-• ᴄʜᴀᴘᴛᴇʀ 12

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Les saisons commençaient à changer doucement, petit à petit le printemps venait s'installer laissant les chaleurs douces et chaudes se poser, les fleurs fleurir et les jours à se rallonger.
Le printemps, ma saison préférée, j'ai eu l'habitude de prendre cette saison comme un renouveau dans ma vie ; faire une mise au point et repartir de zéro à chaque fois. Mais bizarrement, je n'ai pas envie de mise à jour actuellement, je ne sais pas si c'est dû à la fatigue de changer des choses chez moi et que cela ne mène à rien prend place ou bien parce que ce que je vis actuellement ne demande aucun changement. Encore une fois je suis mitigée entre deux choix, à croire que ma vie sera toujours rythmée de décisions indécises, que je n'arriverai pas à faire des choix jusqu'à ce que le timing me rappelle à l'ordre.
Je passe outre cette énième question et me dis que le printemps dure assez longtemps pour que je puisse prendre une décision.
Le printemps est aussi le moment de la Cherry Blossom, une fête assez connue au Japon et j'aimerai pouvoir m'y rendre un jour durant cette période juste pour expérimenter la magie qu'est cette saison. J'ai le droit d'y goûter un petit peu chaque année avec la fête annuelle organisée par Mr Lee et les quelques habitués du magasin : il ferme le magasin aux clients un peu plus tôt que d'habitude, choisit la soirée où la chaleur sera la plus douce et prépare la cour derrière la boutique pour accueillir ceux qu'il considère proches de lui pour venir célébrer cette tradition de la Cherry Blossom Season. J'ai été surprise de voir que pour cette première édition, il y a 4 ans de cela, il m'avait invité. Je ne connaissais personne dans le coin, je venais d'emménager mais il me voyait déjà comme sa petite habituée qu'il aime tant. Cette fête, je l'ai célébré seule, amoureuse, en couple et maintenant je m'y rendrais le cœur brisé avec des milliers de choses qui ne font que traverser mon esprit et une personne en tête pour qui je me demande s'il va continuer à être là.
Je ne sais pas s'il y sera, je ne sais pas qui je verrai. Pour une fois j'ai l'impression d'affronter l'inconnu en y allant, pourtant c'est une fête que j'ai l'habitude de célébrer. Mais tout est différent des années précédentes. Je compte quand même y aller car c'est un moment de l'année que je porte dans mon cœur et j'aime m'y rendre, mais quelque chose en moi me tracasse. J'ai l'impression que quelque chose de commun ou d'inattendu va se passer. Vous savez ce genre de situation, de ressenti à l'intérieur de soi où on a l'impression que quelque chose ne tourne pas rond sur un événement de totalement inhabituel mais on ne sait pas ce que c'est? C'est le ressentit que j'ai actuellement. La crise d'angoisse pourrait montrer le bout de son nez à n'importe quel moment, et j'ai peur que je ne puisse pas la gérer comme j'ai l'habitude de le faire car tout est de trop dans ma vie. Vu d'extérieur, tout va bien mais quand on prend le temps d'y regarder plus en détails : c'est un tourbillon. J'ai l'impression de tout contrôler sans rien contrôler à la fois.
Devant mon miroir, enfin prête, je prends le temps de prendre une grande aspiration pour essayer de calmer cette anxiété qui pourrait venir nuire à la soirée a laquelle j'aime tant participer chaque année. « Allez Sélina, éteins-moi ce cerveau et tes pensées nuisibles. Et essaye de passer une bonne soirée », voilà les mots que je me dis avant de quitter mon appartement pour essayer, une nouvelle fois, de paraître comme si tout allait bien.
***
L'air est frais, le soleil disparait petit à petit pour donner sa place aux astres lumineux que j'aime tant, le milieu de la soirée est fort agréable. Monsieur Lee a décoré l'endroit de façon à nous permettre de nous imaginer à l'endroit même où se passe cette fête aux milles splendeurs si douces. Pendant une soirée, j'arrive à imaginer qu'un de mes rêves se réalise. Que je suis sur place avec ces multiples arbres de couleur rose clair ou pastel, et l'ambiance apaisante qui y contribue. Pendant une soirée, mon mal être s'en va et je reprends un léger plaisir à vivre.
