-• ᴄʜᴀᴘᴛᴇʀ 10

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Le bruit des verres qui s'entrechoquent, les assiettes qui s'empilent sur le comptoir, les couverts qui vacillent dans tous les sens. Ce brouhaha est devenu mon quotidien depuis tellement longtemps que je n'y prête plus attention. A vrai dire ces derniers temps, j'essaye d'effacer mes pensées à l'aide du travail; que ce soit mes pensées de celui qui a quitté ma vie sans dire de mots ou alors celles de cet homme à sweat violet ou au blouson motard dont je n'ai qu'un nom comme identification. Mon cerveau est divisé en deux : pensées négatives et pensées positives. Je n'arrive pas à faire le tri, tout ce mélange. Si quelqu'un prenait le temps de jeter un coup d'œil à l'intérieur de tout ça, il prendrait peur. Une misère monstre. J'aimerai quelquefois mettre tout en pause, prendre le temps de respirer réellement ou même juste souffler un bon coup. Mais même ça j'ai l'impression que c'est trop demandé à l'univers : m'accorder une pause.
Rosalie, depuis le centre de la salle de restauration, vient jeter des regards sur moi qui me trouve au bar pour ranger et effectuer les nombreuses commandes de la journée. Elle m'a promis de garder un œil sur moi et ne manque pas à sa mission. Chaque geste venant de sa part me fait remarquer qu'elle est réellement là pour moi et je ne peux que lui en être reconnaissante.
Du coin de mon œil, je sens son regard. Alors je viens lever ma tête, la regarde et lui lâche un petit sourire pour lui signaler que, pour le moment, tout va bien. Elle hoche la tête pour en retour à ma réponse, tout en acquiesçant faussement la réponse du client dont elle prend la commande.
Je fais valser mon chiffon dans les mains qui passe en long, en large et en travers sur le comptoir du bar pour qu'il brille de nouveau. Un soupir de fatigue, une mèche de cheveux qui vient tomber sur mon visage, et, toujours en train de nettoyer ce comptoir, je finis par regarder ma montre et mes épaules viennent se décontracter quand je réalise que je peux enfin partir et finir ma journée. Une journée de plus. La routine. Même pensées. Même questions sans réponse. Même désir. Je souhaite de tout cœur que quelque chose vienne stopper tout ça et qu'on me libère enfin de mes démons qui ne veulent plus me quitter.
***
Le soleil couchant vient me saluer sur mon trajet de retour vers chez moi. Cela m'a fait penser à quelque chose, le surnom que mon père me donnait : ma chouette. Mon adoration des couchers de soleil, ma fascination pour les astres dans le ciel la nuit, le fait que, depuis toute petite, je trouve quelque chose d'apaisant quand les étoiles et la lune montrent leurs plus belles lumières. Je suis une personne de la nuit pour lui et c'est comme ça qu'il me montre son amour, en m'appelant « ma chouette ». Je rigole toute seule à ce souvenir qui est venu me traverser l'esprit. Ma tête se lâche et regarde le sol dans mon action, je continue de marcher.
Puis, je me stoppe net. Mes yeux toujours rivés au sol, ils remarquent une paire de chaussures à quelques centimètres des miennes.
Mon cœur palpite, mes pensées se troublent une nouvelle fois.
Doucement, je lève ma tête, je remarque les vitrines de la boutique dont je suis l'habituée et dans les derniers rayons de soleil qui traversent les nuages, dans cette lueur d'orange et d'or.
Il est devant moi.
Appuyé contre le mur, le regard ravi de me revoir une nouvelle fois, dans la lumière du jour cette fois-ci. Il a les traits du visage froid mais une aura chaleureuse. Gentiment, il me salue de son sourire avec ses douces fossettes. Poliment je lui réponds par le même geste. Je pourrai repartir et finir de rentrer chez moi mais mes pieds refusent de bouger, je suis comme figée sur place.
Il s'approche de moi doucement, son sourire n'a pas quitté son visage, j'arrive à distinguer son parfum qui vient timidement se glisser vers mes narines, c'est comme ça que je réalise qu'il n'est qu'à quelques centimètres de moi.
« Comment vas-tu aujourd'hui Sélina ? »
Il est le premier de nous deux à couper ce silence. Dans ses yeux, je vois quelque chose de lumineux, comme si en posant cette question il se souciait réellement de moi.
« Bien. Et toi ? Changkyun ? »
Son nom sort timidement de ma bouche, je ne sais pourquoi mais je perds tous mes moyens face à lui.
« Bien, je te remercie »
Il n'hésita pas à me répondre suivi d'un léger ricanement, le même ricanement qu'il m'a offert la nuit où il m'a raccompagné chez moi et que nos rires enfantins étaient venus nous tenir compagnie à ce moment-là.
« Merci pour les fleurs la dernière fois devant ma porte. Elles étaient très belles »
Incontrôlée, cette phrase sortit, suivie d'un doux sourire. Je ne sais comment, mais en sa présence je devenais faible de la plus douce des manières.
Je n'aurais qu'en réponse un doux sourire et un hochement de la tête. C'est Monsieur Lee qui veint nous interrompre :
« Tiens mon grand, j'ai trouvé ce que tu me demandais »
Je vois mon cher vieux monsieur sortir de sa boutique et lui tendre une bouteille de whisky. Une magnifique bouteille dont le liquide est légèrement de couleur bronze et dont le nom « Four Roses » y figure de manière très esthétique.
Monsieur Lee remarque ma présence et se tourne vers moi. A son habitude il vient m'offrir le plus doux des sourire et me salue :
« Oh ma belle ! Bonjour, quel plaisir de te voir »
Ses yeux disparaissent comme des mini lunes dès lors qu'il affiche son sourire si chaleureux.
Je le salue à mon tour. Un silence s'installe et le gérant de la boutique déplace son regard sur Changkyun en face de moi, et de nouveau sur moi.
Il viendra dire une phrase qui me percutera d'une manière que mes yeux viennent se perdre dans ceux de Changkyun. Comme si l'univers venait nous adresser un signe, un message, quelque chose. Cette phrase va, pour sûr, résonner dans ma tête dans les jours à suivre.
J'aurai aimé avoir compris le message caché quand il était encore temps.
« Je vous vois souvent ensemble tous les deux ces derniers temps. On dirait que vos âmes sont aimantées. »
[by Cath']

𝙀𝙖𝙘𝙝 𝙊𝙩𝙝𝙚𝙧'𝙨 𝙑𝙞𝙘𝙩𝙞𝙢𝙨. Where stories live. Discover now