cette lourde et imposante porte et rentrer dans mon appartement froid et vide, que je hais tous les soirs.
Je le regarde une dernière fois. Il a cet air d'enfant attendrissant, celui qu'on aimerait avoir dans son étreinte avant de partir pour lui dire au revoir.
« Bon et bien, finissez bien de rentrer chez vous, cher mademoiselle l'âme vagabonde »
Sa voix me ramène sur terre et me fait réaliser enfin que je dois le laisser. Pourtant j'étais si bien.
« Merci. Faîtes de même, monsieur l'âme vagabonde »
Je lui réponds suivi d'un léger sourire en pinçant mes lèvres.
Il hoche la tête et je le vois se retourner, et s'éloigner dans la nuit qui était tombée discrètement, ce qui me fait remarquer que notre marche a été lente.
Je m'appuie contre la porte et le regarde une dernière fois, marchant droit devant lui. Son corps large des épaules devient de plus en plus lointain de mon champ de vision.
Plus il s'éloigne, plus je sens ce léger sentiment de réconfort s'éloigner avec lui,
Pendant de courtes minutes, j'étais bien, mes pensées négatives habituellement en permanente colocation avec mon cerveau, avaient disparues. Mes pensées n'étaient en réalité que centrées sur lui, sur l'envie de connaître un peu plus et surtout de savoir pourquoi il avait pris cette initiative de me raccompagner.
Pourquoi moi ?
Pourquoi tout simplement.
Qu'elle a été sa motivation d'être à la présence d'une âme vagabonde comme la mienne, comme il apprécie si bien me nommer, alors qu'il pourrait être en présence d'autres âmes tellement plus aimables que la mienne ?
Je soupire.
Ça y est, mes multitudes de questions reviennent à la surface. Pourtant j'avais réussi à les stopper.
Quand j'étais en sa présence.

[by Cath']

𝙀𝙖𝙘𝙝 𝙊𝙩𝙝𝙚𝙧'𝙨 𝙑𝙞𝙘𝙩𝙞𝙢𝙨. Where stories live. Discover now