Mon monsieur Lee fait le tour des invités pour être sûr que tout le monde profite et ne manque de rien. Je suis dans un petit coin de la cour, debout, glissée entre deux faux arbres en papier roses pastels qu'on pourrait croire que les arbres si connus au Japon durant cette période se seraient déplacés ici. Un verre à la main, je ne parle à personne. Je n'ai même pas l'envie. Les personnes sont celles que je connaissais déjà par le passé avec les nombreuses soirées de la sorte organisées auparavant. Tous et toutes m'ont vu l'an passé accompagné de quelqu'un à mon bras, et chacun n'a pas manqué de me le faire remarquer ; la fameuse phrase « bah qu'est-ce que vous faîtes toute seule ? » a dû passer en boucle. Au début je répondais par politesse puis petit à petit ça en est devenu trop. De répondre à chaque fois à la même question par la même réponse, j'avais cette impression que je ne faisait que remuer le couteau dans la plaie, que je venais rouvrir mes blessures que je tentais désespérément de refermer, que je venais danser à nouveau avec mes démons que j'essayais tant bien que mal de faire taire. Je sentais l'anxiété monter et si quelqu'un me posait encore cette question j'aurais fini par craquer. Pendant un petit instant je décide de m'isoler dans un coin de la cour pour m'éloigner de cette population et respirer un moment. Mon regard switch entre mon verre à la main et les alentours. Mon cœur me dit de rentrer et mon corps me dit de rester. Je n'ai pas envie d'être là mais en même temps j'aime tellement cette soirée dans l'année que je ne la raterai pour rien au monde.
Au loin, je vois Mr Lee qui se dirige vers moi. Il n'aime pas me voir dans cet état, je le sens. Il va venir me demander des nouvelles et peut-être lui aussi venir me poser cette question qui n'a été qu'un disque en boucle depuis le début de la soirée. Il vient vers moi avec le sourire le plus doux du monde, vient poser sa main sur mon épaule l'air de dire qu'il ne me fera pas de mal. Je décide de lever la tête et nos regards se croisent enfin : ses yeux dégagent une lueur de douceur, sa bouche vient former un léger sourire l'air de dire qu'il n'est pas le genre d'être humain à venir me faire du mal. Je lui rends un sourire, et je l'entends venir me poser cette question :
« Comment tu vas ma belle ? »,
Je le vois et je le sens, il est sincère dans sa question. Ce n'est pas la petite question du quotidien qu'on pose quand on croise quelqu'un mais c'est la réelle question de savoir que je suis train de traverser ces temps-ci.
Il aura pour seule réponse mon sourire triste. Les sanglots montent à mes yeux, mon cœur se serre, ma respiration devient faible. La crise approche. Il m'a fallu de ce moment de sincérité de mon cher et tendre Mr Lee pour arriver à mes limites. Je ne peux lui mentir, c'est ça le problème, il le devinerai de tout façon. J'essaye de ravaler mes larmes, mais c'est dur, je n'y arrive pas. C'est comme si tous les moments que j'ai eu où je pouvais libérer mon esprit sont revenus comme un coup de massue en pleine poitrine. Je sens que j'ai vraiment du mal à respirer et qu'une énorme douleur se crée dans ma cage thoracique. Je la connais cette douleur, ce n'est pas la première fois que je la subis mais ça faisait tellement longtemps qu'elle n'était pas venue. Depuis...depuis ma première nuit sur le parking avec Changkyun. Après ce moment de réconfort, je n'ai pas refait de crise. C'est comme si sa présence me rassurait, et jusqu'à présent je ne l'ai pas croisé de la soirée. Et qu'est-ce que j'aurais aimé. L'avoir à mes côtés ou juste dans mon champ de vision pour venir atténuer cette peur, mais non, encore une fois je suis laissée seule face à tout ça. A mes problèmes et mes démons. Mes yeux se remplissent de larmes prêtent à couler, ma respiration s'accélère, et j'aimerai pouvoir répondre à Mr Lee qui attend ma réponse depuis de longues secondes mais c'est comme si aucun mot ne pouvait sortir. J'aimerai m'enterrer six pieds sous terre et ne jamais ressortir jusqu'à ce que ma crise soit finie. Je tente de reprendre mes esprits en baissant la tête au sol, en vain. Mon interlocuteur ne manque pas de voir mon état et je sens qu'il commence à s'inquiéter de mon état. Par pitié, que quelqu'un ou quelque chose me vienne en aide !
« Mr Lee, merci de l'invitation, j'en suis touché. »
« Derien mon grand, amuse-toi bien »
Oh mon dieu. Tout s'arrête, le temps, ma respiration, mes mouvements. Tout. Mon monde est figé à l'écoute de cette voix qui est venue telle la lumière d'espoir que j'attendais. Mon regard se lève pour croiser le sien, il est venu. Il est là.
Je lâche un soupir de soulagement qui restera quand même bloqué entre ma respiration saccadée de ma crise qui ne s'est toujours pas calmée. Je remarque qu'il voit que je ne suis pas dans mon état normal, et malgré sa présence je n'arrive pas à me calmer, ma crise est bien trop lancée pour qu'elle puisse redescendre d'un coup. Je rabaisse ma tête en essayant tant bien que mal de me ressaisir mais ma respiration est trop bloquée, la douleur dans ma poitrine me fait beaucoup trop mal pour que je ne fasse quoi que ce soit.
Je sens la main de Changkyun glisser le long de mon bras pour venir tenir la mienne. Ce contact me donne les frissons à l'instant où je sens ses doigts s'entrelacer avec les miens. Ses mains sont douces, plus grandes que les miennes, ce qui l'aide à prendre l'entièreté de celle-ci. Il vient caresser le dos de ma main avec son pouce, puis il s'adresse à Mr Lee :
« Veuillez m'excusez monsieur, mais je vous emprunte Sélina un instant »,
Suivi de ces mots, il lui adresse son doux sourire, son interlocuteur acquiesce de la tête puis tourne sur ses talons pour se diriger vers le restant de ses invités.
Je le sens me tirer par la même main qu'il n'a pas lâché, on se dirige dans un petit couloir entre l'immeuble de la boutique et un autre qui donne sur une grande porte donnant vers des habitations. On se met dans un petit coin silencieux, il me fait tourner pour qu'il puisse être devant moi. Sa main n'a pas quitté la mienne. Son autre main qui était libre auparavant vient monter le long de mon bras pour me saisir mon épaule. Ma respiration est saccadée, je n'arrive pas à penser à autre chose, les pensées vides font des aller-retours dans ma tête, je n'arrive pas à me concentrer sur rien, j'ai l'impression que tout s'accélère, tout va trop vite, je n'arrive plus trouver le contrôle, je n'ai même pas entendu Changkyun dire mon prénom. C'est seulement une fois qu'il viendra prendre mon menton avec son pouce et son index pour me lever la tête et que nos regards se croisent enfin que je comprends qu'il tente d'avoir mon attention. Ses yeux sont pleins d'inquiétude, et les miens commencent à se remplir de larmes. Il ne faut pas que je craque, il verrait mon côté faible. Et une partie de moi refuse de lui dévoiler ça, mais une autre ne contrôle plus rien.
« Hey, Sélina. Je suis là, laisse-moi m'occuper de toi »
« Changkyun... »
J'appelle son nom de mieux que je peux mais la douleur dans ma poitrine devient de plus en plus forte et ma respiration commence vraiment à se bloquer. Ses yeux toujours posés sur les miens ont ce regard pour me dire qu'il attend potentiellement une autre phrase venant de moi, de quoi l'éclairer sur mon état même si je sens très bien qu'il sait ce qu'il m'arrive, il faut juste qu'il apprenne à gérer en même temps que je dois me battre pour essayer de revenir à moi. Avec le peu de forces qui me reste, j'essaye de prendre une grande aspiration et enfin lui dire :
« J'arrive plus à respirer. ».

[by Cath']'

𝙀𝙖𝙘𝙝 𝙊𝙩𝙝𝙚𝙧'𝙨 𝙑𝙞𝙘𝙩𝙞𝙢𝙨. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant